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Que faire contre un jugement d’expropriation?

En 2016, j’ai été cité devant le Juge de Paix en expropriation d’extrême urgence. Aujourd’hui, presque 6 ans plus tard, le Juge de Paix a rendu un jugement fixant les indemnités provisoires. Je ne suis d’accord ni avec l’expropriation ni avec les indemnités accordées. Que puis-je faire ?

Temps de lecture : 4 min

Notons d’abord que votre expropriation tombe encore sous l’ancienne législation et la procédure qui lui est liée. La région Wallonne dispose depuis quelques années de son propre décret organisant la procédure d’expropriation (décret du 22 novembre 2018 entré en vigueur le 1er juillet 2019). Pour répondre à votre question, les règles de ce décret du 22 novembre 2018 ne sont pas applicables.

Révision du jugement

Le jugement fixant à titre provisoire le montant de l’indemnité due du chef d’expropriation est sans recours sauf par une action en révision. Cette action en révision doit être intentée dans les deux mois suivant la notification à l’exproprié du jugement provisoire et du certificat de dépôt des indemnités complémentaires éventuelles à la Caisse de dépôt. Cette action est introduite par citation devant le Tribunal de Premier Instance. Dans le cadre d’une action en révision, l’exproprié peut faire valoir des exceptions relatives à la régularité de la procédure d’expropriation et il peut également contester les indemnités provisoires.

La notion d’extrême urgence

Conformément à l’article premier de la loi du 26 juillet 1962 relative à la procédure d’extrême urgence en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique, l’expropriation ne peut avoir lieu que lorsque le Roi constate que la prise de possession immédiate d’un ou de plusieurs immeubles est indispensable pour cause d’utilité publique. L’utilité publique ne peut dès lors être invoquée que lorsque la « prise de possession immédiate » du bien par l’autorité expropriante est « indispensable ».

Autrement dit, si l’autorité expropriante ne démontrant pas, au vu de données techniques concrètes et précises, qu’une prise de possession immédiate du bien serait indispensable, la demande d’expropriation en extrême urgence n’est pas fondée.

Il appartient à la partie expropriante de démontrer l’existence de l’extrême urgence non seulement au moment de l’arrêté d’expropriation, mais également au moment où la procédure judiciaire est engagée.

Motiver la décision

La décision ordonnant l’expropriation relève du champ d’application de la loi relative à la motivation. Les articles 2 et 3 de cette loi disposent que les actes administratifs doivent être expressément motivés et que cette motivation doit être suffisante. Les raisons pour faire application de la procédure d’exception doivent ressortir du dossier administratif et doivent, en outre, être expressément reprises dans l’arrêté d’expropriation contesté lui-même en raison de l’obligation de motivation formelle. L’autorité qui décide de recourir à la procédure d’exception de la loi du 26 juillet 1962 doit donc, dans sa décision, expliquer à suffisance les raisons qui ont pour effet que l’expropriation pour cause d’utilité publique doit intervenir selon la procédure d’extrême urgence. Éventuellement, les motifs justifiant l’urgence peuvent également ressortir des pièces auxquelles il est explicitement fait référence pour motiver la décision et qui sont signifiées aux parties intéressées en même temps que la décision, dont elles font partie intégrante.

Bien que l’autorité administrative dispose d’un large pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne l’urgence de l’expropriation, le juge peut, dans l’exercice de son contrôle de légalité, examiner si cette urgence existe, ce qui implique qu’elle doit être suffisamment plausible ; le juge peut examiner si cette autorité n’a pas commis d’excès ou de détournement de pouvoir en méconnaissant la notion juridique d’« urgence ». (Cass. 29 mars 2019, A.P.T. 2019 (sommaire), liv. 4, 667)

Indemnités revues à la hausse

Dans la procédure en révision, vous pouvez de nouveau réclamer une indemnité plus élevée. Vous avez le droit d’introduire des nouvelles preuves justificatives pour prouver une valeur plus élevée que celle retenue par le Juge de Paix. Si le Tribunal estime que les indemnités allouées à l’exproprié sont sujettes à discussion, il peut désigner un nouvel expert qui procédera à une nouvelle estimation du préjudice subi par l’exproprié.

Appel

Ajoutons pour terminer que le jugement du Tribunal de Premier Instance sur l’action en révision est susceptible d’appel, appel qui sera introduit et jugé suivant le droit commun et les règles ordinaires du Code Judiciaire.

Jan Opsommer

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