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Un mieux pour les animaux,

et les consommateurs

L’association Nature & Progrès et son groupe multi-acteurs pour l’abattage à la ferme demande la mise en place d’une action wallonne en vue de concrétiser la pratique en Wallonie. Différentes possibilités existent et sont déjà éprouvées dans d’autres pays européens.

Temps de lecture : 5 min

Depuis 2015, suite à l’interpellation d’éleveurs, Nature & Progrès travaille sur la question de l’abattage de proximité. Plusieurs enquêtes ont été menées à ce sujet et, début 2018, un groupe multi-acteurs a été formé en vue de concrétiser le projet et convaincre les autorités politiques et constitutionnelles de modifier les réglementations et d’apporter leur soutien au développement de cette pratique. Selon l’association, le développement des filières biologiques et des circuits courts, la raréfaction des lieux d’abattage et l’attention accrue de la société pour le bien-être animal soulignent la nécessité de mettre en place une méthode alternative d’abattage à la ferme.

L’abattage à la ferme : c’est quoi et pourquoi ?

L’abattage à la ferme consiste à effectuer la mise à mort de l’animal sur le lieu de l’élevage puis à confier la dépouille à un abattoir qui en assure le traitement en conditions hygiéniques contrôlées.

Pour le bien-être animal

La première motivation des éleveurs interrogés sur cette pratique est l’optimisation du bien-être animal. L’abattage à la ferme permet d’éviter le transport des animaux vers l’abattoir, leur arrivée dans un lieu inconnu, leur manipulation par des personnes inconnues ainsi que d’être exposés aux bruits et aux odeurs du lieu d’abattage.

« On observe également une évolution des races élevées en Wallonie vers des animaux plus rustiques, aux caractères moins dociles et aux formats hors-norme pour lesquels les couloirs des abattoirs ne sont pas adaptés. L’abattage à la ferme représente une solution pour optimiser le bien-être animal lors du moment délicat qu’est la mise à mort. Elle répond ainsi aux attentes grandissantes des éleveurs et des consommateurs », explique Sylvie La Spina, agronome responsable du dossier.

Pour la qualité de la viande et une meilleure autonomie

La quasi-totalité des éleveurs demandant un abattage à la ferme sont dans une démarche de circuit court et sont donc particulièrement attentifs à apporter une qualité de viande différenciée au consommateur. La viande d’un animal non-stressé a une meilleure qualité gustative. « La pratique s’inscrit tout à fait dans l’idée de réappropriation de la valorisation de leurs produits par les producteurs. Afin d’alimenter les consommateurs locaux via les circuits courts, les éleveurs souhaitent abattre annuellement très peu d’animaux : 75 % d’entre-eux prévoient d’abattre moins de 14 bovins, moins de 40 porcs ou moins de 50 ovins par an. Ils souhaitent simplement une meilleure maîtrise de l’abattage de leurs animaux. Certains veulent procéder eux-mêmes à cette étape délicate et les accompagner jusqu’au bout, en prenant le temps ».

Pour retrouver un abattage de proximité

L’abattage à la ferme permettrait de compenser la raréfaction des lieux d’abattage. « En trente ans, la Wallonie a perdu la moitié de ses abattoirs. Il en reste une vingtaine, certains sont privés, d’autres se concentrent sur une seule espèce animale, d’autres ne sont pas certifiés bio. Trouver un abattoir proche de la ferme est devenu un parcours du combattant pour les éleveurs en circuits courts. Lors de notre sondage, 22 % des éleveurs de bovins, 31 % des éleveurs d’ovins et 39 % des éleveurs de porcs intéressés par l’abattage à la ferme déclaraient rencontrer des problèmes d’accessibilité à un lieu d’abattage de proximité », explique l’association.

Quel abattage pour quel élevage ?

L’abattage à la ferme peut être réalisé par le biais d’un camion mobile d’abattage se déplaçant de ferme en ferme ou en procédant à la mise à mort de l’animal sur place pour en transporter ensuite la dépouille vers un abattoir qui prend en charge la transformation de la viande dans des conditions d’hygiène optimales.

Dans le second cas, l’abattage peut être réalisé dans un bâtiment de ferme, au pré ou dans un enclos extérieur. « L’animal est alors mis à mort à faible distance par un tir à balle. Il est ensuite transféré vers un abattoir qui s’occupe de la découpe. À partir du moment où ce transport est bien cadré, il n’y a aucune remise en jeu de la qualité sanitaire de la viande. Le camion d’abattage est déjà utilisé avec succès en Suède et en Allemagne ainsi que le tir en enclos en Allemagne et en Suisse », dit Sylvie La Spina.

Une technique à légaliser et financer

La législation européenne sur le bien-être animal reconnaît les intérêts de l’abattage mobile et offre des possibilités légales pour sa mise en place. « La Belgique doit dès lors prendre les dispositions nationales nécessaires. Des camions d’abattage sont commercialisés par différentes firmes européennes. Un travail concerté avec l’Afsca est nécessaire afin de faire agréer une unité garantissant un contrôle optimal de la qualité sanitaire de la viande issue de l’abattage mobile. L’abattage à la ferme est actuellement en désaccord avec la réglementation européenne relative à l’hygiène des denrées alimentaires qui oblige l’arrivée d’animaux vivants à l’abattoir. Pourtant, rapatrier la mise à mort de l’animal à la ferme ne soulève pas de risques sanitaires pourvu que la dépouille soit rapidement prise en charge par un abattoir agréé. L’Allemagne a acquis la possibilité d’abattre à la ferme des bovins vivant toute l’année à l’extérieur, considérés comme du gibier d’élevage au même titre que des cervidés. Une demande de dérogation similaire devrait être introduite par la Belgique, et un travail doit être réalisé afin de faire évoluer la réglementation européenne, en vue de permettre l’abattage à la ferme pour d’autres espèces », revendique l’association et son groupe multi-acteurs composés de citoyens, chercheurs, éleveurs, vétérinaires…

« Le secteur de l’abattage n’a jamais été rentable. Les abattoirs publics disposent de financements allant jusqu'à % du montant de la construction de l’infrastructure. Nous demandons donc une implication financière de la Région, des Provinces voire des Communes pour la mise en place d’un abattoir mobile permettant aux éleveurs locaux de maintenir et de développer leur activité. de circuit court. Notre étude montre par ailleurs que les éleveurs et les consommateurs sont également prêts à investir dans cette alternative d’abattage », conclut Sylvie La Spina.

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