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Un prix couvrant les coûts, on y est presque?

« Le prix du lait a augmenté, mais les coûts augmentent aussi ! ». Voilà la ritournelle qu’on entend depuis que le prix du lait a décollé, en novembre 2021. Pour éclaircir cette question, le MIG s’appuie sur de nouvelles analyses de coût de production moyen du lait effectuées par le BAL et le DAEA pour les années 2020 et 2021, ainsi que le premier trimestre 2022. Et, petite nouveauté, en complément du lait conventionnel belge, le MIG publie également pour la première fois des calculs de coûts de production du lait bio wallon.

Temps de lecture : 5 min

Une chose est sûre : les recettes perçues par les producteurs laitiers en 2021 ne permettent toujours pas de couvrir le coût de production – rémunération type du producteur laitier incluse –, mais la situation s’est améliorée début 2022.

Une analyse rigoureuse

Le MIG (Milcherzeuger Interessegemeinschaft, ou Groupement de producteurs laitiers ASBL) demande chaque année au BAL (Büro für Agrarsoziologie und Landwirtschaft, Allemagne), d’établir un coût de production du lait conventionnel en Belgique. Ce travail est effectué sur base de données européennes du réseau comptable RICA/FADN.

Il a également collaboré avec la DAEA (Direction de l’Analyse Économique Agricole du Service Public de Wallonie – ARNE) pour disposer des données comptables concernant la production de lait biologique en Wallonie ainsi que d’une première analyse de l’évolution du coût de production du lait conventionnel en 2022. La DAEA effectue des comptabilités de gestion au sein d’un réseau de plus de 400 exploitations agricoles wallonnes.

Les apports complémentaires des deux sources d’analyse considérées ont permis de disposer d’une analyse plus complète de la situation.

Il existe de petites différences entre les méthodes de calcul du BAL et la DAEA. Elles influent peu les conclusions générales.

Le coût de production auquel il est fait référence inclut une rémunération type (paramètre des revenus) pour le producteur laitier.

Les analyses de coût du BAL et de la DAEA sont interprétées par le MIG, qui en prend la responsabilité.

52 cents pour produire 1kg de lait conventionnel

Les nouvelles données dont dispose le MIG pour le lait conventionnel en Belgique concernent les années 2020 et 2021. La dernière publication effectuée s’arrêtait en effet à l’année 2019.

En 2020, le coût de production du lait (50,0 €cent/kg) était en légère diminution par rapport à 2019, tout comme le prix du lait payé au producteur laitier. En 2021 par contre, le coût de production (+ 5 % pour atteindre 52,4 cents/kg) comme le prix du lait (+ 17 % pour atteindre 36,5 cents/kg) sont repartis à la hausse. Les principaux composants du coût de production dont le prix a augmenté sont, par ordre d’importance, les aliments, les intrants nécessaires à la production de fourrage (engrais, semences…), les frais d’entretien et l’énergie.

Les aides spécifiques « lait » de la PAC uniquement sont considérées dans ces calculs. Elles représentaient à 1,9 cents/kg en 2021, ce qui est relativement faible.

La part non-couverte du coût, qui correspond à la différence entre le coût de production et les recettes perçues, s’élève en 2021 à 10 cents/kg, soit 20 % du coût de production. Elle est en diminution par rapport à 2020 (13 cents/kg) par rapport à la moyenne 2016-20 (12 cents/kg). Tant qu’il subsiste une part du coût non couverte par les revenus, cela signifie que la rémunération du producteur laitier est inférieure à la rémunération du travail (paramètres des revenus) considérée comme référence dans les calculs.

79 cents pour produire un kg de lait biologique

Le coût de production du lait biologique s’élevait à 78,9 cents/kg en 2021, contre 75,4 cents/kg en 2020. En déduisant les aides de la PAC (15,1 cents/kg), plus élevées en bio qu’en conventionnel, le coût s’élevait à 63,8 cents en 2021. Ce chiffre est toutefois à considérer avec des pincettes. En effet, le MIG considère que tous les producteurs laitiers devraient pouvoir se passer des aides de la PAC pour être rentables. Or ces aides restent nécessaires pour atténuer la part non couverte du coût, en particulier pour le lait bio.

Selon les mêmes données, le prix du lait bio payé au producteur, quant à lui, a augmenté de 19 % en 2021 (52,3 cents/kg) par rapport à 2020.

Sur les quatre années considérées dans l’analyse, le coût de production comme le prix du lait semblent plus stables en bio qu’en conventionnel.

La part non couverte du coût de production a augmenté en 2021 pour atteindre 4 cents/kg. Sans les aides de la PAC, elle aurait atteint 19 cents/kg en 2021, soit 24 % du coût de production.

Enfin, l’importante différence entre les paramètres des revenus en conventionnel et en bio provient probablement de la différence de taille moyenne des exploitations conventionnelles et bio (plus petites).

5 cents en plus pour produire au premier trimestre 2022

Peu de chiffres sont disponibles pour le premier trimestre 2022, alors que la conjoncture économique est fortement influencée par la reprise « post-CovidOVID » et la guerre en Ukraine.

Grâce au concours de la DAEA, le MIG dispose cependant d’une première estimation, basée sur des index de prix.

On en déduit que le coût de production à effet de trésorerie du lait conventionnel wallon a augmenté de 4,8 cents au premier trimestre 2022 par rapport à la moyenne de l’année 2021. Mais sur la même période, le prix du lait a augmenté de 12,4 cents en Wallonie. En considérant par hypothèse les autres paramètres comme constants à ce stade, cela signifie que la part non-couverte du coût a diminué de 7,6 cents. Il ne manquerait donc « plus que » 2,4 cents pour que le coût de production du lait soit couvert par les recettes.

Il s’agit d’une évolution positive sur un trimestre, à considérer avec beaucoup de prudence dans la conjoncture actuelle.

Le prix ne couvre toujours pas le coût

Tant en conventionnel et qu’en bio, le prix du lait payé par les laiteries aux producteurs laitiers, même majoré des aides de la PAC et des autres recettes, reste insuffisant pour couvrir entièrement le coût de production. En 2021 par exemple, il subsistait une part du coût de production de 10 cents non couverte par les recettes en conventionnel et de 4 cent en bio.

L’augmentation du prix du lait observée depuis novembre 2021 a permis de compenser l’augmentation du coût de production constatée depuis lors.

Au premier trimestre 2022, d’après les premiers chiffres disponibles, le prix du lait aurait même permis de faire diminuer fortement la part non couverte du coût de production.

Pour rappel, il a en moyenne manqué 12 cents de recette pour couvrir le coût de production du lait conventionnel durant les cinq dernières années ! Le MIG reste donc très vigilant…

Benoit Haag

, pour le MIG

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