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Bien choisir le matériel végétal est essentiel !

Comme dans un mariage heureux, le choix des plants fruitiers fait à la fois intervenir un coup de foudre et la raison. Le coup de foudre lorsque, dans une pépinière ou jardinerie, on tombe en arrêt devant une plante de bel aspect, porteuse d’une étiquette qui donne à la fois des informations utiles et une photo en couleurs des fruits à laquelle il est difficile de résister. Et la raison qui oblige, dans le choix, à prendre en compte une série de critères techniques qui vont faire l’objet de cet article.

Temps de lecture : 8 min

Le nombre de variétés fruitières qui existent dans le Monde est très élevé : on parle de plusieurs milliers pour les pommes, les poires et les raisins. Actuellement, on peut trouver dans les pépinières belges une cinquantaine de pommes et de poires, une trentaine de prunes et une vingtaine de cerises. Il y a là de quoi contenter tout un chacun !

La majorité des arbres sont destinés à la culture en plein-vent, conduits en buisson ou en fuseau. Quelques fruits à pépins sont également proposés en formes à cultiver en espalier, une solution pour les petits jardins.

L’assortiment se compose à la fois de variétés anciennes qui ont fait leurs preuves et de variétés plus récentes utilisées aussi par les arboriculteurs professionnels.

Tenir compte de l’espace disponible…

Il est déterminant pour le choix de la forme des arbres et arbustes que l’on va planter. Trop souvent l’ampleur prise à l’âge adulte dépasse l’espace disponible, et de ce fait, la taille effectuée est trop sévère, au détriment de la fructification. Le tableau 1 donne des indications utiles à cet égard.

L’espace disponible permet de décider quel type de conduite sera choisi. Si l’espace est vaste, on peut opter soit pour une formation en haute-tige ou en demi-tige qui occupera beaucoup d’espace, ou encore pour une formation en basse-tige qui demande moins d’espace. Les châtaigniers et les noyers ne peuvent être cultivés que dans un espace très large.

Pour le choix d’un mode de conduite, il faut tenir compte du fait que la rapidité d’entrée en production de petits arbres est de loin plus grande que celle de grands arbres, comme le montre le tableau 2. Par contre, la longévité de ces derniers est beaucoup plus grande

… et des caractéristiques du sol

On évaluera la profondeur du sol, sa texture (argileuse, argilo-limoneuse ou limoneuse) et sa structure (compacte ou grumeleuse). On déterminera ainsi les amendements à apporter (sable et/ou matière organique).

L’humidité du sol est un autre facteur important : un excès d’eau en hiver, même pendant un temps très court, exclu la culture des framboisiers et de myrtilles, de même que celle de pêchers greffés sur pêcher franc.

La mesure du pH va aussi influencer les choix à faire : s’il est proche de la neutralité (pH=7), seules les myrtilles sont exclues ; s’il est supérieur à 7, on évitera les châtaigniers. Les poiriers et les pêchers devront, quant à eux, être greffés sur un sujet porte-greffe adapté. S’il est inférieur à 6, il faudra apporter un amendement calcaire, sauf pour les myrtilles. Par la suite, une mesure du pH tous les 4 ou 5 ans permettra de voir s’il évolue dans le bon sens.

Une analyse chimique simple indiquera le pH et la richesse du sol en matière organique et en éléments minéraux ; elle indiquera les engrais à apporter.

Connaître le micro-climat

Le microclimat d’une parcelle résulte à la fois du climat général de la région et de la topographie (zone plane, fond, sommet, pente et son orientation). La présence d’autres plantations et de constructions influence l’ensoleillement et l’exposition au vent. Un bon écoulement de l’air froid est un atout important.

Les dates habituelles des dernières gelées printanières et des premières gelées d’automne devront aussi être prises en compte. Il faudra éviter les variétés à floraison très précoces, et celles dont la première végétation est très sensible au gel (par exemple, les kiwis).

Le mécanisme de fécondation des fleurs influence le choix des arbres

Il a été plusieurs fois expliqué dans des articles précédents. Rappelons ici quelques règles générales.

autofécondation de fleurs hermaphrodites : le pollen d’un arbre féconde ses propres ovules. C’est le cas pour les griottiers, les pêchers, les petits fruits, les vignes, les néfliers, les cognassiers, certaines variétés de cerisiers à fruits doux et de pruniers. En conséquence, on peut ne planter qu’un seul arbre, qui se suffira à lui-même.

fécondation croisée de fleurs hermaphrodites : il y a fécondation réciproque de deux variétés, qui doivent nécessairement fleurir au même moment. C’est la règle chez les pommiers, les poiriers et certaines variétés de prunes. En conséquence, il faudra planter à faible distance deux variétés compatibles.

inter-incompatibilité de fleurs hermaphrodites : la fécondation des ovules demande l’apport du pollen de quelques variétés définies et fleurissant au même moment ; il n’y a pas nécessairement réciprocité. En conséquence, il faut planter plusieurs variétés : A fécondera B, B fécondera C et C fécondera A. C’est le cas chez les variétés traditionnelles de cerises douces.

fleurs unisexuées sur la même plante : il peut y avoir autofécondation si les fleurs mâles et les fleurs femelles s’épanouissent en même temps ; sinon, il faudra associer plusieurs variétés compatibles. Les châtaigniers, les noyers et les noisetiers sont dans le cas.

fleurs unisexuées sur des plantes différentes : aux plantes portant des fleurs femelles, il faut nécessairement associer une plante portant des fleurs mâles qui s’épanouissent au même moment. C’est le cas chez la plupart des kiwis et de certains kiwais.

La réussite de la fructification dépend très étroitement des conditions climatiques pendant et après la floraison : ainsi, un temps chaud et sec favorise à la fois l’activité des insectes butineurs, la germination du pollen et la division des cellules de l’ovaire des fleurs.

Chez certaines variétés de poiriers, le développement de fruits peut se faire sans qu’il y ait eu fécondation de fleurs. Ce phénomène, appelé parthénocarpie, est particulièrement utile lorsque les fleurs ont été endommagées par une gelée tardive. Les fruits parthénocarpiques sont dépourvus de pépins et ils ont une forme plus allongée. Certaines variétés de raisin (dit « apyrènes ») sont également dépourvues de pépins.

Selon les caractéristiques des fruits et leur utilisation

Si l’objectif est d’approvisionner le ménage en fruits frais pendant une période la plus longue possible, il conviendra de diversifier les espèces et les variétés. C’est vrai aussi bien pour les fruits d’été, dont la conservation après récolte est très courte que pour les fruits à pépins. Pour ces derniers, au moins trois variétés (et mieux : cinq variétés) doivent être un minimum : par exemple un arbre de variété d’été, un (ou deux) arbre(s) de variétés d’automne et un (ou plusieurs) arbre(s) de variétés à longue conservation.

Pour un verger existant, il faut voir si l’assortiment actuel permet une consommation échelonnée de fruits, et s’il n’y a pas un « trou » qu’il conviendrait de combler.

Lorsque la production fruitière est destinée à la transformation (jus et vin, confitures, congélation, conserves…), il faut rechercher une production groupée dans le temps et des variétés bien adaptées à l’usage prévu en raison de leurs qualités intrinsèques : teneur en sucres, en acides, en tanins et en arômes.

Quelle attitude envers les bioagresseurs ?

La sensibilité ou la tolérance des variétés envers les nombreux insectes, acariens, cryptogames, virus et autres… est un critère important du choix des variétés à planter. De même, l’intention de traiter ou non.

Si l’on opte pour une culture « naturelle », c’est-à-dire sans aucune intervention phytosanitaire, le choix de variétés à planter est très limité. Par exemple, les pêchers seront exclus à cause de la cloque, le choix des variétés de pommiers sera restreint à cause de la tavelure et celui des variétés de poiriers à cause de la tavelure et de la rouille grillagée. En ce qui concerne les insectes et les acariens, on peut espérer qu’un équilibre biologique entre les ravageurs et certains prédateurs finira par se créer.

Si on accepte d’effectuer un minimum de traitements phytosanitaires, par exemple 3 ou 4 traitements fongicides au printemps et un traitement au cuivre pendant la chute des feuilles, les possibilités de choix sont plus étendues. Les produits utilisés pour les traitements seront de préférence ceux qui sont autorisés en culture biologique.

En matière de protection phytosanitaire, il faut toujours se rappeler que le climat reste le maître du jeu, et que certaines années, il imposera un nombre plus élevé de traitements.

Passer à l’acte…

La fin de l’automne est la période idéale pour planter la plupart des arbres et arbustes fruitiers : le sol encore chaud favorisera l’émission de radicelles sur les racines, son humidité est encore modérée. Quelques espèces seront plantées de préférence en fin d’hiver : les myrtilles, les framboisiers, les vignes et les kiwis, pour lesquels on attendra la fin du mois de mars. C’est aussi au début de l’hiver que l’assortiment proposé par les pépinières et les jardineries est le plus vaste, tant en ce qui concerne l’assortiment que la qualité des arbres.

La préparation des trous de plantation et l’apport d’amendements (compost, sable ou chaux selon le cas) seront plus agréables à effectuer par une belle journée d’automne qu’en plein hiver.

Ir. André Sansdrap

Wépion

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