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À l’heure où vous lirez ces lignes, les élections communales auront rendu leurs verdicts. Parmi les candidats, les uns seront déçus, les autres ravis : ainsi va la vie… Au niveau local, au sein des petites entités rurales, les choix des électeurs reposent sur des critères plutôt subjectifs, car ils connaissent trop bien la plupart des candidats. La parenté, les amitiés et les inimitiés, les bons et les mauvais voisinages, la gratitude envers certains et les vieilles rancunes envers d’autres, les relations professionnelles, les intérêts personnels…, jouent un grand rôle dans le scrutin. L’appartenance à l’une ou l’autre mouvance politique reste secondaire au moment de rougir la case de son élu. Aux communales, on vote pour la femme ou pour l’homme, non pour un parti. À ce petit jeu, les agriculteurs ne sont pas si mal lotis dans les communes où leur nombre est resté conséquent. Ailleurs, dur dur d’être représentés et considérés…

Autrefois, disent chez nous les personnes les plus âgées, chaque liste essayait d’enrôler des candidats bien enracinés dans leur terroir, avec une nombreuse parenté pour les soutenir. Je vous parle du temps d’avant les grandes fusions des communes en 1976. Souvent, les bourgmestres et échevins faisaient partie des familles dominantes, les mieux représentées en nombre, le plus souvent des agriculteurs issus d’une lignée paysanne longue comme le bras d’un politicien. Les communes étaient gérées par des gens du cru, bien informés des atouts et des défauts de leur territoire, et surtout sensibles à la cause agricole.

Puis progressivement, inexorablement, lors des décennies suivant la fusion des communes, de nombreuses fermes ont cessé leurs activités, des néo-ruraux sont venus s’installer, et les agriculteurs ont perdu leur relative main-mise sur la politique locale. Nous ne représentons plus qu’une toute petite minorité. De nombreuses listes, en région rurale, ne comptent même plus un seul travailleur de la terre, alors même que l’agriculture occupe une large part du territoire. Nous étions partout en politique communale ; nous ne sommes presque plus nulle part !

Ceci dit, les descendants des vieilles familles agricoles villageoises gardent tout de même dans leur ADN un intérêt certain envers tout ce qui touche au métier de leurs parents et grands-parents. Notre commune, dieu merci, compte encore des élus proches de nous, respectueux de l’agriculture, et qui connaissent fort bien un sujet qui compte à leurs yeux. Car les défis ne manquent pas : l’agriculture constitue un chantier en perpétuelle évolution, à jamais inachevé…

Que demandent les agriculteurs à leurs élus communaux ? De l’empathie, du respect, de l’écoute, une mise en valeur, une assistance administrative, une gestion concertée des cours d’eau et des voiries agricoles, un aménagement du territoire qui tienne compte de leurs besoins spécifiques, un suivi pro-actif des dossiers des calamités agricoles, une représentation politique pour porter leurs voix aux niveaux régional et fédéral lors des crises ponctuelles : économiques, sanitaires et climatiques. Les fermiers supplient également leurs édiles communaux de conserver précieusement les bijoux de la famille paysanne, ces terres de communauté très chères à leurs cœurs, et qu’ils exploitent depuis des centaines d’années. Certaines communes sont fort tentées de les planter en forêt ou surtout de les vendre, afin de capitaliser un bien qui rapporte très peu en termes de rentrée financière, mais qui constitue un bien ancestral intouchable aux yeux des rares derniers paysans.

On l’aura compris, pour nous agriculteurs, le scrutin communal n’a rien d’anodin. Mais comment bien choisir ? Voter pour quelqu’un qu’on aime bien, mais dont on sait qu’il se fiche pas mal de l’agriculture, et qu’il est d’une ignorance crasse en la matière ? Voter plutôt pour un confrère fermier, mais qui travaille surtout pour sa pomme ? Donner sa confiance à une personne intelligente, généreuse et de bonne volonté, mais un chouïa naïve et idéaliste ? Voter pour un technocrate implacable, un gestionnaire pur et dur ? Un gentil doux rêveur, émouvant et adorable ? Un gai luron amuseur public, populaire et sympathique, mais nul de chez nul quand il s’agit de gérer des choses sérieuses ?

Le candidat idéal rassemblerait les qualités de tous ces gens, sans leurs défauts. Existe-t-il autre part que dans mes rêves ? J’en doute. Aujourd’hui, alea jacta est, les urnes ont parlé. Il faudra, bon gré mal gré, accepter leur verdict, et travailler tous ensemble à nos causes communes…

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