et le bon sens
subissent l’érosion !
Si j’ai acheté la terre à crédit, je vais certainement pouvoir compter sur la compréhension de mon banquier qui acceptera que je ne la rembourse plus. Et si je suis locataire, mon propriétaire va beaucoup apprécier que ne je paie plus mon fermage sur une terre sans revenus.
Mais l’administration a prévu une solution, une parade imparable : scinder la parcelle en plusieurs parcelles qui du coup avec un peu de chance et beaucoup d’algorithmes va se transformer en une « extrême », une deuxième « très élevée » et une troisième « élevée ».
Bon, l’extrême, j’oublie, elle servira de défouloir aux chiens, j’aurais dû écouter les anciens qui disaient : « En terroir abrupt ou pendant, ne place jamais ton argent ». Pour la deuxième on peut y aller, sauf toutes les cultures sur buttes, donc fini les patates, les chicons, les carottes… Par contre, il y a des obligations, sinon ce n’est pas drôle. Il faut, en gros, que la terre soit toujours couverte, culture ou interculture, ou même les deux en même temps. J’opte pour le froment, semé en automne, couverture assurée du 1er janvier au 30 juin minimum mais on m’impose une bande anti-érosion de 9 mètres de large rien que ça… J’en suis exemptée le long de deux bords car prairie et bois mais je dois l’implanter le long du chemin de terre, qui se trouve à 1.5 m en contrebas. Elle va être utile la bande anti-érosion au sommet de ma parcelle.
Maintenant pour implanter mon blé en automne en semis direct, donc sans labour, j’espère que l’administration a négocié avec la météo, car automne pluvieux demande charrue. On croise les doigts ou on prie c’est selon (méthode très utilisée au 19e siècle avec des résultats aléatoires).
Là je viens de lire qu’on peut encore sur-diviser la parcelle « très élevée » pour diminuer le ratio, non merci. C’est déjà bon comme ça.
D’une parcelle au départ, me voici avec 3 parcelles. Sur la 3e et dernière, qui rappelez-vous est classée « élevée », je décide de semer des betteraves, là aussi la bande anti-érosion se trouvera le long du talus donc parfaitement inutile, sauf aux promeneurs de chiens dont le gabarit est trop petit pour survivre à l’immense flaque qui gangrène le chemin le plus gros de l’année.
Mes betteraves devront également être semées sous couvert. Le hic, c’est que les betteraves sont coincées entre la « extrême » et la « très élevée », vous suivez ?
À la moisson, pour récolter le froment, je vais donc devoir passer sur les betteraves avec moissonneuse, tracteurs et bennes. Vu que je n’avais qu’une entrée de champs pour ma parcelle initiale, et impossible d’en fabriquer une autre, elle propose quoi l’administration, un cours de lévitation ? Mais suis-je bête ! La bande anti-érosion servira de jonction entre les parcelles. Et voilà. La deuxième fonction de la bande anti-érosion sert plutôt, soyons francs, de bande de passage entre les parcelles saucissonnées et accessoirement de bande anti-érosion.
Et fiscalement ? Les terres « extrêmes », elles rentrent dans le forfait ou non ? Vu qu’il y a interdiction de les cultiver ce serait comique qu’on paie des impôts dessus.
Il n’y a pas que les terres qui subissent l’érosion, mais la logique et le bon sens aussi.
Sous couvert (sans jeux de mots) de lutte contre l’érosion de nos bonnes terres, c’est en réalité l’agriculture qui paie seule la lutte contre les inondations. Et si on pense aux maisons construites grâce à des permis de complaisance accordés « au mérite » dans des points bas et zones inondables, on pourrait y appliquer la même méthode, non ? Interdiction d’y habiter. Point. Ce ne serait que justice, non ?
Je force un peu le trait, certes, mais pas tant que ça.
L’administration est-elle si peu dans nos campagnes pour ignorer les efforts considérables fournis par les agriculteurs ? La terre c’est notre (sur)vie, et depuis toujours on fait tout pour la conserver.
Marre d’être considérés comme des incapables à qui il faut tout dicter !











