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Rendez-vous à la distillerie Radermacher : Royal B, la grande aventure de la groseille…

Des chaudières à la groseille, il y a un improbable fossé que Gilles Léonard a enjambé avec bonheur. Cet amoureux de la terre s’est un jour replongé dans les joies de son enfance. Celles qui contiennent peu de mots et sont pleines de couleurs, dont on choisirait le rouge, synonyme de tendres baies acidulées comme des bonbons, qui se nichent dans la douceur du vert, et se balancent entre ombre et lumière…

Temps de lecture : 7 min

Enfant des campagnes, Gilles Léonard grandit à Wegnez, dans la commune de Pepinster, où ses parents et grands-parents avaient pour tradition d’élaborer de la liqueur artisanale à base de groseilles issues du jardin familial.

Pour l’amour d’Elisa

Les années passent, pas l’attrait pour les groseilliers, ces élégants arbrisseaux à port décombant, dont une trentaine peuplera bientôt les alentours de la grande ferme en moellons de calcaire du XVième siècle qu’il achète à Saint-Hadelin (Olne) dans le pays de Herve, avant de se lancer dans des travaux de rénovation.

C’est aussi à ce moment de sa vie que naît sa fille Elisa.

La distillerie reçoit les fruits sous forme de jus, « ce qui permet d’avoir un produit stabilisé et constant au niveau du goût, à partir duquel nous précédons à l’assemblage (eau, alcool, sucre, jus, arôme) avant la mise en citerne puis l’embouteillage » déroule Philippe Defleur (à gauche), d’où sortent environ un million de bouteilles d’alcool par an, dont 10.000 de Royal B en 2022.
La distillerie reçoit les fruits sous forme de jus, « ce qui permet d’avoir un produit stabilisé et constant au niveau du goût, à partir duquel nous précédons à l’assemblage (eau, alcool, sucre, jus, arôme) avant la mise en citerne puis l’embouteillage » déroule Philippe Defleur (à gauche), d’où sortent environ un million de bouteilles d’alcool par an, dont 10.000 de Royal B en 2022. - M-F V.

Le quotidien professionnel de Gilles se situe toutefois à des années-lumière de l’univers fruiticole qu’il affectionne.

Son métier, il l’exerce dans le domaine du chauffage, de la rénovation globale de bâtiments et de tout ce qui tourne autour de la promotion immobilière. Une profession qu’il juge peu créative visuellement parlant. Et surtout pas très séduisante à transmettre à sa fille.

« J’ai songé à son avenir, en me disant que ma fille n’allait pas venir monter des chaudières avec moi » sourit-il en mentionnant dans la foulée qu’il tombe alors sur un vieux livre de recettes recelant celle de la liqueur aux groseilles de son grand-père.

Si l’idée de professionnaliser cette méthode originale germe dans son esprit, elle lui semble encore inaccessible. Ce qui ne l’empêche pas de multiplier les essais chez lui avec la volonté de créer un produit de qualité pour le plus grand nombre.

C’est dans cette optique qu’il crée une société dont sa fille pourra prendre les rênes, une fois adulte. Une façon, pour lui, de lui transmettre sa passion. Elle s’appellera joliment « Les bulles d’Elisa ».

Premiers pas dans le monde de l’alcool

Les événements, et coïncidences, s’enchaînent avec bonheur pour Gilles. Lors d’un anniversaire, il croise la route d’un convive qui fait son propre gin aux fraises de Wépion.

C’est lui qui lui ouvrira les portes de Radermacher, la deuxième plus ancienne distillerie de Belgique en activité, située à Raeren, en région germanophone, où il fait la connaissance de Philippe Defleur, le directeur technique, à qui il présente la recette inédite de son grand-père.

La rencontre est déterminante et lui permet de découvrir un milieu qui lui était jusqu’ici étranger.

« Sans Radermacher, je n’aurais jamais pu commercialiser le moindre produit dans un magasin. Le choix de la bouteille, sa forme, le contact avec les verriers, les bouchons, sont autant d’éléments qui ont été rendus possibles grâce à eux » rembobine Gilles qui s’est par ailleurs adressé à une agence de communication liégeoise pour la réalisation du logo de ce qui deviendra « Royal B ».

« Royal », un adjectif sous tension…

Au départ, il recherche un nom qui claque, qui puisse aisément s’exporter tout en représentant la Belgique.

L’agence de communication lui en soumet une trentaine, et c’est finalement la lettre « B » qui s’impose d’elle-même pour désigner le pays, mais c’est aussi la première du mot « baies » et de son équivalent anglais « berries ». L’adjectif « Royal » se réfère à la fois à la Belgique et aux petits fruits rouges qu’il qualifie de « royaux » car relativement rares, peu aisés à cultiver et à récolter.

Au moment de faire enregistrer la nouvelle marque, et alors qu’aucune bouteille n’est encore sortie de la distillerie, Gilles et son avocat se font attaquer de plein fouet par le groupe de vins de champagne Pommery, lequel craint une éventuelle confusion entre Royal B et son Brut Royal, cuvée principale de la maison champenoise.

La distillerie élabore 70% de produits estampillés Radermacher et 30% de labels personnalisés.
La distillerie élabore 70% de produits estampillés Radermacher et 30% de labels personnalisés. - M-F V.

L’horizon s’assombrit encore un peu plus quand le fabricant de sodas néerlandais Vrumona entre, lui aussi, dans la danse, dérangé par l’enregistrement de Royal B également dans la catégorie des boissons non alcoolisées.

« Je projetais en effet de décliner mon produit dans une version sans alcool qui aurait pu, selon eux, concurrencer leur marque de boissons frappées, elles aussi, de l’adjectif Royal, qui gênait donc dans les deux cas » se rappelle Gilles.

Après d’âpres négociations, les deux groupes lèvent finalement leur plainte après qu’il eut clairement spécifié la catégorie dans laquelle il enregistrait son label et certifié qu’il n’associerait pas, par exemple, Royal B avec le mot « champagne » dans un quelconque packaging.

De la bouteille aux pailles en passant par le verre en cristal

L’agence de communication l’a aidé dans la réalisation du « sleeve » (ou manchonnage) de la bouteille sur laquelle il est thermocollé. Celui-ci comporte non moins de sept couleurs différentes, dont quatre nuances de blanc.

Quant aux bouchons, ils ont été dessinés par des Allemands et fabriqués en France par des Italiens. Afin de réaliser des coffrets, dont le design est confié à une agence de Battice, Gilles décide de faire dessiner un verre aux couleurs de Royal B en cristal Ritzenhoff décoré par la société wallonne Tradyglass.

Enfin, il complète son offre avec des pailles réutilisables en inox frappées du logo Royal B.

Quel chemin parcouru par Gilles Léonard qui touche enfin du doigt son rêve. Lui qui a commencé à fabriquer de la liqueur artisanale avec son père à l’âge de 12 ans tient en mains, en juillet 2021, la toute première bouteille de Royal B prête à être diffusée dans le commerce.

Radermacher, l’accélérateur de succès

La recette, professionnalisée par Radermacher, « est la même que celle de mon grand-père, sauf que l’on y ajoute un peu d’arôme pour garantir le même goût au fil des années » précise Gilles Léonard.

Les groseilles proviennent, dans la mesure du possible, de petits producteurs situés majoritairement en Wallonie, un peu en Flandre, voire, parfois, d’ailleurs.

La distillerie reçoit les fruits sous forme de jus, « ce qui permet d’avoir un produit stabilisé et constant au niveau du goût, à partir duquel nous procédons à l’assemblage (eau, alcool, sucre, jus, arôme) avant la mise en citerne puis l’embouteillage » déroule le directeur technique de la distillerie, d’où sortent environ un million de bouteilles d’alcool par an, dont 10.000 de Royal B en 2022.

bar_distillerie

« Nous faisons 70 % de produits estampillés Radermacher et 30 % de labels personnalisés, comme Royal B » précise-t-il encore.

« Quand une personne vient sonner à notre porte, on l’écoute, on l’oriente dans sa démarche et l’on essaie de croire en tout le monde explique Philippe Defleur », fort de ses dix-neuf ans d’ancienneté au sein de la distillerie.

C’est le cas pour le projet de Gilles Léonard auquel il a rapidement adhéré « parce qu’il était construit, que c’était le fruit d’une histoire personnelle, qu’il ne venait pas sur un marché saturé, comme l’est actuellement celui du gin en Wallonie ».

Un produit « premium »

Servi en apéritif, Royal B se déguste pur sur glaçons, en mélange, soit seul avec du tonic ou encore avec du sirop de sucre, du jus de citron jaune, du gin.

Pas question, pour autant, de le présenter en pré-mix sous forme de cannette car Royal B, qui titre 18º d’alcool, est un produit que les deux hommes qualifient de « premium », sans colorant ni conservateur. Un segment que dans lequel s’inscrit et excelle Radermacher, spécialiste sur ce marché spécifique.

« Nous voulons proposer des produits de dégustation, non de consommation » image d’ailleurs Philippe Defleur

Royal B est actuellement disponible en petites et moyennes surfaces, dans certains commerces de proximité, chez des cavistes, dans des restaurants, en Wallonie et à Bruxelles.

Gilles Léonard est un entrepreneur dans l’âme qui ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Il développe une offre de chambres d’hôte au sein de sa ferme où Royal B sera omniprésent.

Il possède également des terres viticoles avec quelque 8.000 pieds de vignes (cépages Solaris et Johanniter) dans le cadre de son activité au sein de la coopérative « Vins du Pays de Herve ». L’histoire, pour lui, est donc encore en marche…

Marie-France Vienne

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