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Libramont et le vilain petit canard

Temps de lecture : 3 min

Quand on est attaché à l’agriculture, Libramont est incontournable. Il y a les objectifs précis et les retrouvailles au hasard des stands et des allées. Il y a aussi les rencontres fortuites. Ainsi, dans la surchauffe de cette édition 2018, Libramont en été m’a fait penser à Noël en hiver, mais avec un conte de fée à l’envers.

Or donc, il était une fois, dans le chemin des saveurs de Wallonie, un petit stand d’une agricultrice présentant les produits de son élevage. Née dans une ferme moyenne de l’Entre Sambre Meuse, tandis que le frangin assumait la continuité de l’exploitation familiale, elle se dit qu’elle pourrait s’en sortir en étant créative, en faisant quelque chose qui nécessite du savoir-faire et de la passion.

Elle commença un petit élevage avec 25 canards pour se faire la main. Petit à petit, l’élevage trouva son rythme, en restant à taille humaine : deux hectares et 400 petits cannetons qui arrivent chaque mois. Il faut les élever bien au chaud dans une sorte de pouponnière pendant 3 semaines, puis leur donner accès libre au parcours herbeux pendant 9 autres semaines. Ils passent alors de 1 à 4.5 kg. Ils se font une belle carcasse, tout en muscles. C’est la période la plus dangereuse pour eux puisqu’ils sont alors exposés aux prédateurs extérieurs (corneilles, rapaces, fouine, renards…)

Vient ensuite la troisième période, celle où ils se mettent à table pendant 2 semaines. Rien que de bons aliments naturels, garantis sans OGM. Deux fois par jour, ils reçoivent la ration qui les comble sans les mettre en indigestion, juste de quoi combler plus tard les amateurs de foie gras. En fait, ils prennent du gras sur le foie comme nous en prenons au bedon quand on est bien nourri sans avoir à souffrir.

Chaque semaine, il faut conduire un lot de 100 canards à l’abattoir. C’est un trajet de plus de 100 km. Alors, cette année, encouragée par les politiques qui prônent les circuits courts et les appellations protégées, l’agricultrice a fait l’investissement d’un abattoir à la ferme en respectant toutes les normes d’environnement.

Encouragée ? La bonne fée du ministère de l’agriculture lui avait même remis personnellement le Coq de Cristal à Libramont en 2013. Hélas, la fée s’est fait Carabosse. Cinq ans plus tard, n’ayant plus cure du monde agricole, voilà la baguette malfaisante qui veut jeter un sort aux petits producteurs.

Comment ? En interdisant, non pas la consommation du foie gras mais sa production. Faux cul, le ministricule en question s’en défend, en prétendant juste changer les normes, c’est-à-dire les baisser suffisamment pour que le foie gras produit en Wallonie ne trouve plus sa place dans le secteur Horeca.

J’ignore s’il en mange en cachette mais la Belgique est un des pays les plus restrictifs au niveau de la production et des plus gourmands au niveau de la consommation. Quel beau cadeau pour les importations de pays où les scrupules hypocrites ne sont pas de mise.

J’ignore s’il tournera casaque après avoir bien dilapidé le vote agricole traditionnellement attaché à son parti. Une chose est sûre : après avoir encouragé cet élevage à aller de l’avant, voilà qu’il cherche à le détruire.

Au de-là de cet exemple, les mauvais coups de baguettes de Carabosse visent de plus en plus clairement toute la profession. Et le problème, c’est que les bonnes fées qui prétendent défendre l’agriculture ont des baguettes de plus en plus émoussées.

L’avenir dira à qui profite le crime mais pour les petits producteurs qui, courageusement, cherchent à faire de la qualité dans la rentabilité, l’avenir n’est pas gras du tout.

Faudra-t-il rester avec ce vilain petit canard avec lequel on ne fera jamais rien de bon ?

JMP

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