R. Vande Walle, abatteur et boucher, ne croit pas à la production de masse!
À Kluisbergen, entité flamande située juste au nord de l’entité wallonne de Mont-de-l’Enclus, la boucherie Vande Walle combine à la fois un petit abattoir et une boucherie. Selon son propriétaire, Ruben Vande Walle, les consommateurs se détournent de la production en masse d’une viande uniforme. Il connaît personnellement les producteurs et choisit les animaux qui passent à l’abattoir.


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La septième génération
La famille pratique la boucherie depuis très longtemps, puisque Pieter Vande Walle s’était installé comme abatteur à Berchem en 1777. Berchem est l’une des 4 communes de l’actuelle Kluisbergen. L’entité fait partie des Ardennes flamandes.
Le petit-fils de Pieter, Louis, a démarré la boucherie en 1856, et ses descendants ont poursuivi la tradition familiale. On en est aujourd’hui à la septième génération. Ruben, qui a 39 ans, peut toujours compter sur l’appui de son père Paul.
La boucherie est installée non loin de l’église et la clientèle déborde du cadre communal. Ruben : « Notre clientèle compte 10 à 15 pourcents de Wallons. Mais on reste souvent entre soi, les Wallons chez les Wallons, les Flamands chez les Flamands. Sur la base de la proximité, un tiers de notre clientèle pourrait venir de Wallonie. À nous d’y penser… »
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Les moutons viennent de l’élevage personnel
Auparavant, les animaux vivaient juste à la sortie du village, mais tout changea à la suite du dépistage d’un cancer chez son père Paul. Le médecin ne lui donnait plus que quelques mois à vivre. Paul songea à réaliser une succession paisible pour ses enfants. C’est ainsi que les propriétés furent vendues, et l’héritage fut réparti entre les enfants.
Contrairement aux prévisions pessimistes de son médecin, Paul vit toujours, il est en bonne santé, et le médecin ne comprend toujours pas ce miracle médical.
Entre-temps, un des terrains à bâtir avait été vendu, et un supermarché Delhaize y a été installé. Critique vis-à-vis de la grande distribution, Il soupire : « Ce n’était vraiment pas l’objectif. On dit, par exemple, que Colruyt est un excellent employeur, mais on oublie de signaler combien d’épiceries ont disparu… »
Des acheteurs sans respect
Ruben déplore la façon dont les supermarchés traitent les fournisseurs de viande. Ceux-ci vivent sur le fil du rasoir. La pression sur les prix ne cesse jamais, et les grands abattoirs, qui fournissent de grands volumes, sont obligés de travailler dans le stress. Cela peut durer un certain temps, mais à la fin, arrive un moment où c’est au détriment de la qualité du travail. Les scandales dans le monde de la viande sont, pour lui, au moins partiellement, la faute de la manière dont les supermarchés fonctionnent, toujours au sou près. Et leur façon de procéder est facilitée par l’apathie des autorités. Il trouve que celles-ci sont trop peu loyales et ont peu le sens de la justice : « Un bon abattoir comme Adriaens fait partie de Veviba, mais il n’a rien fait de contraire. Pourtant, il est aussi victime du scandale. »
Des tonnes de viandes de Veviba ont été jetées alors que, vraisemblablement, rien n’était en faute, à part le fait qu’un boucher comme Ruben trouve que c’était une viande uniforme et moins goûteuse qu’une viande venant d’un artisan boucher.
Les médias n’arrangent rien, estime-t-il : « Tout est monté en épingle et les médias sont sans pitié, sans aucun sens de la nuance. Louis Verbist, le propriétaire de Veviba, a fait des erreurs, mais il a quand même fait de bonnes choses. L’affaire doit être mise au clair, mais faut-il la mettre par terre ? Les autorités devraient aussi analyser leurs propres comportements. Elles n’ont rien fait pour empêcher cette pression incessante sur les prix, et cela fait qu’à présent, il n’y a presque plus que des grands abattoirs industriels »

L’abattoir ne peut pas être qualifié d’industriel. Chaque semaine, deux personnes qualifiées abattent 6 à 7 porcs ainsi que 5 à 10 moutons sous la supervision du boucher. Pour les bovins, la cadence est plutôt de deux à trois fois par mois. Au moins 70 % de la viande en boucherie provient de l’abattoir. Le reste, la volaille et la viande de veau, est acheté à l’extérieur pour assurer l’assortiment normal de la boucherie.
La maison offre du travail à 4 personnes, dont un cuisinier qui réalise les préparations à base de viande. Chaque lundi, deux spécialistes viennent abattre les animaux. L’épouse de Ruben s’occupe surtout de l’administration. Le père Paul est encore très actif. C’est une affaire familiale, avec une clientèle de proximité, souvent des connaissances, des amis, de la famille. À la boucherie comme dans l’abattoir, chacun se sent responsable de son activité.
La viande qui sort de l’abattoir a, selon Ruben, une meilleure qualité que la viande en provenance des abattoirs industriels, voire d’autres bouchers : « De moins en moins de bouchers sont capables de juger et d’apprécier un animal. La connaissance d’un animal permet de juger quelle viande il va donner. De plus en plus de bouchers achètent des parties d’animaux. Nous devons réfléchir à la valorisation de l’ensemble de la viande d’un animal, donc imaginer des pâtés, diverses préparations, saler et fumer des jambons... »

Pour Ruben, l’abattoir ne serait pas rentable sans le lien direct avec la boucherie : « C’est l’abattoir qui donne une plus-value à la boucherie. » La boucherie tourne bien. Le nombre de bouchers a fortement diminué au cours des dernières années. Seuls les plus forts résistent. Il a une explication à ce phénomène : « Le client moyen veut manger vite, on passe de moins en moins de temps à table. Cela veut dire qu’on va vite acheter quelques paquets de viande au supermarché sans trop réfléchir à la recette à cuisiner. Je trouve cela dommage car bien manger permet aussi de bien agrémenter sa vie, et je pense que cela est dû en partie à un manque de connaissances. »
Avant, les gens avaient toujours l’un ou l’autre membre de la famille qui détenait des animaux et qui les abattait. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les porcs sont détenus dans des bâtiments, et c’est de plus en plus le cas pour les bovins. On ne les voit plus, les animaux sont séparés de la vie normale de la société. En plus, les abattoirs communaux et régionaux ont disparu au profit des usines d’abattage.
Par ailleurs, le comportement d’achat manque d’un certain chauvinisme, estime encore le boucher : « Je pense qu’en Belgique, on doit encore apprendre à se soutenir l’un l’autre. Si j’étais en France, tous les restaurants, dans les environs, commanderaient la viande chez nous. On devrait retenir cette leçon. Pourquoi sommes-nous toujours aussi affairés ? »

Pas du pur Duroc
Mais il ne veut pas de la race pure Duroc : « Je pense que les gens veulent de la viande avec de la graisse et pas de la graisse avec un peu de viande. »
Les bovins sont achetés chez des fermiers dans les environs. Une partie est achetée pour la boucherie, mais les fermiers demandent de plus en plus à abattre des animaux pour leur propre consommation. « Avant, on amenait la plus mauvaise vache. Maintenant, c’est une excellente bête qu’on demande à abattre parce que l’agriculteur désire manger une bonne viande. Le congélateur est là pour la conserver. Ruben : « Il y a de la place pour les deux. Nous abattons pour la boucherie, mais c’est également valorisant de pouvoir travailler directement pour le particulier. Un animal qu’on a nourri avec soin, que nous abattons et qui se retrouvera ensuite dans l’assiette. C’est tout de même ainsi que cela doit être.