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Comment favoriser

la fécondation des fleurs des fruitiers ?

À quelques exceptions près, sans fécondation, pas de fruit ! Or, la production fruitière est le but recherché

par l’arboriculteur, que ce soit pour son plaisir ou dans le cadre de son activité professionnelle.

Il se doit donc d’accorder une attention particulière à ce processus à la fois naturel et complexe,

notamment grâce à ces conseils.

Temps de lecture : 9 min

Dans la très grande majorité des cas, la production d’un fruit suppose que la fleur correspondante ait été fécondée, soit par le pollen de la même variété, soit par le pollen d’une autre variété appartenant à la même espèce. La distance des transferts des grains de pollen entre l’étamine où ils ont été formés et les pistils peut donc varier de quelques millimètres à plusieurs dizaines de mètres. La germination du pollen et la fécondation du sac embryonnaire viennent ensuite. L’ovule fécondé évolue en une graine, et l’ovaire de la fleur en un fruit, sec ou charnu, qui est le but final de la culture. Nous allons voir ici comment l’arboriculteur peut faire en sorte que tout ce processus complexe se déroule pour le mieux.

Différents types de fruits…

Selon les espèces fruitières, il existe différents types de fruits à consommer :

fruits simples secs : les akènes (par exemple châtaigne ou noisette) ;

fruits simples charnus : on distingue les baies, où la ou les graines sont en contact direct avec la pulpe (les agrumes et les groseilles, par exemple), et les drupes, où la graine est séparée de la pulpe par un noyau lignifié (les prunes, cerises, pêches, abricots, amandes, par exemple) ;

fruits composés charnus : ce sont par exemple les polydrupes des ronces et des framboisiers, et des fruits charnus qui résultent du développement du réceptacle de la fleur : c’est le cas de la fraise dont les vrais fruits sont les nombreux akènes qu’elle porte. Chez les pommes, les poires, les coings et les nèfles, le réceptacle et l’ovaire concourent à former le fruit charnu. D’autres fruits charnus résultent du développement simultané de nombreuses fleurs jointives ; par exemple le fruit du mûrier, du figuier et de l’ananas.

… et de fécondation

Dans des articles antérieurs, nous avons évoqué à plusieurs reprises les conditions de réussite de la nouaison des fleurs. Le cas le plus simple est l’autofécondation de fleurs hermaphrodites par le pollen de l’arbre même, qui ne doit parcourir que quelques millimètres. C’est le cas des griottiers, des pêchers, de la plupart des petits fruits, des cognassiers, et de quelques variétés récentes de cerises douces.

Toutefois, on mentionne plusieurs cas où il semble que l’apport d’un pollen « étranger » stimule la nouaison des fleurs, et d’autres où un décalage chronologique entre la réceptivité des ovules et la croissance des tubes polliniques empêche l’autofécondation.

Il arrive souvent que la germination du pollen et la croissance du tube pollinique soient ralenties ou arrêtées par un mécanisme appelé « auto-incompatibilité » avec le stigmate de la fleur. C’est le cas lorsque pollen et stigmate sont porteurs des mêmes gènes désignés par la lettre S. Ainsi des grains de pollen à gènes S1 et S2 ne peuvent germer sur une fleur à gènes S1 et S2, mais le pollen S1 peut germer sur une fleur S2 S3 et du pollen S1 et S2 pourra germer sur une fleur S3 S4.

Il existe deux mécanismes d’inhibition : l’un consiste en la formation d’un « bouchon » dans le tube du style (par exemple chez les noisetiers), et l’autre par inhibition enzymatique de la croissance du tube pollinique. Chez les cerisiers à fruits doux, on a pu identifier 16 gènes S, associés deux par deux en 24 groupes ; la fécondation de la fleur appartenant à un groupe ne peut se faire que par du pollen d’un autre groupe. Chez les pommiers, bien que le nombre de gènes S soit très élevé (27 !), il semble que le mécanisme d’inhibition soit moins actif.

Chez les espèces monoïques (châtaignier, noisetier, noyer) la fécondation des fleurs peut être compliquée par un décalage chronologique des floraisons mâle et femelle (protandrie ou protogynie). Chez les kiwis dioïques, la fécondation des variétés femelles devra être assurée par une variété mêla fleurissant en même temps.

L’arboriculteur a un rôle à jouer

Et même plusieurs ! En effet, par diverses interventions, il pourra favoriser la fécondation de ses fruitiers.

Pour des espèces auto-incompatibles, associer nécessairement deux ou plusieurs variétés fleurissant en même temps.

Toutes les variétés d’une même espèce ne fleurissent pas simultanément et la durée de la floraison est variable. Ainsi, la floraison du pommier ‘Belle de Boskoop’ dure en moyenne 18 jours et celle de ‘Jonagold’ et ‘Golden delicious’ 17 jours, mais la floraison de ‘Belle de Boskoop’ commence 3 jours avant celle de ‘Jonagold’ et 6 jours avant celle de ‘Golden delicious’. Heureusement, la plupart des variétés modernes de pommes ont des floraisons qui se chevauchent suffisamment pour garantir une bonne fécondation réciproque. Par contre, beaucoup de variétés anciennes ont une floraison très tardive, ce qui peut compliquer le choix d’un pollinisateur efficace.

Le même constat peut être fait chez les autres espèces fruitières. Par exemple les poiriers ‘Conference’ et ‘Doyenné du Comice’ ont des durées de floraison respectives de 18 et 17 jours, mais avec un retard de 5 jours pour la seconde.

Pour une même variété, les dates et la durée de floraison peuvent varier fortement d’une année à l’autre en raison des conditions climatiques. Les floraisons précoces sont généralement plus longues et plus échelonnées que les floraisons tardives, et la durée du chevauchement peut alors être insuffisante.

Pour les espèces auto-incompatibles, choisir un « bon » pollinisateur.

Les variétés fruitières qui, par nature, ont des floribondités variables risquent certaines années de mal remplir le rôle de fournisseur de pollen. De plus, la qualité du pollen peut être défectueuse ; c’est le cas chez les variétés triploïdes (c.-à-d. à 3n chromosomes au lieu de 2n) comme les pommiers ‘Jonagold’, ‘Karmijn’ et ‘Belle de Boskoop’ et les poiriers ‘Beurré A. Lucas’ ou ‘Saint-Remy’.

Rappelons que certains pommiers ornementaux à fleurs simples, qui ont été sélectionnées pour leur floribondité, produisent un pollen abondant et de bonne qualité, par exemple ‘Evereste’ ou ‘Hillieri’.

Augmenter la durée totale de la floraison.

Sur un même arbre, il existe un décalage de la floraison entre les différents types de rameaux florifères. En général, chez les espèces à pépins, le bois le plus âgé fleurit en premier lieu ; viennent ensuite les boutons terminaux du bois d’un an, puis les boutons axillaires du bois d’un an.

Lors de la taille hivernale, on laissera par prudence suffisamment de bois d’un an, qui en cas de gelée printanière grave, pourra fleurir alors que les fleurs du bois plus âgé ont été détruites. Après floraison, on fera si nécessaire une taille complémentaire en cas de forte nouaison.

Améliorer la qualité des fleurs.

L’aptitude des fleurs à être fécondées et la vitalité du pollen peuvent être améliorées par une bonne alimentation des boutons en azote. On a constaté l’effet positif d’un apport d’azote en fin d’été, lorsque la croissance est terminée. Par exemple une pulvérisation d’urée avant la chute des feuilles.

On a aussi constaté chez les espèces à pépins une meilleure nouaison des fleurs sur des rameaux de fort diamètre, en comparaison avec des rameaux grêles.

Favoriser le transfert du pollen.

À l’exception des noisetiers et des noyers, nos espèces fruitières sont pollinisées principalement par des insectes butineurs, qu’ils soient présents spontanément dans la nature comme diverses abeilles sauvages, ou introduits temporairement comme les abeilles domestiques. Même si leur activité est plus intense, ces dernières sont beaucoup plus sensibles aux conditions climatiques (température, vent et humidité) que les premières.

L’installation d’« hôtels à insectes » et de haies brise-vent du côté des vents dominants est à conseiller afin de diversifier la population d’insectes pollinisateurs.

Comme un verger d’amateur comporte généralement une diversité d’espèces et de variétés, les floraisons s’échelonnent sur 7 à 8 semaines de la seconde moitié de mars à la mi-mai. La présence de ruches est donc souhaitable pendant toute cette période. Par contre dans un verger commercial dont les variétés se comptent sur les doigts d’une seule main, l’introduction des ruches se fera de la manière suivante : par hectare, introduction de deux ruches lorsque 20 % des fleurs sont ouvertes, puis de deux ruches supplémentaires à la pleine floraison, et enlèvement des ruches après 3 ou 4 jours de temps favorable à l’activité des abeilles (pas de pluie, pas de vent violent, température élevée au milieu de la journée).

Il va de soi que des traitements insecticides sont à proscrire pendant la floraison, et que des traitements fongicides indispensables ne seront exécutés que tôt le matin ou tard le soir, lorsque les insectes ne sont pas en activité.

Dans un verger commercial de grande surface, la disposition des arbres pollinisateurs influence la pollinisation : soit en lignes parallèles (1 ligne de la variété A et 3 ou 4 lignes de la variété B), soit si la valeur commerciale du pollinisateur est faible, un arbre sur 10 à 12 dans chaque ligne.

Eviter les plantes adventices ou cultivées attractives pour les insectes butineurs.

Il est connu que beaucoup d’insectes sont attirés davantage par les fleurs de teinte jaune que par les fleurs de teinte blanche ou rose clair de nos arbres fruitiers. Si le verger est voisin d’un champ de colza, la concurrence sera très forte. Et si la couverture herbacée de votre verger comporte de nombreux pissenlits ou des renoncules, il faudra faucher régulièrement les fleurs pendant toute la durée de floraison des arbres et arbustes, surtout par temps froid et venteux où les insectes ont tendance à rester près du sol.

Retarder quelque peu la floraison.

Une taille hivernale pratiquée tardivement peut retarder la floraison des fruitiers de quelques jours ; c’est parfois suffisant pour atténuer les dégâts de gel printanier, puisque la sensibilité des fleurs augmente pendant leur épanouissement.

La pollinisation semi-naturelle.

Depuis de nombreuses années, les centres de recherches en arboriculture et en apiculture tentent d’améliorer la nouaison des arbres fruitiers, par exemple en plaçant sur l’orifice des ruches des distributeurs de pollen qui chargent les abeilles du pollen voulu. Des essais de distribution de pollen dans le verger ont été effectués depuis longtemps avec des pulvérisateurs et plus récemment au moyen de drones. Si les résultats sont techniquement satisfaisants, la méthode se heurte à la difficulté de récolter le pollen et au coût de ce travail.

Induire la parthénocarpie.

Chez différentes espèces ou variétés fruitières, la formation d’un fruit n’est pas nécessairement la conséquence de la fécondation de la fleur. C’est par exemple le cas des bananes, des raisins apyrènes et des agrumes sans pépins.

Chez les poiriers, plusieurs variétés (notamment ‘Conference’) peuvent donner des fruits sans fécondation, mais après un stimulus provoqué par l’apport de pollen ou par des traitements hormonaux aux gibbérellines. Ces fruits sont dépourvus de pépins et leur forme est nettement plus allongée.

Ir. André Sansdrap

Wépion

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