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Poulets, cochons et cultures pour répartir les risques

Depuis 1990, Jan et Martine Fevery-Huyghe exploitent une

ferme porcine, à Middelkerke, non loin de la mer du Nord.

Celle-ci compte également des cultures. Depuis que leur fils

Pieter a décidé de devenir agriculteur, une spéculation

supplémentaire a été ajoutée, l’élevage de poulets.

Temps de lecture : 9 min

Après quelques années de travail à l’extérieur, Jan Fevery et son épouse Martine Huyghe ont repris en 1990, à Mannekensvere – un village de l’entité de Middelkerke – une ferme porcine où 80 truies étaient détenues sur paille. Il y avait en outre quelque 30 ha de cultures, avec la rotation classique de froment d’hiver, escourgeon et betterave. Il y avait également du colza et du lin. Au fil des ans, l’élevage porcin a pris de l’ampleur.

Aujourd’hui, c’est une porcherie fermée, avec 180 truies et l’engraissement. La famille a lancé une station d’insémination artificielle porcine dans les années nonante. Jan et Martine ont gagné, en 1997, le Golden Pig Award, un concours organisé par notre confrère Landbouwleven. La qualité de l’exploitation porcine de ce couple est indéniable.

La succession s’organise

La succession se prépare dans l’exploitation. Le fils, Pieter, a aujourd’hui 28 ans. Il a suivi les cours dans une école d’agriculture d’Oedelem, près de Bruges, cours qu’il a complétés par une année de mécanique agricole à Poperinge. Il participe aux activités de la ferme depuis 2008. Comme il était peu intéressé par la station d’IA porcine, celle-ci a été reprise au printemps 2018 par la station KI Vansteenlandt, de Krombeke (Poperinge). Il fallait dès lors retrouver une autre activité pour maintenir le revenu de l’exploitation.

Agrandir l’élevage porcin aurait été l’une des possibilités, mais la famille a rejeté cette solution parce qu’il aurait fallu concéder trop d’investissements. Depuis longtemps, Pieter s’intéressait à la volaille. La décision finale a été d’investir dans l’élevage de poulets. De cette façon, il y a trois activités dans la ferme, ce qui permet de répartir les risques.

Pieter a suivi des cours du soir sur l’aviculture et, entre-temps, il a étudié la possibilité de l’installation d’un poulailler. « Les permis nécessaires avaient été obtenus au printemps ; le 16 août 2017, la firme Altez a commencé les travaux de terrassement. Les travaux préparatoires ont été très rapides puisque le 26 août, la superstructure était déjà sur place. Une journée portes ouvertes a été organisée le 30 octobre dernier et a connu un beau succès, car plus de 1.000 visiteurs sont venus sur place », expliquent Pieter et Jan.

Paille hachée

Le poulailler a une longueur de 98,60 m et une largeur de 25 m, il comprend le local technique qui se trouve à l’avant de celui-ci. « Au total, il couvre 2.250 m2, ce qui est suffisant pour 49.500 poulets. Au début du cycle, la densité est de 21,5 poussins par m2. Après cinq semaines, une partie des poulets est chargée, et on obtient alors une densité de 16 à 17 poulets par m2, « commente Pieter.

Les poulets sont logés sur de la paille hachée (2 à 3 cm de longueur). Il faut compter 1 kg de paille par mètre carré. On ne paille qu’une fois par ronde. La paille hachée peut absorber davantage d’humidité. « C’est important, surtout dans un nouveau poulailler, avec des sols et des murs non encore suffisamment secs », ajoute Pieter.

Après le départ des poulets, le fumier est envoyé dans une unité de traitement. Le fumier de volailles est apprécié par les transformateurs parce qu’ils lui trouvent aisément un débouché. Bien souvent, il prend la direction de la France.

Extraction d’air

À l’arrivée des poussins, le poulailler est chauffé à la température de 35 ºC. Celle-ci va ensuite diminuer graduellement, pendant les six semaines que dure l’engraissement, pour atteindre finalement 20-21 º C.

L’installation de chauffage, deux chaudières à gaz, est logée dans le local technique. Le choix de deux chaudières légèrement plus petites au lieu d’une grosse chaudière permet de diminuer les risques et de réaliser quelques économies d’énergie. La chaleur est amenée par des tuyaux d’eau vers 5 aérothermes, placés en hauteur, à distances régulières, dans le poulailler. Ces radiateurs sont équipés d’un ventilateur. Ils soufflent l’air chaud venu des tuyaux d’eau chaude au-dessus des poulets. L’air chaud remonte vers le plafond et est à nouveau renvoyé vers la volaille.

La ventilation est combinée, l’air venant d’ouvertures dans les parois latérales du poulailler est aspiré par des ventilateurs au faîte et dans la longueur du poulailler. Les exploitants ont prévu 6 ventilateurs au faîte et 9 ventilateurs dans la longueur.

La famille Fevery-Huyghe fait attention à la consommation d’énergie. S’il faut peu de ventilation, seuls quelques ventilateurs sont allumés. Si le régime de ces appareils doit être augmenté, il y a démarrage automatique d’un autre groupe de ventilateurs. L’exploitation est dotée d’un groupe électrogène capable d’assurer toutes les fonctions importantes, telles que la ventilation et le chauffage, si une panne de courant devait survenir. « C’est important, surtout par temps chaud et à la fin de l’engraissement, pour prévenir une mortalité importante. »

Une installation de brumisation est également en place. S’il fait très chaud en été, la température est également très élevée dans le poulailler malgré la ventilation. Des sprinklers entrent alors en fonctionnement et forment une sorte de brouillard qui fait baisser la température de 3 à 4 ºC. « Cela ne fonctionne que si l’hygrométrie est suffisamment faible. Si l’air est déjà trop humide, cela ne fait qu’aggraver la situation », souligne Pieter.

Schéma lumineux

L’éclairage se fait à l’aide de lampes LED. « Cela coûte 20 % de plus qu’un éclairage classique, mais les calculs indiquent que cet investissement supplémentaire est déjà récupéré après 1,5 à 2 ans car les lampes LED consomment moins d’énergie. »

« À l’arrivée des poussins, qui ont un jour, l’intensité lumineuse est de 60 %, et la nuit dure de 23 heures à 5 heures du matin. Ce dispositif permet aux poussins de terminer la digestion du jaune de l’œuf », explique Pieter. « À mesure que la période d’engraissement se poursuit, la luminosité est réduite à 20 %, pour que les animaux se trouvent toujours dans la pénombre.

La période de nuit est maintenue à 6 heures, jusqu’à une semaine avant le chargement des poulets ; elle est alors raccourcie à 4 heures. »

Le froment de la ferme

La paille du froment cultivé à la ferme est hachée et sert de litière. Une partie de l’alimentation est cultivée sur place, sous forme de froment, auquel on ajoute un aliment de base. Au début, la part de froment est faible (par exemple 6 %), la proportion augmente pendant la période d’engraissement jusqu’à 35 à 40 % à la fin de celle-ci.

« Le grain de blé est distribué entier, ce qui est très bon pour la digestion dans le jabot des poulets. Mais avant d’être mélangé avec l’aliment de base, il est nettoyé dans une installation spécialement conçue », dit Pieter. Les mangeoires CoMeo viennent de Roxell. À chaque ligne d’alimentation, la dernière mangeoire est équipée d’une lampe LED. « De cette façon, on est certain que les poussins vont d’abord vider la dernière mangeoire et on évite que le milieu de la ligne soit vide », explique Pieter.

De 40 g à 2,8 kg en six semaines

Les poussins d’un jour arrivent à la ferme à un poids d’environ 40 g. À l’arrivée dans le poulailler, on pose, à côté des lignes de boisson, un « papier » spécial enrobé d’un peu d’aliments pour que les jeunes poussins se nourrissent très vite et trouvent où s’abreuver.

Les poussins sont de la souche Ross 308, qu’on trouve majoritairement dans les entreprises d’engraissement. Elle a été surtout sélectionnée pour sa bonne conversion alimentaire. L’objectif est de 1,5 à 1,6 kg de nourriture par kg de gain de poids. Les poulets sont finis après 6 semaines, ils pèsent alors entre 2,6 à 2,8 kg. Après cinq semaines, des poulets sont déjà chargés pour diminuer la densité en fin d’engraissement.

Entre deux cycles de 6 semaines, il y a toujours un vide durant une semaine pour nettoyer et désinfecter le poulailler. Au total, il y a sept cycles de poulets par an.

Un bon début

« Un bon départ est nécessaire pour que le pourcentage de déchets reste aussi bas que possible au cours des semaines suivantes », explique Pieter. « Il est essentiel de commencer avec de bons poussins, en bonne santé, dans un poulailler réchauffé à la température souhaitée de 35ºC.

Les aliments frais et la boisson fraîche sont aussi des éléments importants. La chaleur au niveau du sol est décisive à l’arrivée des poussins. Il faut au moins 25 à 28ºC. »

Un certain nombre de vaccins sont administrés via l’eau potable pour prévenir les maladies, entre autres contre la maladie de Newcastle (pseudo-peste aviaire) et la bronchite infectieuse. On vaccine aussi contre la maladie de Gumboro. Il faut veiller à la salmonellose.

Ces vaccinations sont, comme indiqué, distribuées via l’eau potable. La ligne de boisson est d’abord vidée, puis l’eau potable arrive avec le vaccin. Un colorant est ajouté pour que l’on puisse vérifier que l’eau potable va jusqu’en fin de la ligne (et donc à tous les poussins).

Jusqu’à présent, toutes ces mesures préventives ont fourni de bons résultats. Les pertes ont pu être limitées à 1,5 %. Quant à la croissance, Pieter signale qu’elle est au-dessus de la moyenne.

Contrôle informatisé

Pieter fait un tour dans le poulailler trois fois par jour (1 heure le matin, une demi-heure à midi et encore 1 heure le soir), y compris l’enlèvement de poulets morts. Il examine également si les poussins sont près des auges et si les jabots sont bien remplis.

Il passe aussi dans le local technique pour vérifier les ordinateurs afin de suivre tous les aspects de l’exploitation. Un premier ordinateur vérifie la consommation d’aliments par jour, par poussin, et cela pendant tout le cycle d’élevage. La consommation d’eau, la teneur en CO2, la température et l’hygrométrie sont également enregistrées. Enfin, cet ordinateur enregistre aussi le nombre d’animaux présents dans le bâtiment, et calcule le taux de pertes.

Lors de ses passages dans le poulailler, Pieter a, sur cet ordinateur, une lecture immédiate de ces différents paramètres. Il peut noter les consommations d’aliments et le poids des animaux sur une carte. Celle-ci affiche également les valeurs consignes, en fonction du nombre des jours d’engraissement. « De cette façon, on voit toujours où on en est vis-à-vis des valeurs normales. Si ce n’est pas le cas, c’est généralement le signe qu’il y a un souci avec les poulets ou que quelque chose « se prépare », et qu’il faudra intervenir, si nécessaire. »

Un autre ordinateur suit de près le poids des poulets. Cela se fait sur la base de deux plaques connectées à une balance. Les poussins qui marchent dessus sont comptés et pesés de telle sorte que l’on a toujours une bonne idée du gain de poids.

Enfin, un ordinateur effectue tout le suivi de ce qui se rapporte à l’alimenttaion. Tous les paramètres sont enregistrés en permanence, et quand ils s’écartent trop des valeurs normales, l’alerte est donnée, d’une part par une sirène dans le poulailler et, d’autre part, via un message sur le GSM.

D’après A.D.M.

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