avec les priorités de la présidence espagnole »
Et ce, pour protéger leurs agriculteurs et marchés locaux déstabilisés par l’afflux massif de produits agricoles ukrainiens qui ont un temps saturé leurs silos.
Pression sur les agriculteurs et les marchés
Si le commissaire Wojciechowski n’a pas fermé la porte à une prolongation des restrictions, selon les volumes des récoltes de cette année et l’état des marchés en septembre, plusieurs ministres ont jugé inacceptable que certains États membres passent outre les traités en vigueur.
Ils ont réclamé une stratégie globale sur le moyen terme à la commission plutôt que des mesures d’urgence prises tous les deux mois.
Une discussion qui revient au moment la Russie a signifié la suspension de l’accord sur les exportations en Mer noire qui a permis d’envoyer 33 millions de tonnes de produits agricoles (principalement du blé et du maïs) d’Ukraine vers 45 pays et sur trois continents, depuis un an.
Renforcement des voies de solidarité
Pour la présidence espagnole, la seule solution semble le renforcement des corridors de solidarité terrestres et fluviaux, à travers la Pologne et la Roumanie, par lesquels 41 millions de tonnes de céréales ukrainiennes ont pu être acheminées. Désormais, c’est la seule voie d’exportation pour l’Ukraine.
Selon le commissaire Janusz Wojciechowski, il serait possible d’exporter, via ces voies de solidarité, jusqu’à 4 millions de tonnes de céréales ukrainiennes par mois.
« Nous sommes prêts à exporter par ces corridors la quasi-totalité des besoins ukrainiens », a même assuré le commissaire devant la presse.
Pour faciliter le fret, un projet d’harmonisation de l’écartement des rails entre l’UE et l’Ukraine est en cours. Mais dans l’immédiat, pour éviter la saturation des corridors existants, la Lituanie propose de recourir aux ports des États baltes, d’une capacité annuelle combinée de 25 millions de tonnes pour les grains.
Cette orientation devra aussi s’appuyer sur des procédures douanières et administratives plus efficaces, qui peuvent se faire à l’arrivée dans les ports européens, et pas uniquement à la frontière ukrainienne où elles sont plus lentes et moins fluides.
Présentation de l’étude sur le règlement « SUR »
Sujet sensible s’il en est, la proposition de règlement sur l’utilisation durable des pesticides (Sustainable Use of pesticides, plus connu sous l’acronyme « Sur ») a de nouveau été au cœur des discussions à l’occasion de la présentation de l’étude complémentaire de la commission.
Dans cette étude réalisée à la demande des États membres, l’Exécutif estime que les objectifs de réduction des pesticides ne menacent pas la sécurité alimentaire de l’UE.
Mais nombre de ministres ne sont pas convaincus, loin s’en faut, au premier rang desquels David Clarinval qui regrette que l’étude « ne tienne pas compte des conséquences sur le revenu des agriculteurs mais aussi sur la souveraineté alimentaire européenne ».
« Les quelques chiffres qui se dégagent de ce rapport nous indiquent par exemple que nous allons perdre 40 % de productivité pour les céréales, c’est très impactant pour le secteur agricole » nous a précisé le ministre fédéral à l’issue de la réunion.
Et d’ajouter que « l’objectif de réduction de 50 % des pesticides n’est pas très crédible et ne tient pas compte des efforts déjà accomplis dans le passé par plusieurs pays ». Plusieurs ministres ont demandé des flexibilités. Certains estiment aussi que l’échéance de 2030 devrait être repoussée.
La Belgique ni satisfaite, ni convaincue
Quant aux compromis proposés par la commission sur les restrictions d’utilisation qu’elle souhaite imposer dans les zones sensibles, ils n’ont pas du tout convaincu la Belgique car « la superposition de ces zones risquerait d’interdire l’utilisation des pesticides dans de nombreux endroits de notre pays » a déploré M. Clarinval pour qui l’analyse qui a été proposée « n’est absolument pas satisfaisante ».
La présidence espagnole, par la voix de son ministre de l’Agriculture Luis Planas, a assuré qu’elle ferait son maximum pour faire progresser les débats.
Elle a néanmoins prévenu qu’il sera peut-être difficile de finaliser une position commune d’ici la fin de l’année en raison de la frilosité de nombreux États membres.
Une posture qui satisfait notre ministre fédéral qui se sent « en phase » avec la direction prise par son collègue Luis Planas « qui ne passera pas en force ».
« La commission va dans le bon sens au niveau des NBT »
David Clarinval se félicite aussi de la volonté de son collègue espagnol de mener le débat sur les NBT, « une priorité que nous partageons ».
À ce propos, les ministres ont reçu le projet de texte de la commission que la Belgique entend soutenir « même s’il nous faut encore arrêter une position au niveau belge ».
« Pour moi, cela va dans le bon sens car on voit clairement que la commission reconnaît les NBT comme source d’opportunités en termes de durabilité pour les agriculteurs qui pourront produire en utilisant moins d’eau, de pesticides, développer des cultures plus résistantes aux ravageurs » s’est félicité M. Clarinval.
Et le ministre fédéral d’ajouter que « les NBT sont très importants au niveau de la compétitivité de l’agriculture européenne par rapport à d’autres continents où ils sont déjà utilisés. Il ne faut donc pas que l’Europe soit à la traîne dans ce domaine »
Le texte vise à faciliter la culture des plantes issues de ces techniques et prévoit de les classer en deux catégories : la première pour celles équivalentes à ce qui pourrait être trouvé dans la nature ou produit par sélection conventionnelle étant exemptée des obligations de la directive OGM, la seconde pourrait bénéficier d’une procédure d’évaluation allégée au cas par cas.
Cette distinction en deux catégories a été soutenue par beaucoup de délégations. Six États membres (Lituanie, Slovénie, Autriche, Hongrie, Pologne, Croatie) ont néanmoins fait part de leurs inquiétudes quant à cette proposition. Ils demandent notamment de pouvoir interdire, s’ils le décident, la culture de variétés NBT sur leur territoire.
Vers une position commune d’ici la fin de l’année
De nombreux autres points animeront les discussions des prochains conseils : la condition de coexistence avec le secteur bio, l’exclusion des variétés résistantes aux herbicides (demandée par la France notamment), l’étiquetage, sachant que certains plaident pour qu’il ne soit pas limité aux seules semences, les conditions d’évaluation des variétés ou encore le financement des laboratoires chargés des contrôles.
L’Espagne a déjà entamé les discussions à la fin du mois de juillet en vue de parvenir à arracher un accord politique sur cette proposition avant la fin de l’année. Une nouvelle discussion au niveau ministériel entre les Vingt-sept est prévue lors de leur réunion informelle des 4 et 5 septembre, à Cordoue (Espagne).
Fin des dérogations au niveau de la conditionnalité des aides ?
Plusieurs pays ont appelé la commission à accepter de reconduire en 2024 les dérogations accordées cette année en matière de conditionnalité des aides de la Pac.
C’est le cas des pays de l’est de l’Europe, de même que l’Italie et les pays baltes qui ont réclamé la poursuite l’année prochaine des exemptions accordées en 2023 en matière de respect des règles s’agissant des BCAE 7 (rotation des cultures) et 8 (part minimale de terres arables consacrée à des surfaces et des éléments non productifs).
« Avant de prendre une décision, j’ai besoin d’un complément d’informations sur les effets de la sécheresse sur les récoltes » a-t-il toutefois précisé à la presse avant de souligner, à juste titre, qu’une telle reconduction était synonyme de procédure législative complète nécessitant l’accord du conseil et du parlement…
