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En cause : l’excès d’azote brutalement libéré…

En Région wallonne, il est interdit de détruire une prairie permanente du 1er juin au 31 janvier inclus, pour des raisons d’ordre agronomique et environnemental éprouvées sur le terrain. Coup d’œil sur les différents risques liés à cette élimination automnale.

Temps de lecture : 5 min

Les sols des prairies permanentes sont très riches en matière organique, organisée sous la forme d’humus. Lors d’une destruction, l’azote organique fixé dans l’humus est rapidement minéralisé. Ce processus contribue à libérer d’importantes quantités d’azote minéral durant les semaines et mois qui suivent. On parle, au total, de restitutions équivalentes à 300, voire jusque 700 kg d’azote minéral par ha.

Ces fournitures d’azote, sous la forme de nitrate soluble dans l’eau, constituent une source de fertilisation efficace pour les cultures suivantes. Tout l’enjeu consiste, par conséquent, à maintenir cet azote disponible pour la succession culturale, afin qu’il soit prélevé et valorisé, au lieu d’être entraîné vers les nappes phréatiques.

La minéralisation de l’azote organique dépend des conditions d’humidité et de température. On pourrait croire, par conséquent, qu’elle est fortement ralentie en hiver, voire nulle. Cette hypothèse justifierait le fait qu’une destruction automnale, suivie d’une culture de printemps, engendrerait peu de pertes de nitrate dans l’environnement. C’est ce que les essais scientifiques réalisés par l’Ucl-Elia, le Centre de Michamps et le Centre indépendant de promotion fourragère ont voulu vérifier en mesurant les quantités d’azote minéral libéré durant l’hiver en fonction de différents paramètres tels que la date et la technique de destruction.

La minéralisation hivernale est loin d’être négligeable !

Les expérimentations menées en Ardenne – région froide – montrent que la minéralisation est loin d’être marginale en automne-hiver. Ce processus commence d’autant plus rapidement et atteint un niveau d’autant plus élevé que la destruction de la prairie permanente a lieu tôt en arrière-saison (septembre). Une destruction réalisée plus tard, fin octobre, entraîne également une augmentation du reliquat azoté mesuré en décembre mais dans une moindre proportion.

Les mesures de reliquat se sont poursuivies durant l’hiver. Elles ont mis en évidence que le profil de sol continuait de s’enrichir en azote minéral pendant les mois de janvier et février. Ces résultats montrent donc que la minéralisation de la matière organique et le relargage d’azote dans le sol se poursuivent durant les mois d’hiver, quelle que soit la date de destruction en automne (voir figure).

Il est impossible de maîtriser autant d’azote libéré pendant la période hivernale

En automne-hiver, aucun couvert ou culture implantée n’est capable de prélever de telles quantités d’azote. Qu’il s’agisse de froment, d’une nouvelle prairie ou d’une culture intermédiaire piège à nitrate (cipan), leur développement n’est pas suffisant durant l’hiver pour valoriser ce qui est libéré. Le profil de sol s’enrichit et la présence de ces excédents de nitrate avant l’hiver constitue un risque pour l’environnement.

En effet, dans nos régions, les hivers sont généralement pluvieux. Cet azote minéral très soluble est alors entraîné avec l’eau de pluie qui percole à travers les sols. Exporté hors de la zone d’exploration racinaire des plantes, le nitrate est définitivement perdu pour les cultures qui suivent. Les mesures effectuées à la fin du mois de février mettent en évidence ce phénomène de lessivage. Le reliquat mesuré sur la parcelle détruite en septembre a baissé de 60 unités (figure).

Existe-t-il d’autres facteurs qui pourraient réduire les risques ?

L’effet du mode de destruction (chimique ou par labour) sur le potentiel de minéralisation de l’azote organique fixé dans l’humus de la prairie en automne-hiver a également été testé. Résultat : il existe peu de différences entre la voie chimique et mécanique. Le désherbage ou le labour induisent rapidement la production d’une grande quantité d’azote minéral (figure).

Une pratique à proscrire en automne !

La destruction d’une prairie permanente est donc bien une pratique à proscrire en automne, vu le nombre de facteurs à risque que cela représente pour la qualité de l’eau. C’est précisément pour cette raison qu’elle est interdite par le Programme de gestion durable de l’azote (PGDA). La minéralisation importante et l’incapacité des cultures à prélever les excédents de nitrate sont autant d’éléments qui doivent dissuader les agriculteurs de détruire leur prairie durant l’arrière-saison.

Du 1er février au 31 mai, c’est autorisé, et on raisonnera évidemment la fumure !

Une destruction en fin d’hiver, dans le respect de la législation, et l’implantation d’une culture de printemps, gourmande en azote, ou le semis précoce d’une nouvelle prairie, permettra de valoriser le nitrate libéré.

Le raisonnement de la fertilisation devra aussi prendre en compte ces fournitures durant les années qui suivent le retournement, afin d’assurer la conformité des APL (azote potentiellement lessivable). Il faut notamment comptabiliser un arrière-effet « prairie » durant au moins deux ans dans le calcul du bilan et ensuite tenir compte d’un taux d’humus élevé, donc d’une minéralisation élevée, pour encore de nombreuses années.

La bonne gestion de la destruction de sa prairie permettra de maximiser les bénéfices agronomiques mais aussi de limiter les risques environnementaux liés à cette pratique.

Vous avez des questions sur la conduite de votre succession culturale après une destruction de prairie ou besoin de conseils pour vos plans de fertilisation ? Plus d’infos :

info@protecteau.be ; www.protecteau.be.

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