Accueil Bovins

Un plan de lutte volontaire pour comprendre et combattre la mycoplasmose bovine

L’Arsia a organisé 4 conférences dédiées à cette maladie préoccupante. Un plan de lutte volontaire est proposé aux élevages en difficulté.

Temps de lecture : 8 min

Il s’agissait de faire le point des connaissances sur cette maladie complexe, qui suscite beaucoup de questions sur le terrain ; elle ne se comporte pas comme la BVD, l’IBR ou encore la paratuberculose, en particulier au niveau des tests et leur interprétation. L’Arsia propose dès février 2023 un plan de lutte volontaire dont voici les tenants et aboutissants.

Comprendre

Une bactérie particulière

Avec son matériel génétique très réduit, Mycoplasma bovis (M. bovis) est la plus petite forme vivante capable de se multiplier de manière autonome. Au laboratoire, elle exige des besoins spécifiques pour sa culture. Sa grande capacité à muter explique sa résistance croissante aux antibiotiques.

Dépourvue de paroi cellulaire, elle résiste naturellement à de nombreux antibiotiques qui agissent précisément via la paroi des bactéries. A contrario, elle est très sensible à la température, ce qui se révèle très intéressant en termes de traitement du lait distribué aux veaux.

Signes d’appel… ou non

La pneumonie est le signe classique, soit aigue (avec symptômes souvent légers), soit chronique, accompagnée d’amaigrissement et d’abcès pulmonaires, véritables « poches » à mycoplasmes, idéales pour redistribuer régulièrement le germe dans l’environnement… et l’élevage !

D’autres nombreux symptômes existent, selon qu’il s’agit d’un veau ; pneumonie, otite, arthrite, conjonctivite, méningite, myocardite, abcès. Ou d’un bovin adulte ; mammite, arthrite, pneumonie, conjonctivite, infection génitale, « clapier ». Un avortement peut être imputé à M. bovis, cela n’étant toutefois pas encore clairement établi.

Attention, il peut aussi n’y avoir… aucun symptôme, ce qui « masque » un bovin pourtant contaminateur !

D’animal à animal, la transmission la plus franche est par contact direct, de mufle à mufle.
D’animal à animal, la transmission la plus franche est par contact direct, de mufle à mufle. - P-Y L.

M. bovis contre le système immunitaire

Quelques jours après l’infection, l’animal produit des anticorps (AC) détectables dans son sang, le rendant « séropositif » après 10 à 15 jours. Le germe éliminé, il s’ensuit une chute progressive de la concentration des AC dans le sang jusqu’à ce que l’animal repasse en « séronégatif ». Mais des germes peuvent résister, « se cacher », et à la moindre occasion immunodéprimante (stress) reprendre vigueur et dès lors réactiver la production d’anticorps. C’est ce qu’on nomme le phénomène de « portage », qui peut être temporaire ou prolongé, selon l’animal. A ce jour, il n’est pas possible pour le labo d’identifier avec certitude un animal « porteur ».

Ce qu’il faut retenir, c’est que si AC il y a, exposition de l’animal à M. bovis il y a eu aussi… Selon la concentration d’AC présents, cette exposition sera classée « peu probable », « ancienne » ou « récente ». Le risque de contagion est proportionnel à ce dosage. L’interprétation des résultats doit être faite au cas par cas ; les vétérinaires de l’Arsia sont à la disposition du vétérinaire de l’exploitation pour évaluer ensemble les dispositions à prendre.

Ceci concernait l’analyse du sang. On peut aussi rechercher le germe lui-même, via une analyse PCR, en prélevant par écouvillonnage les deux cavités nasales et/ou les organes génitaux (vagin ou fourreau). Résultat positif ? L’animal est porteur et excréteur du germe, donc dangereux. Résultat négatif ? Certes favorable… mais sans garantie à 100 %, surtout si le bovin est séropositif.

Contamination, d’une ferme ou d’un animal à l’autre

De ferme en ferme, c’est d’abord et surtout l’introduction ou réintroduction d’un animal infecté, à la suite d’un achat, d’une foire ou d’un concours.

L’utilisation du lait et du colostrum de l’élevage voisin est déconseillée.

La contamination par le sperme est un risque décrit dans la littérature. Mais au labo de l’Arsia, M. bovis n’y a jamais été identifié. En réalité, la transmission par un taureau est liée à la saillie via les sécrétions du fourreau plutôt que par insémination artificielle.

Enfin, comme pour nombre de germes, l’hygiène stricte au niveau des supports « inanimés » tels que bottes, bétaillère, seaux, … mérite toute l’attention des intervenants, éleveur, marchand, vétérinaire, visiteur ...

D’animal à animal, la transmission la plus franche est par contact direct, de mufle à mufle.

Le lait est hélas un facteur de risque énorme pour veaux, notamment le lait écarté ; s’il contient des cellules, ce peut précisément être lié à la présence de M. bovis. L’hygiène au moment de la traite est primordiale.

S’il présente de nombreux avantages en élevage de veaux, le distributeur automatique de lait (DAL) est hélas en termes de contamination un gros problème. Nous avons rencontré plus d’un élevage où les ennuis ont commencé peu après son installation… et cela ne concerne pas que ledit germe.

Attention au colostrum : n’en privez pas vos veaux. Dans le cadre d’une étude menée à l’Arsia, le laboratoire y a exceptionnellement détecté M. bovis, alors que les échantillons provenaient de fermes infectées. De surcroît, le résultat n’était pas lié au statut maternel séropositif ou séronégatif. Nous le considérons donc comme un risque de transmission tellement faible que priver un veau du colostrum issu de la ferme, serait autrement plus dommageable pour son immunité. Toutefois, il convient de rester prudent lorsque l’exploitation est touchée par des mammites qui pourraient être la conséquence d’une mycoplasmose.

Quid de la vaccination ?

A ce jour, il n’y a pas de vaccin commercialisé en Belgique, au contraire de la France. Mais l’Arsia produit un autovaccin, à partir de la souche de l’élevage infecté. La souche d’un élevage n’est en effet pas celle de l’élevage voisin, vu la haute possibilité de mutations décrite plus haut. Multipliée sur bouillon, la culture du mycoplasme est inactivée puis conditionnée pour être administrée aux bovins.

Les premiers retours auprès de 50 éleveurs ayant recouru à l’autovaccination ont été analysés. La démarche et son efficacité ont été « notées » 8 sur 10 par les participants à notre enquête. L’innocuité de l’autovaccin est entière, si ce ne sont parfois des gonflements au point d’injection, certes peu esthétiques mais sans gravité.

Ce n’est pas toutefois pas LA solution miracle. Il faut réfléchir aussi globalement et avec l’aide de votre vétérinaire au management de l’élevage, à la présence éventuelle d’autres germes qui par effet immunodépressif favorisent la mycoplasmose bovine et enfin aux carences alimentaires défavorables à une bonne immunité.

La combattre

Le principe du plan de lutte est de proposer une aide aux éleveuses et éleveurs qui le demandent, donc sur base volontaire.

Il est destiné aux exploitations qui souhaitent réduire la circulation de M. bovis, donc ouvert à toutes et tous mais en priorité pour des élevages dont les bovins présentent des signes cliniques ou éventuellement qui (auto)vaccinent déjà.

Les conditions d’accès reposent soit sur une analyse PCR soit sur une culture, revenue positive au cours des trois dernières années.

A ce jour, il n’y a pas de vaccin commercialisé en Belgique. Toutefois, l’Arsia produit un autovaccin à partir de la souche de l’élevage infecté.
A ce jour, il n’y a pas de vaccin commercialisé en Belgique. Toutefois, l’Arsia produit un autovaccin à partir de la souche de l’élevage infecté. - P-Y L.

Un bilan initial

Un bilan global devrait comprendre la prise de sang de tous les bovins de plus de 6 mois pour une analyse Elisa.

Un dépistage photo de M. bovis est préconisé sur 9 veaux de moins de 3 mois et 9 veaux entre 3 et 6 mois, via un dosage sanguin des AC et les écouvillons des 2 naseaux, pour analyse PCR et culture, avec recours aux pools en labo pour réduire les frais.

La PCR portera aussi sur d’autres germes respiratoires.

Si l’exploitation vaccine déjà et qu’elle souhaite adhérer au plan de lutte, le bilan initial correspond en fait au premier bilan effectué lors du plan de vaccination, basé sur des analyses PCR et non des prises de sang.

Choisir sa stratégie

Lors d’une visite d'exploitation annuelle, les résultats sont analysés et expliqués avec le vétérinaire de l’exploitation et l’éleveur. La stratégie de lutte et les mesures de prévention sont alors discutées. Selon les résultats : face à une prévalence de plus de 10 %, on s’oriente vers la vaccination générale ; face à une prévalence de moins de 10 %, on se dirige soit vers un plan de réforme soit vers un plan de vaccination, selon la décision de l’éleveur.

la vaccination

Tous les bovins doivent être vaccinés pour espérer une diminution de la circulation du germe et de la contamination, selon un schéma vaccinal précis. Ceci fait, un suivi annuel est assuré, lequel consiste à tester tous les bovins ou en partie (à définir dans le plan de lutte) en PCR par écouvillons et avec pool des échantillons. Par ailleurs, les échantillons prélevés dans le cadre du « maintien IBR » seront exploités aussi pour le plan de lutte M. bovis, ce qui réduit la charge des prélèvements. Le schéma est répété jusqu’à ce qu’on obtienne 2 bilans consécutifs entièrement négatifs. Ce niveau atteint donne le feu vert pour passer sur une vaccination dégressive, en ne vaccinant plus que les bovins déjà vaccinés.

– la réforme

Un bilan annuel est effectué pendant 5 ans. Les résultats de 2 bilans annuels consécutifs sont analysés pour décider des bovins à réformer.

Si tous les tests Elisa sont négatifs, le troupeau peut obtenir un statut « favorable ».

– les achats

La quarantaine doit être respectée. Pour la vente , sont demandés 2 tests Elisa et PCR, via un kit vente ou au moins pour la valence M. bovis, entre 15 et 25 jours avant l’achat. A l’achat aussi, 2 tests Elisa et PCR, et l’animal reçoit sa première dose d’autovaccin, s’il est en plan de vaccination. Enfin à nouveau 2 tests Elisa et PCR, à la seconde prise de sang IBR.

Le tout doit être idéalement négatif sauf éventuellement l’Elisa de la seconde prise de sang IBR, compte tenu de la vaccination réalisée à l’arrivée du bovin dans la ferme.

Un investissement

Le graphique ci-après représente les coûts engendrés par la maladie, comparés aux coûts engendrés par la maladie combinée à la vaccination seule, selon une moyenne annuelle établie sur la totalité des coûts générés sur 5 ans. Le graphique n’est donc pas totalement correct puisque les coûts, la première année, devraient être beaucoup plus importants pour diminuer les années suivantes ; mais dans un souci de simplicité, nous avons représenté uniquement le coût moyen.

Graph 1: Coût de la maladie suivie par un plan de lutte comparé au coût de la maladie non suivie.
Graph 1: Coût de la maladie suivie par un plan de lutte comparé au coût de la maladie non suivie.

On constate que la mise en place du plan de lutte est vite rentabilisée. Il s’agit ici d’un investissement pour le contrôle de la maladie afin de mettre en place, autant que faire se peut, de bonnes pratiques de biosécurité et de pouvoir déterminer quand on peut cesser la vaccination. En effet, si la vaccination seule permet déjà d’obtenir de bons résultats sur le terrain, cette dernière a également un coût ; sans monitoring, il est difficile de préciser une date de son arrêt. Le plan de lutte, lui, le permettra.

Le plan doit donc être considéré comme un investissement gagnant sur le long terme, si le choix de la lutte s’était porté sur la vaccination.

D’après l’Arsia Infos

A lire aussi en Bovins

Voir plus d'articles