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Préserver les races locales et assurer l’autonomie familiale

C’est un peu l’arche de Noé que nous avons visitée à Soumagne. Didier Brick, passionné de petit élevage, n’a pas vraiment choisi parmi les différentes espèces de petits animaux. Il les détient quasiment toutes ! Moutons, chèvres, lapins, poules, canards et pigeons, – sans oublier les abeilles – se côtoient dans son petit domaine du Pays de Herve. Rencontre.

Temps de lecture : 7 min

C’est son grand-père qui lui a mis le pied à l’étrier. Comme beaucoup à l’époque, il travaillait au charbonnage et élevait 4 vaches et quelques cochons dans sa petite exploitation de 1 ha ½. C’est ce domaine qu’il exploite aujourd’hui. Intéressé par tout ce qui est vivant et passionné par l’élevage, il reçoit ses premières poules à 6 ans. Viennent ensuite des lapins, canards et pigeons. A 15 ans, il reçoit sa première ruche et à 20 ans acquiert ses premières chèvres. Toutes ces activités sont favorisées par son grand-père tandis que son père les a permises au niveau logistique. L’élevage est pratiqué par pur plaisir et dans un but d’autonomie alimentaire mais les animaux servent aussi à illustrer les cours de biologie dispensés par l’éleveur.

Des poules du terroir

Didier Brick a choisi deux races de poules locales : des poules de Herve et des bassettes. Il élève des Herve depuis 20 ans et est membre du club des éleveurs de cette race depuis sa constitution. Il détient une vingtaine de poules, 2-3 coqs et produit 120 à 150 poussins chaque année. Seuls 10%, l’élite, sont conservés pour participer aux expositions. J’ai eu la chance d’acquérir 2 poules et un coq du meilleur éleveur, Léon Demonceau de Jupille, ce qui m’a permis d’accroître le niveau génétique de mon petit cheptel, explique-t-il. Voici deux ans, j’ai eu une championne provinciale affichant 96 dans les expositions ce qui m’a motivé à m’investir dans la promotion de la race.C’est ainsi qu’il a créé et qu’il gère le site www.poulesdeherve.be. La sélection est très rigoureuse. Elle est basée sur le standard de la race mais aussi sur la taille et le poids des œufs car l’éleveur vend des poulettes aux amateurs souhaitant détenir quelques sujets. La demande est tellement importante qu’elle ne peut être satisfaite, explique notre hôte. Seuls les œufs à coquille blanche et pesant minimum 55 gr sont mis en couveuse. L’élevage est très technique. La reproduction se fait poule par poule. Chaque volaille est isolée et sa ponte est contrôlée. Les œufs des « mauvaises » pondeuses ne sont pas mis en couveuse. Quant aux poussins, ils naissent dans des compartiments séparés et sont étiquetés dans l’aile rapidement après l’éclosion. L’éleveur connaît ainsi l’origine de chaque sujet et, après des années de sélection, a une souche qui « tient la route » selon ses dires.

Côté alimentation, les poules – et dans la mesure du possible tous les autres animaux- sont nourris en bio. Elles pâturent en journée. C’est important pour les coqs explique l’éleveur car les attributs des animaux élevés en claustration deviennent trop grands. M Brick a calculé que le coût de revient d’un kilo de viande de coq de Herve était de 8 euros. Pas possible de vendre à ce prix en s’assurant une rentabilité minimale. Les coqs sont donc réservés à la consommation familiale. La vente des jeunes poulettes permet de rentabiliser le coût des coqs.

A côté des poules de Herve, l’éleveur détient une dizaine de bassettes, une poule naine qui offre d’autres coloris que la Herve.

Gris perle de Hal et Bleu de Ham

Côté cunicole, l’éleveur sélectionne des gris perle de Hal depuis 20 ans. Le choix s’est fait par coup de cœur, pour la beauté de la race. L’an dernier, pour diversifier son élevage, il a acquis des bleus de Ham, une race menacée de disparition. Les problèmes majeurs avec les lapins sont digestifs car l’alimentation du commerce est souvent trop riche en protéines, explique notre hôte. Au sevrage, le système digestif est très fragile et on est régulièrement confronté à des problèmes de coccidiose ou d’entérocolite. Il teste depuis cette année un mélange avec des légumes déshydratés moins riche en protéines. Les résultats sont satisfaisants jusqu’à présent mais il est trop tôt pour tirer des conclusions, dit-il.

Grace à un réseau social, il a sympathisé avec un éleveur flamand de cette race. Ensemble, ils ont construit une page dédiée au gris perle de Hal ( Parelgrijs – Gris perle – Grey Pearl – Perlgrau – Halle). Cela permet de faire des échanges sur le sujet, explique-t-il. Cette page est suivie par des anglais et d’autres amateurs. L’éleveur flamand a même vendu des sujets à un éleveur américain grâce à ces contacts. Les expositions, c’est bien mais c’est un système du passé, poursuit-il. Avec Internet, le réseau est mis en place par des éleveurs plus jeunes. Cela permet d’établir des connexions et de faciliter les échanges. On aura peut-être de moins beaux animaux qui respectent un peu moins les standards, mais on pourra maintenir les races, estime l’éleveur.

Une race de canard belge

En canard, Didier Brick a jeté son dévolu sur le canard de Forest blanc. Il apprécie son plumage blanc et son bec bleu mais ne sélectionne pas ses canards. L’élevage d’un couple et d’une couvée par an est possible grâce à la présence d’une source sur le terrain. L’eau est récoltée dans un bac d’un m² environ et se renouvelle en permanence. L’eau est indispensable pour ces volatiles, plus salissant que les poules et exigeant davantage de nettoyage. La cane pond 10 à 15 œufs et les couve. Les canetons suivent leur mère. Ils peuvent être tués à partir de 3 mois. Les canards sont très résistants aux maladies et sortent toute l’année, notamment dans le verger de variétés anciennes. On y trouve des pommiers Reinette de France, Belle Fleur, Gueule de mouton, Jacques Lebel ainsi que des pruniers Priesse et altesse et un cerisier Abesse de Mouland, une variété qu’on ne trouve pas en pépinière et qui produit des cerises noires très sucrées, excellentes pour faire des tartes, précise notre hôte. Il pense d’ailleurs que les canards et les poules participent à la lutte biologique contre le carpocapse du pommier en mangeant les larves de ce papillon. Le verger bio n’est jamais traité et est très peu affecté par le carpocapse.

Du côté des pigeons

Didier Brick élève deux races de pigeons : des Show racer et des culbutants de Felegyhaza, le plus beau de tous les pigeons à ses yeux. Il détient une dizaine de reproducteurs show racer dont il apprécie la variété des couleurs et notamment la mutation opale (dilution de la couleur). Les culbutants de Felegyhaza sont très joyeux et agréables à regarder voler avec leurs culbutes. Ces pigeons nécessitent un toilettage des coquilles et des contours des dessins. Les pigeons volent toute l’année à l’extérieur. Quelques pertes sont malheureusement à déplorer suite aux attaques d’un autour.

Chèvres alpines et moutons Shropshire pour exploiter les pâtures

L’éleveur détient des chèvres alpines depuis 22 ans. Elles sont inscrites à l’Awé. Il dispose donc du pedigree de tous les animaux. Des analyses de lait sont également faites régulièrement. Il importe des boucs français des meilleurs élevages. Les chevreaux sont pesés à la naissance et tous les mois, pour ne conserver que les plus lourds et ceux présentant une bonne vitesse de croissance. L’élevage a une excellente génétique. L’éleveur ne participe cependant pas aux concours en chèvres car il estime qu’on juge d’abord sur la couleur avant les autres caractéristiques de l’animal, ce qu’il n’apprécie pas. Les chevrettes et les boucs sont vendus pour la reproduction. S’il reste des boucs, ils sont abattus à 3 mois, pour leur viande. A cet âge, elle n’a pas encore de goût désagréable, explique-t-il. Les chèvres de réforme sont transformées en merguez. Les chèvres sont traites et leur lait est valorisé comme lait de consommation, sous forme de fromage frais ou de crème glacée pour la consommation familiale. L’élevage de chèvres coûte relativement cher car les animaux ne sortent pas de novembre à mars. Il faut donc les tenir à l’étable et leur distribuer du foin, acheté à l’extérieur de la ferme. C’est le cas aussi s’il pleut. De plus, comme les haies ont été replantées autour des prairies, il est indispensable d’avoir de bonnes clôtures pour les protéger des chèvres.

Ce n’est pas le cas pour les moutons Shropshire, une race originaire du sud –ouest de l’Angleterre. Ces animaux ne s’attaquent pas aux écorces d’arbres, contrairement aux ardennais roux par exemple. Les moutons pâturent dans le verger et, comme il s’agit d’une race assez rustique, ils restent en prairie toute l’année. La production de viande est correcte et la prolificité de l’ordre de 1,5 jeunes par an. Les agnelages sont faciles mais mieux vaut assurer une présence pour éviter tout accident.

Avec tous ces animaux, ainsi que des abeilles -nous y reviendrons prochainement- l’éleveur assure l’autonomie en lait, viande et œufs de toute sa famille. Une autre satisfaction s’ajoutant au plaisir immense d’élever et de sélectionner tout ce petit cheptel.

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