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Un métier surtout essentiel

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Dans le cadre de la réforme des pensions, un cadastre des métiers pénibles est en pleine élaboration. La discussion fait rage ! Chaque profession semble revendiquer le droit, ou le privilège, de marquer des points afin d’être placé en bonne position pour bénéficier d’avantages sincèrement « mérités ». Pourtant, dans les rangs des parlementaires et des partenaires sociaux, quelques (trop rares) voix s’élèvent pour dénoncer ces tractations de marchands de tapis. Des critères plus constructifs, plus objectifs, mériteraient d’entrer en considération, par exemple le caractère indispensable d’un secteur d’activité, pour déterminer quels métiers mériteraient d’être vraiment protégés, depuis l’entrée en fonction du jeune aspirant, jusqu’à la retraite du vétéran.

Ainsi, l’Algemeen Boerensyndicaat (ABS), syndicat agricole flamand, suggère qu’il serait plus judicieux de classer chaque métier selon son importance en tant que rouage irremplaçable pour le bon fonctionnement de notre pays, dans la survie de sa population. L’agriculture, pourvoyeuse d’alimentation, occuperait sans aucun doute une place en tête de liste ! Une société sans agriculteurs s’en va à vau l’eau ; une civilisation sans agriculture est bâtie sur du sable, sans fondation, puisqu’elle dépend du monde extérieur pour son approvisionnement, et n’est même plus capable d’assurer la sécurité alimentaire élémentaire de ses citoyens.

Pénible, notre métier l’est certainement, physiquement et émotionnellement. Inutile de dresser ici l’interminable litanie des multiples tâches qui nous incombent quotidiennement, 365 jours sur 365. D’autres professions sont également très dificiles : infirmières, ouvriers de la construction, de l’entretien des routes, pompiers, policiers, etc. Il existe très peu de métiers qui soient 100 % peinards. Les emplois dans l’administration, l’enseignement, le secteur tertiaire…, présentent des difficultés intellectuelles, qui ne sont pas si faciles à gérer. Travailler intensivement de la tête est parfois beaucoup plus fatigant qu’une activité manuelle musclée. Il faut avoir testé toutes ces formes d’efforts pour mieux apprécier leur niveau de pénibilité et se permettre de les juger.

Par exemple, quand Mr Toulemonde entre dans la cours d’une ferme et découvre l’agriculteur juché sur un de ses engins mécanisés, il doit sans doute se dire que le travail agricole est devenu une sinécure, puisque l’exploitant exerce son métier assis bien tranquillement sur le siège confortable de son tracteur, cabine climatisée et manettes ergonomiques à portée de main. Un robot trait les vaches ; une mélangeuse prépare la nourriture et la distribue ; une pailleuse renouvelle la litière sans effort ; le chargeur articulé pousse le fumier fors du couloir. À la ferme et dans les champs, le travail manuel astreignant d’autrefois a cédé sa place à la conduite de véhicules, équipés de toutes sortes d’outils très efficaces. Le métier d’agriculteur, si on l’observe avec un regard extérieur non averti, ressemble très fort à celui d’un conducteur d’engin : chauffeur de camion, de bus ou de train, opérateur d’un bulldozer ou d’une machine de terrassement.

Bien entendu, ces apparences de facilité dissimulent le transfert des difficultés vers d’autres activités, pénibles émotionnellement et nerveusement : charges administratives, surveillance et gestion d’exploitations de tailles sans cesse croissantes, difficultés financières, exigences de traçabilité, normes sanitaires et environnementales, etc. Nous méritons pas mal de points pour notre pension, question pénibilité, car nous nous situons parmi les professions les plus exigeantes.

De plus, s’il existe un métier indispensable, c’est bien le nôtre ! Notre société doit impérativement le pérenniser, il y va de sa survie. Alors, au lieu de distribuer bêtement des bons (ou des mauvais) points aux travailleurs de la terre lorsque nous prendrons notre retraite, nos dirigeants devraient plutôt réfléchir à diminuer la charge de pénibilité durant notre carrière active ! Il serait préférable, pour notre profession « pénible », d’être également et surtout considérée comme « essentielle », afin de mieux la protéger et de lui rendre un espoir d’avenir.

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