Des Belges dans le Limousin (1/2): une série d’échanges qui doit profiter à tous les éleveurs

«  P artis dans la nuit du 14 au 15 juin, les éleveurs ont profité du voyage pour se présenter. Et les horizons de chacun étaient diversifiés. Bien que la plupart des participants soient détenteurs de limousines et éleveurs convaincus, certains ont vu dans ce voyage l’opportunité de s’informer davantage sur ladite race, de confirmer leur choix ou de réfléchir leur diversification, le tout dans une ambiance conviviale.

Ce voyage était empreint de l’entrain habituel, du dynamisme et de l’esprit d’ouverture du conseil d’administration du Herd-book. Si les visites d’élevage sont toujours attractives pour nombre d’éleveurs, la possibilité de visiter le pôle de Lanaud et de participer aux ventes espoirs et RJ (reproducteurs jeunes) en ont animé plus d’un… Et pas que chez les jeunes. Un sondage rapide dans le bus montrait que près de 60 % des participants du voyage n’avaient encore jamais mis le pied à la Mecque de la limousine.

Certains éleveurs, partis seuls de leur côté, ont d’ailleurs retrouvé leurs homologues sur place, préférant la place d’électron libre, leur donnant ainsi la possibilité de se rendre dans les élevages de leur choix à la recherche de nouveaux reproducteurs. Seul bémol : les chaleurs qui allaient devenir de plus en plus caniculaires au fil du voyage.

Premier arrêt : le Gaec Pimpim

Adonis, Trompeur, Prodige, Maréchal… ces noms, quels sélectionneurs limousins ne les a pas déjà entendus une fois ? C’est en Haute-Vienne chez l’un des éleveurs les plus réputés et les plus titrés en concours que le car fait son premier arrêt. Pour certains, nous sommes face au pape de la limousine. Dans le milieu, on ne présente plus Alain Pimpim. Tout le monde a déjà entendu parler de ses géniteurs et de ses mères prolifiques… Plusieurs éleveurs présents ont ou ont eu la génétique de ce Gaec dans leur troupeau.

C’est un élevage d’animaux d’élevage très tardif. Si un homme de la trempe de Pimpim, qui a laissé la place à ses trois filles, a toujours tenu à rester fidèle à sa ligne de conduite en élevage, il est de ceux qui ne croient pas à la génétique sans corne. S’il se rétracte derrière l’exemple des quelques inséminations artificielles (2 !) non concluantes en sans corne, cela semble être davantage une excuse pour ne pas « abîmer » sa génétique qu’un réel essai de diversification.

Toutefois, l’homme, qui a récemment abandonné son mandat d’administrateur au sein du Herd-book français, n’hésite pas à faire des « rappels de sang » de ses meilleurs géniteurs dans ses lignées toutes les 5 à 6 générations pour booster et entretenir les qualités d’élevage qui ont fait sa réputation. Il dispose encore de paillettes de taureaux qui ne sont aujourd’hui plus à l’étable mais qui ont fait l’histoire de l’exploitation.

Toujours actif, l'éleveur fait montre de beaucoup de fierté à l’évocation de ses trois filles reprenant le flambeau et s’inscrivant surtout dans la lignée de son travail. Ce n’est pas demain la veille qu’un Pimpim cassera les codes de la famille.

Lanaud et ses ventes aux enchères

Au retour dans le car, l’excitation est palpable, tant chez les jeunes que chez les éleveurs plus expérimentés. Nous prenons en effet la direction du pôle de Lanaud, où se trouve notamment la station nationale de qualification des animaux limousins, pour l’une des quatre ventes annuelle de reproducteurs. Le catalogue circule, des noms d’animaux fusent, des sommes sont évoquées… Les discussions vont bon train. Ils sont quelques-uns à vouloir faire une bonne affaire à un prix raisonnable. Le lieu ne semble pas laisser grand monde indifférent.

L’entrée dans cet « amphithéâtre », les lumières, le crieur… Les potentiels acquéreurs de reproducteurs sont galvanisés par l’ambiance de cette vente « espoir ». On retiendra que le top price du jour s’est élevé à 6.300 euros pour un taureau de chez Hugues Lemesle, dans le Maine-et-Loire. C’est d’ailleurs un belge qui l’a acheté par l’intermédiaire de la plateforme de vente en ligne.

Une fois les premiers noms intéressants vendus, la tension baisse et le reste de la vente se déroule plus calmement. C’est dans les étables que nous retrouvons les jeunes inspectant les animaux étiquetés « RJ », soit reproducteurs jeunes, préparés pour la vente du lendemain et sur lesquels ils sont plusieurs à avoir jeté leur dévolu. Les éleveurs ayant de la bouteille les accompagnent et leur donnent leurs avis sur la qualité des animaux, sur les détails à prendre en compte… D’éleveur à éleveur, la volonté de transmission est bien réelle.

Pour Béatrice Mailleux – Ghyselen, éleveuse et fille de l’un des premiers éleveurs limousin dans les années 70, c’est positif. « C’est un signe que les jeunes ont compris l’importance d’investir dans la génétique, dans des animaux indexés qui peuvent limiter le risque à l’achat mais aussi améliorer grandement leur élevage. Les jeunes n’investissent pas à la légère et prennent le temps de réfléchir leurs achats. Il est vrai que les bons reproducteurs sont coûteux. Et cela peut profiter en aval à d’autres élevages belges. »

En attendant la vente des reproducteurs jeunes du lendemain, les éleveurs se rendent  dans les étables pour voir sur quels animaux ils pourraient jeter leur dévolu.
En attendant la vente des reproducteurs jeunes du lendemain, les éleveurs se rendent dans les étables pour voir sur quels animaux ils pourraient jeter leur dévolu. - P-Y L.

Vente des Reproducteurs Jeunes

Le lendemain, cap sur Lanaud pour les férus du pôle, bus touristique dans Limoges pour les autres.

Si la petite équipe de Belges est motivée, les sommes déboursées pour les meilleurs animaux RJ sont folles (le Top Price du jour est à 26.100 euros pour un reproducteur de chez Hugues Lemesle acheté par 5 éleveurs). Seuls deux participants au voyage repartiront avec trois animaux (un jeune taureau et deux génisses) achetés en fin de matinée à des prix très raisonnables.

Certains sont sur leur faim et tenteront de profiter des visites restantes pour trouver un ou plusieurs animaux améliorateurs de leur élevage.

C’est dans l’amphithéâtre de Lanaud que se vendent les espoirs et les reproducteurs jeunes dans une ambiance sans pareil.
C’est dans l’amphithéâtre de Lanaud que se vendent les espoirs et les reproducteurs jeunes dans une ambiance sans pareil. - P-Y L.

Au Domaine des étoiles

En route pour le Domaine des étoiles, un domaine agricole faisant partie du Domaine des étangs, un complexe hôtelier de luxe qui s’étend sur près de 1.000 ha et qui comprend notamment 50 ha d’étangs, 350 ha de bois et 430 ha de SAU dédiés au Domaine des étoiles. À noter que ces deux domaines appartiennent à la famille Primat-Schlumberger, 34e fortune de France, active dans l’industrie parapétrolière, et qui, sans doute, verdit ses activités par le biais de l’agriculture.

Mais retour dans l’exploitation et ses 430 ha dont 50 sont dédiés aux cultures de céréales, 80 ha de prairies temporaires et 300 ha de prairies naturelles.

Laurent Leservoisier, responsable d’exploitation depuis 1986, nous explique leur travail. Depuis son arrivée, ils se sont débarrassés de la quasi-totalité de leurs animaux pour repartir d’une souche limousine de chez eux et ont adhéré dans la foulée au contrôle de performance et au Herd-book. Ils ont grandi très vite par l’achat de génisses et vaches pleines inscrites ainsi que l’achat de taureaux espoirs et RJ pour arriver aujourd’hui à 250 mères, soit plus de 600 animaux au total.

À noter que nous sommes sur un système de salarié, le travail en soirée n’y est pas de mise. Les animaux vêlent donc dehors sans aucune surveillance. Un système de sélection à la dure mais qui semble tout à fait convenir à leur mode de fonctionnement. Le troupeau est en effet impressionnant de par sa régularité.

Nous reviendrons plus longuement sur cette exploitation à travers un reportage qui sera prochainement publié.

Au Domaine des étoiles, le cheptel est impressionnant de par sa régularité.
Au Domaine des étoiles, le cheptel est impressionnant de par sa régularité. - P-Y L.

Des visites qui en appelleront d’autres

À mi-parcours, Vincent Rabeux, président du Herd-book se dit très satisfait du voyage et de l’engouement des éleveurs présents. « Ces visites permettent de découvrir différents élevages, des manières différentes de travailler, de conduire des animaux… Je suis certain que l’année prochaine, des participants au voyage retourneront avec d’autres dans les élevages visités pour parler achats d’animaux. C’est profitable pour tout le monde, puisqu’en ramenant ces animaux chez nous, ils pourront faire bénéficier les autres élevages de cette génétique. »

Des dires qui tendent à se confirmer puisqu’ils étaient plusieurs sur le site de réservation du Domaine des étangs pour pouvoir y retourner à plusieurs et peut-être, un jour, y faire affaire.

P-Y L.

Une bête facile à conduire en race pure

Pierre Reilac accompagne les éleveurs français et belges depuis plus de 30 ans.
Pierre Reilac accompagne les éleveurs français et belges depuis plus de 30 ans. - P-Y L.

Très actif dans la zone limousine et Auvergne, Pierre Reilac vend également des animaux destinés à la repro en Belgique.

« En France, la limousine est la race la plus facile à conduire en race pure en termes de main-d’œuvre et la plus économique car elle est rustique. Ses besoins alimentaires sont normaux, par rapport à des races comme la blonde d’Aquitaine. Elle ramène le kilo de viande le moins cher dans l’assiette et c’est le critère économique numéro un. Car derrière le fait de faire l’élevage et vendre des reproducteurs, la finalité reste la viande produite. L’objectif ? Que les animaux fassent de la croissance pour produire des kilos de viande les moins chers possible. C’est un équilibre difficile à trouver entre mettre de la viande sur les carcasses tout en gardant les qualités maternelles. Rappelons que la facilité de vêlage a d’abord été le premier critère de choix en limousin. »

Si les premiers élevages sont apparus chez nous fin des années 60, début des années 70, Pierre a commencé à accompagner des éleveurs belges fin des années 90. « Depuis cette époque-là, l’évolution de la race en Wallonie est « exponentielle ». Cela s’est multiplié très vite. Les éleveurs veulent une bête facile à conduire en race pure voilà pourquoi la Limousine a l’avantage par rapport à d’autres races françaises telles que l’Aubrac ou la Salers. Au début, tous les animaux achetés étaient plutôt type élevage. Parce que le but était d’avoir de la productivité (lisez : sevrer un veau par vache et par an). Aujourd’hui, par rapport à la station de Lanaud où l’on recherche des animaux plus précoces, plus tendance viande, les premiers élevages, c’était plutôt du grand en termes de volume.

Des animaux dociles

et plus soignés

« Aujourd’hui, nous vendons encore quelques taureaux en Belgique. Il y a là beaucoup de qualité et de bons élevages qui valorisent très bien la race et qui viennent plutôt s’approvisionner, faire l’appoint en France, dans le berceau de la race, quand ils ne retrouvent pas assez d’animaux en Belgique. »

Au départ, à l’installation de la race en Wallonie, c’était plutôt dans des élevages bio, où on ne s’en occupait pas trop, avec des animaux plutôt vifs. C’était l’une des caractéristiques de la race. Désormais, le travail de sélection a également porté sur ce critère pour avoir des bêtes très tranquilles. Actuellement le niveau des éleveurs qui arrivent avec de la limousine est bien supérieur au départ car les animaux sont mieux soignés, on s’occupe davantage des troupeaux. Des animaux qui ont plus de poids, plus de croissance, et dont on peut mieux valoriser la viande qu’il y a 40 ans.

P-Y L.

À Lanaud, les Top Prices tendent à se répéter

Avec 2 Top Prices, l’Earl Lemesle avait de quoi se frotter les mains lors de la vente de juin. Sinatra est parti à 6.300 euros chez les Espoirs, Seducteur à 26.100 euros chez les RJ.
Avec 2 Top Prices, l’Earl Lemesle avait de quoi se frotter les mains lors de la vente de juin. Sinatra est parti à 6.300 euros chez les Espoirs, Seducteur à 26.100 euros chez les RJ. - P-Y L.

I nstallé depuis 2006, Hugues Lemesle détient 90 vaches inscrites sur un système de 120 ha dont 100 de prairies. Le reste : céréales, maïs et un peu de méteil ensilage.

« Mon père a commencé à placer les premiers animaux à Lanaud fin des années 90. J’ai suivi ce qu’il avait fait avec sa génétique et on en met 2 à 3 par an maximum. Je les place surtout dans les premières 1ère, 2e et 4e séries (des 4 ventes annuelles de Lanaud, ndlr). »

« On apporte nos meilleurs veaux à la station. Ils sont d’abord sélectionnés sur les critères morphologiques (du bassin, du dos, un maximum de finesse d’os et de bons aplombs) que l’on associe à la génomie. Après, le facteur chance joue pour qu’ils aillent jusqu’au bout (du programme de sélection de Lanaud, ndlr), qu’il ne leur arrive rien, qu’ils fassent de la croissance, qu’ils s’adaptent bien. Après vient la vente aux enchères ! »

« En termes de Top price, ça commence à se répéter. Mon premier : en juin 218. Ce mois me réussit un peu ! » Rires.

« Les premiers fils de ce taureau étaient dans cette série j’ai refait Top price au mois de juin de l’année suivante. Cette année, c’est la première fois que je le décroche dans les catégories espoir et RJ. Et si ce n’est pas le prix le plus élevé, il reste toutefois très intéressant. Nous avons par le passé mangé notre pain noir. Il nous arrive de vendre des veaux espoirs à peine plus cher que la mise à prix (qui est de 2.500 €, ndlr). Il nous est aussi arrivé d’avoir des veaux non qualifiés ou éliminés en cours de contrôle… L’objectif : Que la moyenne de nos ventes soit correcte ! »

Une bonne carte de visite

« Mettre nos veaux à Lanaud ? C’est avant tout se faire connaître. Notre exploitation est à 300 km de la station. Le fait d’y vendre régulièrement nos meilleurs veaux entretient notre renommée, voire l’augmente. Et plus celle-ci est importante, plus nous pouvons vendre des animaux pour la repro. »

« Et pour entretenir notre réputation, nous achetons nos taureaux à la station. Nous nous associons avec deux autres éleveurs de la région afin de nous assurer le choix d’un bon taureau. Près de 80 % de nos reproducteurs sont passés par Lanaud. L’objectif est d’y acheter le meilleur des espoirs ou des RJ tout en respectant notre budget. » Une tactique qui leur permet d’investir dans la crème des reproducteurs. « Nous nous rendons compte qu’à force d’investir, notre retour se fait sur la vente de nos veaux. C’est notre manière d’atteindre des prix plus qu’intéressants. Chez nous 50 % de nos veaux mâles partent à la repro. Globalement, ils restent en France et ceux qui quittent nos frontières sont passés par la station. »

P-Y L.

«Acheter à Lanaud? Pas une finalité en soi!»

Jacques Patteeuw était notamment intéressé par la découverte du pôle de Lanaud  et souhaitait vivre l’ambiance des ventes aux enchères en présentiel.
Jacques Patteeuw était notamment intéressé par la découverte du pôle de Lanaud et souhaitait vivre l’ambiance des ventes aux enchères en présentiel. - P-Y L.

Jacques Patteuw a toujours eu un pied dans l’élevage. D’abord pour aider ses parents, ensuite pour reprendre une ferme à son compte et l’agrandir petit à petit. « J’ai d’abord commencé avec de la Salers, ensuite du Blanc-bleu… J’ai eu quelques charolaises… Je me suis un peu cherché à travers les races mais j’ai trouvé une facilité de vêlage chez les limousines », avoue-t-il. « Par rapport à mon métier de commerçant, cet aspect était un attrait supplémentaire. Cela m’a fait gagner du temps. La limousine représente un bon compromis entre la facilité d’élevage et la rentabilité. Ce sont des bêtes qui me plaisent dans la façon de les tenir, la rusticité et la facilité d’entretien ».

« Quand je me suis lancé avec la race, j’avais des bêtes convenables mais je n’inscrivais pas au Herd-book. » Par la force des choses, et de bons contacts au sein de la structure belge, il a acheté de bons taureaux, a commencé à regarder aux origines et à y être vigilant. « Cela m’a tellement plu que ça a fini par en devenir une passion. »

Découvrir Lanaud en présentiel

« La raison de ma présence ? J’avais déjà acheté des bovins à Lanaud, mais toujours par Internet, jamais en présentiel. J’avais envie de découvrir l’endroit, l’ambiance qui y règne, d’avoir des contacts, mettre des visages sur des personnes qu’on a déjà eues au téléphone… Acheter un bovin après l’avoir vu dans le box et sur le ring, ton opinion sur sa qualité ne peut être que meilleure. »

Élever des reproducteurs aux origines fiables

Pourquoi acheter en France ? « Je n’ai rien contre l’achat de génétique en Belgique. J’ai déjà acheté plusieurs taureaux aux ventes CSB », tient-il à préciser. Toutefois, les données (plus nombreuses qu’en Belgique), la qualité du contrôle de performances français, le marketing… On a toujours en tête qu’aller dans le berceau de la race nous donnera toujours une bête un peu supérieure à ce que l’on peut trouver chez nous. Même si ce n’est pas forcément vrai ! »

« Acheter à Lanaud n’est pas une finalité en soi. Je travaille avec l’insémination. Avoir différentes origines de femelles devrait me permettre d’élever des reproducteurs.trices aux origines fiables et de devoir investir moins. Et par la suite pouvoir revendre un éventuel surplus de reproducteurs… »

P-Y L.

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