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Deux symbiotiques distribués dans l’aliment des truies aux effets bénéfiques pour les mères et leurs porcelets

Dans le cadre du projet PorcBiota, le Cra-w et ses partenaires se sont attachés à apporter une alternative aux antibiotiques sous forme d’un symbiotique administré via l’alimentation des truies en fin de gestation et pendant l’allaitement des porcelets. Objectif : étudier son effet sur la qualité du colostrum et du lait, la composition des communautés microbiennes bénéfiques, l’expression des gènes liés à la santé intestinale, les performances et le comportement des porcelets en maternité et durant le post-sevrage.

Temps de lecture : 8 min

L a rentabilité du secteur de l’élevage dépend particulièrement de l’efficacité alimentaire et de la santé des animaux. Chez les porcelets à la naissance, les systèmes immunitaire et digestif sont immatures. Ainsi l’ingestion du colostrum et ensuite du lait ainsi que la colonisation bactérienne du tractus digestif sont cruciales pour l’établissement d’un microbiote eubiotique et une bonne santé au début de la vie.

Ensuite, au moment du sevrage, les porcelets vont subir beaucoup de stress sur une période courte, marquée par des changements radicaux tels que la séparation avec la mère avec l’abandon de la tétée, la découverte d’un nouveau régime, le changement d’environnement et le mélange avec des porcelets d’autres portées.

Dès lors, en début de post-sevrage, les porcelets courent un risque accru d’infections intestinales qui peuvent causer d’importantes pertes dans la production porcine. Dans le passé, l’ajout de ZnO, de CuSO4 ou d’antibiotiques dans les aliments était utilisé pour prévenir les problèmes de santé et favoriser la croissance, mais ces produits contribuent à l’apparition d’une résistance bactérienne et à la pollution de l’environnement et ne sont plus autorisés.

En conséquence, des alternatives aux antibiotiques sont sous les projecteurs de la recherche. Les probiotiques et les prébiotiques sont largement explorés pour leur potentiel à améliorer la santé intestinale. Leur combinaison en symbiotique pour les effets synergiques a aussi augmenté en popularité.

Ainsi, la promotion d’un microbiote bénéfique via la supplémentation alimentaire est une stratégie pour stimuler la santé intestinale et réduire l’incidence des infections. La fermentation par le microbiote des nutriments non digérés conduit à la production d’acides gras à chaîne courte (AGCC), tels que les acides acétique, propionique et butyrique qui constituent des sources d’énergie pour l’hôte. L’acide butyrique est considéré comme le plus bénéfique des AGCC, car il constitue la source d’énergie préférée des colonocytes, favorise la fonction de barrière intestinale et présente des effets anti-inflammatoires. La fermentation des protéines résulte en la production d’acides gras à chaîne ramifiée (AGRC), qui sont par contre, indésirables en raison de leur nature pro-inflammatoire. Des communautés bactériennes spécifiques comme les bifidobactéries et les lactobacilles ont été associées à des avantages pour la santé intestinale de l’hôte, tels que la protection physique directe contre les agents pathogènes avec la compétition pour la nourriture et l’espace, et l’alimentation croisée des bactéries productrices de butyrate. Enfin, l’idée d’une programmation maternelle des porcelets a été démontrée dans des études sur l’alimentation, mais les preuves du transfert maternel des bénéfices pour la santé aux porcelets par la supplémentation alimentaire des truies sont encore nécessaires.

24 truies et 96 porcelets sous la loupe

L’expérimentation s’est déroulée au Centre wallon de recherches agronomiques sur 24 truies Landrace suivies en fin de gestation et en allaitement avec leurs porcelets et à Gembloux Agro-Bio Tech sur 96 de leurs porcelets en post-sevrage (PS) pendant 5 semaines. Les truies ont reçu le même aliment témoin de gestation et ensuite de maternité. Une supplémentation symbiotique (Syn) dans l’aliment des truies a commencé le 80e jour de gestation et duré jusqu’à la fin de l’allaitement en maternité pour les groupes expérimentaux Syn1 (9 truies) et Syn2 (6 truies) comparativement au groupe témoin (9 truies). La supplémentation a été réalisée manuellement dans l’auge des truies avec un repas (« top feeding »). Syn1 est composé de deux probiotiques à savoir, Clostridium butyricum et Enterococus faecium . Syn2 est composé de trois probiotiques à savoir, le même Enterococus faecium, mais combiné avec Bifidobacterium animalis lactis Intelicaps et Bifidobac terium crudilactis Intelicaps . Deux prébiotiques sont associés à chacune de ces combinaissons : FOS (Inuline) et -Glucans. Les porcelets ont suivi un seul et même schéma d’alimentation, quel que soit le traitement alimentaire de leur mère.

Durant l’expérience, le poids et l’embonpoint des truies, le poids des porcelets, l’ingestion des truies et l’ingestion des porcelets en PS ont été mesurés. Des échantillons de colostrum puis de lait, de matière fécale des truies en allaitement et des porcelets non sevrés, d’iléon et de colon des porcelets avant sevrage et en fin de PS ont été prélevés et conditionnés pour des analyses. La consistance des matières fécales des porcelets a été évaluée selon un scoring de 0 à 4 pour chaque loge durant l’allaitement et durant le PS. De même, les comportements ont été déterminés par observations de l’activité des porcelets en référence d’un éthogramme 2 fois par semaine durant toute l’expérience.

Les teneurs en protéines, matière grasse et immunoglobulines ont été déterminées dans le colostrum et le lait. Les Lactobacillus spp., les Bifidobacterium spp., les Clostridium clusters IV et XIVa , les bactéries totales ainsi que l’abondance du gène de la butyryl-CoA : acétate-CoA transférase ont été quantifiées par PCR dans les matières fécales des truies et des porcelets. De même, le lactate et les acides gras volatils (AGV) à chaîne courte (AGCC : acétate, propionate, butyrate) et à chaîne ramifiée (AGCR : i-butyrate, i-valérate et valérate) ont été analysés et quantifiés. Un traitement statistique adéquat a été mis en œuvre pour les différentes données.

 

Probiotiques, IgG, AGCC, performances et comportement

Les résulats permettent de confirmer la présence de probiotiques pour les souches supplémentées à chaque groupe dans les fèces des truies avant mise bas. De même, le transfert maternel du microbiote aux porcelets est confirmé par la présence des probiotiques supplémentés aux truies dans les matières fécales des porcelets quelques jours avant le sevrage.

Le colostrum présente des teneurs en matière grasse et IgA plus faibles pour Syn1 et une teneur en protéines plus élevée pour Syn2. Le lait montre une teneur en matière grasse plus élevée pour Syn2. Aucune différence significative n’est constatée pour les taux d’IgG dans le colostrum et le lait par rapport au contrôle.

Quant aux communautés microbiennes, Syn1 augmente les bifidobactéries chez les truies et tend à augmenter aussi les lactobacilles. Par contre, Syn2 diminue significativement les communautés productrices de butyrate. Chez les porcelets, les communautés microbiennes ne diffèrent pas significativement entre les groupes, mais l’expression du gène ButyrylCoA : AcetylCoA transférase montre une tendance nettement plus élevée chez les porcelets des truies supplémentées avec le Syn2.

Dans les matières fécales des truies, la quantité d’AGCC est plus élevée la troisième semaine de lactation que 7 jours avant la mise bas, mais aucune différence n’a été observée entre les traitements. Par contre, Syn2 montrent une augmentation de l’acétate et des AGCR, une tendance à l’augmentation du propionate et une augmentation des quantités totales des AGCC dans les matières fécales des porcelets.

L’expression des gènes des tissus intestinaux des porcelets a montré qu’avant sevrage, la supplémentation des truies avec Syn1 et Syn2 a provoqué une diminution de la fonction de barrière dans l’iléon. Par contre, Syn2 a déclenché une reconnaissance bactérienne accrue dans le colon. Une semaine après-sevrage, Syn1 a induit des effets pro-inflammatoires dans l’iléon et une reconnaissance bactérienne dans le colon. En fin de PS, Syn1 et Syn2 ont montré une fonction de barrière et une réponse pro-inflammatoire dans l’iléon et une réponse anti-inflammatoire dans le côlon qui sont bénéfiques pour la santé des porcelets.

En matière de performances, Syn1 a tendance à améliorer le poids des porcelets à la naissance, aux 5e et 12e jours et Syn2 a tendance à améliorer le poids des porcelets en fin de PS.

Graph. 1: Evolution du poids des porcelets en période d’allaitement puis de post-sevrage.
Graph. 1: Evolution du poids des porcelets en période d’allaitement puis de post-sevrage.

En cours d’allaitement, les porcelets Syn2 montrent une augmentation de la présence de diarrhées, alors qu’en PS, les porcelets Syn1 et Syn2 montrent une présence plus faible de diarrhées comparativement au contrôle. Les proportions de comportements positifs et de curiosité des porcelets ont été supérieures pour Syn1 en allaitement et PS et supérieures pour Syn2 en allaitement.

Pas d’augmentation significative de leur poids mais des effets positifs sur la santé des porcelets

On retiendra que Syn1 a favorisé l’enrichissement des communautés microbiennes bénéfiques chez les truies en fin de gestation. De même, le transfert maternel aux porcelets allaités, des probiotiques donnés aux truies en gestation, a été démontré. Syn2 a augmenté les communautés de bactéries productrices de butyrate et la production de métabolites bactériens bénéfiques chez les porcelets. Les symbiotiques donnés aux truies en fin de gestation et en lactation ont eu des effets sur la composition du colostrum, mais cela ne s’est traduit pas par des changements significatifs sur les performances des porcelets en allaitement. Par contre, la présence de diarrhées en post-sevrage a été réduite de manière significative. De même, les proportions de comportements positifs, de curiosité et d’exploration en allaitement et post-sevrage ont augmenté. Une augmentation de ces comportements correspond avec un meilleur bien-être des porcelets, mais conduit à des dépenses d’énergie supérieures.

Les symbiotiques apportés aux truies en fin de gestation et en maternité n’ont pas amélioré significativement le poids des porcelets au terme de l’allaitement et des cinq semaines de post-sevrage mais ont eu des effets bénéfiques pour la santé et le bien-être des porcelets.

Ces résultats ont fait l’objet d’une publication aux 55es Journées de la Recherche Porcine à Saint-Malo (France) début 2023.

D’après José Wavreille

Cra-w

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