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La production d’aliments pour animaux a enregistré un recul de 6% en 2022

Les différentes crises que nous avons traversées en 2022 n’ont pas été sans conséquence pour le secteur de l’alimentation animale. Il en résulte une baisse de 6 % de la production nationale d’aliments pour animaux ; celle-ci s’établissant à 6,7 millions de tonnes. Ceci dans un contexte de hausse généralisée des prix, impactant autant les producteurs d’aliments que les éleveurs…

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À l’occasion de l’assemblée générale de la Belgian Feed Association (BFA), qui s’est tenue le 27 avril, Dirk Van Thielen et Katrien D’hooghe, respectivement président et managing director de l’association, sont revenus sur les dossiers chauds auxquels les fabricants d’aliments pour animaux ont été confrontés aux cours de l’année 2022. Quelques chiffres clés ont également été dévoilés, afin de mieux comprendre la situation.

Une année émaillée de crises

En 2021 déjà, Dirk Van Thielen préfaçait une année 2022 peu favorable au secteur de l’alimentation animale. Un scénario qui s’est effectivement confirmé… « Les fabricants d’aliments pour animaux ont été confrontés à plusieurs crises. Le conflit russo-ukrainien, la hausse record des prix des matières premières, l’incertitude entourant, en Flandre, le dossier de l’azote, la grippe aviaire, la crise énergétique… ont ébranlé l’ensemble du secteur agroalimentaire. Et les effets en sont, bien sûr, visible chez nous également », détaille-t-il.

Et cela se traduit dans les chiffres, tant en Belgique qu’à l’échelle européenne. « Au niveau mondial, la quantité d’aliments pour animaux produite l’année dernière est à peu près similaire à ce qui a été observé en 2021, à savoir 1,266 milliard de tonnes. Il s’agit principalement d’aliments pour poulets de chair. En Europe, la production a, elle, reculé de 4,67 % pour atteindre 263,232 millions de tonnes », éclaire Katrien D’hooghe.

La Chine demeure le premier producteur mondial d’aliments pour animaux, avec 260,739 millions de tonnes. Mais c’est aussi le plus gros producteur de viande porcine : pas moins de 45 % de la production mondiale, en 2021. L’Espagne, premier producteur européen, se classe septième à l’échelle mondiale. Sa production s’est effondrée de 12,85 % en 2022, principalement en raison de la grave crise sanitaire que traversent ses élevages porcins, affectés par le syndrome dysgénésique respiratoire porcin.

Avec une production de 6,7 millions de tonnes, la Belgique arrive en septième position à l’échelle de l’Union européenne. « Ce gain d’une place par rapport à 2021 ne résulte pas d’une hausse de la production mais du fait que le Royaume-Uni ne figure plus dans les statistiques de l’UE », clarifie immédiatement Mme D’hooghe.

Recul de 6 % de la production nationale

L’analyse des chiffres témoigne de la pression qui règne dans le secteur de l’alimentation animale. En 2022, l’association a perdu cinq membres (131, contre 136 un an plus tôt). La tendance a l’érosion, bien que relativement lente, se poursuit. Presque tous les producteurs d’aliments pour animaux opérant en Belgique sont membres de la BFA.

À l’heure actuelle, 2 % des membres de l’association (c’est-à-dire deux ou trois entreprises fabriquant plus de 500.000 t/an) s’adjugent un quart de la production totale. Mais on retrouve encore de nombreuses « petites » entreprises, généralement familiales, dans le secteur. 72 % des membres de la BFA, dont la production annuelle est inférieure à 50.000 t, représentent 16 % du volume produit.

Le chiffre d’affaires total du secteur est passé de 5,5 à 6,9 milliards d’euros en 2022. « Cela résulte, de toute évidence, de la forte augmentation des prix des matières premières et de l’énergie, qui s’est traduite par une hausse des prix des aliments pour animaux. Toutefois, ce chiffre ne livre aucun renseignement quant à la rentabilité de nos membres », souligne-t-elle.

En 2022, la production d’aliments pour porcs a fléchi de 8,7 % alors que les baisses  sont moins importantes du côté des aliments pour bovins (-2,2 %) et volailles (-1,9 %).
En 2022, la production d’aliments pour porcs a fléchi de 8,7 % alors que les baisses sont moins importantes du côté des aliments pour bovins (-2,2 %) et volailles (-1,9 %). - AV

La situation se manifeste d’ailleurs par un recul des volumes produits. Ainsi, en 2022, les membres belges de la BFA ont produit 0,4 million de tonnes de moins qu’en 2021. La production nationale s’élève ainsi à 6,7 millions de tonnes, contre 7,1 millions de tonnes un an plus tôt, soit une baisse de 6 %. « Il s’agit du plus bas niveau atteint depuis 2011… »

Enfin, en 2022 toujours, la Belgique a importé 1,6 million de tonnes d’aliments pour animaux et en a exporté 1,3 million de tonnes. 38 % des denrées exportées sont destinés à la France et 23 % aux Pays-Bas.

Moins de porcs… moins d’aliments !

Si l’on s’attarde sur la production par type d’aliments, on constate que la répartition est quelque peu différente dans notre pays que ce que l’on observe à l’échelle mondiale. « Traditionnellement, les aliments pour porcs représentent plus de la moitié de la production belge. Par conséquent, si les éleveurs porcins traversent une mauvaise passe, cela se répercute rapidement sur le secteur de l’alimentation animale… », explique Katrien D’hooghe.

À titre d’exemple, l’accord sur l’azote conclu par le gouvernement flamand le 10 mars dernier comporte de nombreuses incertitudes, mais il conduira sans aucun doute à une réduction du cheptel porcin flamand. L’objectif de réduction de 30 % qui a été annoncé a un effet direct sur la production belge d’aliments pour animaux.

L’incertitude qui a régné en Flandre durant plusieurs mois, toujours au sujet de l’azote, ainsi que les incertitudes observées sur le marché de la viande porcine ont d’ailleurs entraîné un fléchissement de la production d’aliments pour porcs de 8,7 % en 2022. Du côté des autres espèces, les replis sont plus légers : -2,2 % pour les aliments pour bovins et -1,9 % pour les aliments pour volailles. La part de l’alimentation porcine passe ainsi de 52 % en 2021 à 50,2 % en 2022. La part des aliments pour bovins est de 23,3 % et celle des aliments pour volailles de 18,9 %.

« Les prix des aliments pour chevaux ont également bondi. Cela a incité de nombreux amateurs à se tourner davantage vers les fourrages grossiers. En 2022, la production d’aliments divers, y compris les concentrés pour chevaux, a diminué de 3,9 %. »

Cette situation baissière se retrouve également chez les 21 producteurs de prémélanges et d’additifs de la BFA. En 2022, la production de ces derniers a chuté à 225.304 t, contre 243.000 t en 2021 et même 269.000 t en 2020.

Des prix en hausse de 31 %

En sa qualité de président de l’association, Dirk Van Thielen s’est attardé sur l’évolution des prix des matières premières et des aliments pour animaux. « Tout le monde se souvient certainement de la hausse fulgurante des prix des matières premières après le début de la guerre en Ukraine », débute-t-il, graphique à l’appui. Sur celui-ci (figure 1), les pics enregistrés au printemps 2022 sont clairement visibles. Et d’ajouter : « Cette situation a entraîné une hausse fulgurante des prix des aliments pour animaux : +31 % par rapport à 2021. Depuis, les prix des céréales, du maïs et du colza sont retombés à leur niveau d’avant-guerre. Seule exception : le tourteau de soja. Cela s’explique par une très mauvaise récolte argentine ».

Figure 1: évolution du coût moyen pondéré des matières premières entre septembre 2020 et mai 2023 (BFA).
Figure 1: évolution du coût moyen pondéré des matières premières entre septembre 2020 et mai 2023 (BFA).

Si la moyenne pondérée des prix des produits de base, toutes espèces confondues, est revenue aux alentours des niveaux d’avant-guerre (environ 350 €/t, voir figure 1), elle reste considérablement plus élevée qu’à l’automne 2020. Par rapport à septembre 2020, les prix actuels ont gagné environ 100 €/t. Entre le début et la fin de l’année 2022, la différence est de 50 €/t.

Et du côté de la rentabilité ?

Étant donné que chaque augmentation de 10 €/t du prix des aliments pour animaux entraîne une hausse du prix de revient de 3 cents/kg de porcs vivants et de 1,7 cent/kg de poulets de chair, la rentabilité d’un grand nombre d’éleveurs a été mise à l’épreuve en 2022. « L’année dernière, l’augmentation du prix de l’alimentation a été de 16 cents/kg pour les porcs et de 17 cents/kg pour les poulets de chair », constate Dirk Van Thielen.

« Il y a toutefois un point positif. Les prix des aliments – heureusement pour nos clients ! – suivent déjà la tendance baissière des prix des matières premières et de l’énergie. Si nous suivons cette tendance jusqu’en avril 2023, l’augmentation par rapport à janvier 2022 est encore de 4 cents/kg pour les porcs et de 13 cents/kg pour les poulets de chair. L’impact sur les poulets est réduit en raison de leur ration plus riche en protéines, c’est-à-dire en tourteaux de soja, dont le prix est resté élevé plus longtemps. »

Des perspectives positives

Heureusement, 2022 n’a pas été qu’une année de morosité. « Notre secteur a connu des évolutions positives, comme l’augmentation des prix de la plupart des produits finis et le niveau élevé que ceux-ci ont atteint. Les prix du lait ont été bons, ceux des poulets de chair supérieurs à la moyenne et ceux des œufs ont battu tous les records », enchaîne-t-il.

« Les éleveurs, mais aussi tous les maillons œuvrant avant et après eux, doivent être rentables de manière durable et pérenne. Nous estimons que 2023 sera une bonne année pour l’élevage de porcs et de volailles et ce, en raison d’un déclin de l’offre. Les prix du lait baissent, mais heureusement ceux des aliments pour animaux suivent la même tendance et certains autres coûts sont à nouveau sous contrôle. »

Toutefois, les consommateurs devront composer avec des prix alimentaires structurellement plus élevés. « Nos responsables politiques peuvent faire preuve de créativité pour amorcer la transition du modèle agricole, mais les prix des aliments resteront plus élevés, c’est un fait ! Les attentes et exigences fortes auxquelles doit faire face le monde agricole ont un prix. Et cela, les hommes et femmes politiques doivent l’expliquer aux consommateurs. »

La rentabilité devra également s’améliorer dans le secteur de l’alimentation animale. « Tout le monde est prêt à travailler de manière encore plus durable, à tenir davantage compte de normes climatiques et environnementales plus strictes, à répondre aux souhaits des consommateurs et détaillants… mais cela doit être rémunéré », argumente encore le président de la BFA.

Gagner en durabilité

Le secteur de l’alimentation animale souhaite contribuer à rendre la chaîne de production animale plus durable, en intervenant sur les leviers qui se présentent à lui. Des objectifs clairs en la matière ont d’ailleurs été fixés dans la Charte de durabilité 2020-20230 de la BFA.

« À ce titre, notre objectif de réduire de 75 % la quantité d’antibiotiques dans les aliments médicamenteux d’ici 2024 a déjà été atteint. Grâce aux efforts consentis par l’ensemble des acteurs, nous avons même atteint une exceptionnelle réduction de 84 % en 2022. Notre objectif est de ne plus produire d’aliments médicamenteux à base d’antibiotiques d’ici à 2030 », commente Katrien D’hooghe.

En ce qui concerne la réduction des émissions de méthane dans les élevages bovins à l’horizon 2030, la liste des mesures approuvées en matière d’alimentation animale est passée de 2 à 7 pour les producteurs laitiers en 2022, tandis que pour les producteurs de viande, une mesure a été approuvée. « Les années à venir nécessiteront des efforts supplémentaires de la part des différents partenaires de la chaîne pour atteindre les objectifs fixés. »

Mme. D’hooghe a aussi évoqué la nouvelle législation européenne visant à lutter contre la « déforestation importée ». « Contrairement à d’autres acteurs mondiaux, nous devrons être en mesure de prouver que le soja, par exemple, ne provient pas de terres récemment déboisées. Nos initiatives et certificats actuels ne suffiront plus. Cela entraînera une augmentation des prix des matières premières et une position concurrentielle inégale », déplore-t-elle. Cela intervient alors que le secteur belge de l’alimentation animale tente déjà de réduire sa dépendance au soja non européen et a de plus en plus souvent recours à des sources alternatives de protéines.

Croire en l’avenir de l’élevage

Dirk Van Thielen appelle tous les membres de la BFA ainsi que les autres acteurs de la chaîne agro-alimentaire à soutenir les initiatives durables, mais aussi à veiller à la mise en place des compensations financières adéquates. Et de conclure : « Notre association croit fermement en un élevage durable et tourné vers l’avenir. Soyons fiers de notre élevage et chérissons-le ! Espérons qu’un jour nos concitoyens se rendront compte que notre production animale est l’une des plus durables ».

D’après Anne Vandenbosch

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