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Un Gaec,

pour mieux valoriser son lait

et partager les responsabilités

Antoine Philippe a travaillé pendant neuf ans comme salarié au sein de la ferme La Sablonnière avant d’en devenir l’un des copropriétaires. Devenu agriculteur à part entière, il forme avec six autres associés un GAEC, une structure qui permet aux partenaires de travailler comme une entreprise familiale.

Temps de lecture : 6 min

Dans le village breton de Guipry, le Groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) de la Sablonnière relève les défis du secteur laitier européen de deux manières. D’une part, sept agriculteurs se partagent la propriété et la responsabilité de l’entreprise ; d’autre part, l’équipe valorise une grande partie du lait en produits laitiers qu’elle vend aux restaurants, sur les marchés et dans leur magasin à la ferme.

Dans le cadre du Space, le 2e salon international de l’élevage qui se tient chaque année en septembre à Rennes, une visite de l’élevage laitier de la Sablonnière était organisé. Ce dernier se compose de deux troupeaux, avec un total de 180 laitières et 390 ha de terres. La grande majorité de l’alimentation du bétail est produite sur l’exploitation.

Chaque année, les 7 associés produisent quelque 2.300.000 litres de lait, dont 550.000 litres sont directement transformés en beurre, yaourt et fromage. Le reste du lait, soit 1.750.000 l, est destiné à la coopérative française Lactalis.

7 fermiers, 7 salariés

Les sept agriculteurs emploient sept autres travailleurs. Ceux-ci travaillent à plein-temps à la fromagerie, quatre jours par semaine à pleine puissance, de 7 h à 17 h. Les heures de travail des ouvriers agricoles sont également limitées. Quant aux agriculteurs, ils commencent la traite à 6h et jusque 9h30, nettoyage compris. «Le soir, nous trayons de 16h à 19h. Après cela, la journée est terminée et chacun chez soi », explique Antoine.

Pour ces agriculteurs, la vie en dehors de la ferme est un aspect important. Personne ne saute du lit pour un vêlage. Le week-end est sacré. « Samedi et dimanche, il ne se passe rien d’autre que la traite », poursuit Antoine.

Holstein et Montbéliarde

Au Gaec, le cheptel se compose de deux races : Holstein et Montbéliarde. Toutes les vaches en production reçoivent la même ration. Celle-ci se compose de maïs, de méteil, d’ensilage d’herbe, de luzerne , de concentré de colza, et du soja. Les animaux reçoivent du foin à volonté. Ils consomment entre 20 et 25 kg par jour.

Et la production suit puisque l’éleveur annonce une moyenne de 9.000 l de lait par vache par année, avec un maximum de 11.000 l/an pour la vache la plus performante. En termes de teneurs, on est autour de 4,5 % de matière grasse et de 3,5 % de protéines. Le comptage cellulaire indique une moyenne de 200.000 cellules/ml.

En raison de la forte teneur en protéines, les agriculteurs empochent 0,36 €/l, soit 0,04 €/l de plus que le prix de base.

Des veaux pour la viande

Pour limiter la période des vêlages, les éleveurs inséminent leurs vaches. « On ne retrouve aucun taureau sur l’exploitation », explique Antoine. Les veaux mâles Holstein partent après 14 jours. Les veaux Montbéliard sortent au pâturage après le sevrage. Ce n’est qu’après 28 semaines que les agriculteurs les engraissent avec du maïs pour obtenir des carcasses de 380 à 400 kg. Les partenaires inséminent également avec Normande. Ces veaux deviennent des bœufs à 30 mois. En septembre, le gaec comptait 62 bœufs à la ferme.

Pour le contrôle des gestations, les éleveurs réalisent une échographie 30 jours après l’insémination. Ils répéteront l’opération plus tard pour être sûrs de ne rencontrer aucun problème. « Nous devons inséminer 1 à 3 fois nos laitières afin de nous assurer qu’elles soient toutes en gestation », poursuit Antoine.

Une laiterie en autoconstruction

Stéphane Gicquel est copropriétaire et moteur de la fromagerie. Contrairement à ses frères Jérôme et David, il n’avait pas l’intention de reprendre la ferme de ses parents. C’est un cuisinier de formation. Lorsque leur père a pris sa retraite en 2003, les frères ont élaboré un plan de fabrication de fromage à la ferme.

C’est une bonne chose pour Stéphane. « Si je fabriquais du fromage tout seul, celui-ci ne serait pas reconnu comme fromage fermier. La production doit toujours se faire à la ferme », explique-t-il. Les frères n’avaient plus d’argent. Ils ont loué deux réservoirs à Lactalis, et ont construit l’atelier de production eux-mêmes. « Rien d’autre que de l’autoconstruction », dit-il fièrement.

Un circuit très court

Stéphane et son équipe transforment le lait cru principalement en tommes typiques de la région. L’équipe valorise également une partie du lait en yaourts et en beurre. Le petit-lait restant part chez Lactalis, où après fermentation, il est revendu sous forme de lait ribot (ou lait fermenté) qui peut être comparé au babeurre. À partir de dix litres de lait, Stéphane obtient 1 kg de fromage. Pour un kg de beurre, il lui faut 22 litres de lait.

Le Gaec est présent sur les marchés deux fois par semaine : jeudi matin à Guipry-Messac et vendredi matin à Bruz. Ils approvisionnent également les écoles, les restaurants et les magasins. Les clients peuvent aussi venir directement au magasin à la ferme. Un litre de lait cru coûte un euro, un fromage frais 4,40 € le kg et la plupart des tommes avoisinent les 16 € le kg.

Le Gaec, un cadre agréable

Le modèle de Groupement Agricole d’Exploitation en Commun est conçu à l’origine pour permettre l’exercice en commun de l’agriculture « dans des conditions comparables à celles existant dans les exploitations de caractère familial ». Le principe de cette société ? Que les associés soient ensemble pour travailler et vendre la production commune.

Stéphane a opté pour le Gaec en vue de construire une laiterie agricole. Avant la construction de la fromagerie, ses frères étaient déjà dans un Gaec avec leur père. Le premier « étranger » qui n’appartenait pas à la famille, mais qui fait désormais partie intégrante de l’entreprise familiale fut David Decouacon.

« En 2001, j’ai fait mon stage dans cette entreprise. C’était une expérience fantastique. J’ai toujours été en contact avec les frères Gicquel. En 2008, ils m’ont proposé de faire partie de leur structure. Chose à laquelle j’étais très enthousiaste », explique David. « Mes parents ne sont pas du milieu et nous n’avons pas énormément de moyens. Sans ce modèle, je n’aurais jamais pu me lancer. C’est un bon moyen de se partager les responsabilités et de s’octroyer davantage de temps pour soi et sa famille.

Les sept propriétaires ont mis ce qu’ils ont dans le Gaec et se versent un salaire très correct. Antoine Philippe est également heureux d’avoir pu intégrer une telle structure. Immédiatement après l’école, il a commencé à travailler ici en tant que salarié. Après neuf ans de bons et loyaux services, il a eu la chance de voir sa petite exploitation venir se greffer à l’entreprise familiale. « C’était irréel », dit-il. « Un jour, tu es employé, le lendemain, tu deviens soudainement le patron. »

D’après DC

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