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2015: au four

plutôt qu'au moulin

Temps de lecture : 6 min

2015: au four

plutôt qu'au moulin

«Noël au balcon, la planète au tison!». Un ami écologiste revisite volontiers les vieux dictons et ne rate jamais l'occasion de vouloir me convertir à sa religion. Je vais finir par croire comme lui au réchauffement de la Terre, quand je vois à quel point 2015 fut «chaleureux» de partout, au four et au moulin!

Au four international en effet, année ardente! Janvier 2015 a annoncé la couleur: noir-terrorisme, avec un premier massacre chez Charlie Hebdo. Vous connaissez tout cela par cœur, les médias ont bien soufflé sur les feux de l'année, surtout ces dernières semaines. Nous avons vu en direct l'émergence d'un monde nouveau, avec beaucoup de violence et d'intolérance, des flux migratoires intenses qui laissent les gens perplexes et consternés. Les esprits s'échauffent; les colères bouillonnent; les larmes brûlent les joues des enfants syriens ou irakiens. Pas de doute, la planète se réchauffe!

En Belgique, dans le sac de nœuds du moulin social et politique, 2015 fut loin d'être froid, là aussi. Manifestations et grèves ont rythmé les semaines et les mois. Notre gouvernement fédéral flamand-libéral a eu bien du fil à retordre avec les Wallons. Nous nous sommes bien amusés avec les pitreries des personnages politiques, les mensonges des uns, les maladresses des autres, sous l’œil attentif du grand timonier anversois. 2016 sera le théâtre d'autres poussées de fièvre, n'en doutons point...

Venons-en au climat. La grand-messe de la Cop 21 semble avoir fait un four en décembre. Les moulins à parole ont agité leurs ailes en grand, mais sous leurs meules n'ont coulé qu'un peu de farine et beaucoup trop de son. Chez nous, 2015 a démarré avec un peu de neige, comme pour dire «c'est l'hiver». Puis, il a plu jusque février. A suivi une longue période de temps sec et frais, jusque début juin. Quelques fines pluies sont venues saluer Saint Médard, mais le reste de l'été a été sec et chaud, sans forte canicule toutefois. Fenaison et moisson ont été une promenade de plaisir, mais le rendement en fourrage ne fut pas terrible; quantité et qualité, on ne peut pas tout avoir! Le temps sec a bien convenu aux animaux: peu de verminoses et gale quasi inexistante. Elles ont «bien profité» durant cette saison de pâturage 2015, mais pour donner du lait, on a connu bien mieux...

Coupure à la mi-octobre: de manière surprenante, il a neigé! «Quand il neige sur les feuilles, c'est l'hiver qui avorte!». Jusqu'à présent, ce vieux dicton se vérifie au-delà de toute mesure. Novembre et décembre ont été très doux et humides. J'ai vu ce matin un épeautre semé à l'Armistice, bien vert et très vigoureux. Un autre, emblavé le 3 octobre, est aujourd'hui touffu comme une toison de mouton, et vert bleu comme un champ de poireaux. Les prairies sont encore bien fournies, mais trop détrempées pour y paître les vaches. Drôle d'année en vérité, avec trop peu d'herbe en été, et trop de végétation en décembre!

Au four et au moulin agricoles, la PAC a soufflé le chaud et le froid, le show et l'effroi. Au printemps, nous avons découvert une nouvelle manière de déclarer nos superficies, via la fée électronique, cette trop charmante garce. Avant tout, 2015 restera l'année d'une réforme cruciale de la PAC, avec un glissement des aides directes vers l'écologie (via le verdissement), mais aussi un coup de pouce à l'agriculture familiale, grâce au paiement redistributif aux premiers hectares. Les détenteurs de gros DPU et les cultivateurs des grandes exploitations font grise mine: ils perdent des plumes avec ce nouveau système. Les exploitations familiales des zones difficiles, vouées aux herbages et de superficie modeste, voient au contraire leurs aides augmenter agréablement. La nouvelle PAC est sortie du four: à point pour les uns, saignante pour les autres...

Les prix payés à la ferme, quant à eux, n'ont guère flambé et se sont plutôt recroquevillés de froid! Leur four s'est éteint en 2015... Au moulin de la mondialisation, les ailes frappées des sigles OMC et TTIP prennent de la vitesse, sous un vent ultra-libéral très soutenu. Le lait et la viande porcine y ont été moulus très finement, sous la meule du grand commerce, ainsi que les céréales et la viande bovine.

Le monde financier n'a pas d'état d'âme ; il ne s'est pas du tout ému devant les nombreuses manifestations agricoles de 2015. Les pavés des grandes villes ont résonné faiblement du martèlement des sabots paysans; les autoroutes se souviennent peut-être des interminables colonnes de tracteurs. Ô victoire dérisoire, le monde politique et la grande distribution ont promis quelques dringuelles, comme d'habitude...

«L'espoir fait vivre, mais l'attente fait mourir!». Tant de choses sont restées coincées au four et au moulin de 2015... Année chaude au tison, mais également humide, très lourde et orageuse...

Marc Assin

Noël,

fête de la tolérance…

À Noël, les exclusions font plus mal que d’habitude. Alors, commençons par balayer devant notre porte. Evitons les ségrégations dans nos propres familles.

J’ai la chance d’être entouré d’une famille où l’on mange de tout. On n’a pas connu la guerre, mais on fait «comme si…». Et puis, c’est tellement plus facile pour les préparations culinaires.

On évite une première exclusion du type: les végétariens à gauche, les carnivores à droite. Tout fait farine au moulin. Il n’y a pas non plus d’exclusion de principe sur les origines: Bio ou pas Bio….? Jardin ou magasin? Local ou intercontinental? Il n’y a pas d’exclusion, mais cela nourrit les conversations.

Ainsi, concernant les légumes du jardin: nous avons en frais des carottes, des poireaux, des céleris, des choux de Bruxelles, des cardes et nos dernières salades de blé. Sans pesticides? Disons Bio-logiques, avec un trait d’union entre le bio et le logique. On protège quand c’est nécessaire au départ, mais en décembre, on récolte les survivants des attaques tardives. C’est en tout cas suffisamment naturel pour expliquer qu’il reste quelques petites limaces, quelques tâches d’oïdium sur la mâche, vu la douceur de l’automne et, dans l’épiderme des poireaux, quelques teignes sous forme de nymphes. Il faut juste se donner un «peu - beaucoup» de temps pour un sérieux nettoyage. Les déchets? La belle affaire, ils iront aux poules.

Du coup, interpellation taquine de mes filles: «Et les mycotoxines? Tu as toujours défendu l’effort que font les agriculteurs pour fournir des blés sans mycotoxines. Que ce serait le grand facteur cancérigène d’une alimentation trop naturelle. Tu es sûr que la mâche en est indemne !» …et PAF dans la figure du jardinier de proximité que je suis.

Pour les autres légumes, pas de soucis de ce côté-là: poivrons, épinards, choux chinois, pois mange-tout, tomates cerises…c’est l’arsenal du supermarché: tout est prêt, propre, nettoyé et c’est vite prêt. La contre-attaque est du style: «Êtes-vous certain que l’Afsca a bien tout vérifié? Que ces légumes n’ont pas traversé l’Atlantique en avion, générant des tonnes de CO2 qui nous font ce «Noël au balcon»?

Noël au balcon. Sur un meuble, nous revoyons une photo de famille de Noël 2010: tous dans la neige, au jardin, sur les luges. C’était il y a 5 ans, un siècle. Nouveau risque de ségrégation entre les «climatophiles» et les «climato-sceptiques». Nouveau débat sous forme de parodie: les «réchauffistes» attaquent: «Vous ne prenez pas l’affaire du climat au sérieux, mais vous vous inquiétez de ne pas trouver de neige pour skier cet hiver» Et les autres de répondre: «OK, vous craignez le soleil chez nous, mais vous prenez l’avion pour en jouir dans les pays du Sud» et re-PAF!

Dernière ligne de démarcation possible: l’alcool en mangeant. Comme il n’y a ni abstinent, ni musulman à table, le débat prend une autre nature, celui de la qualité. Et là, il y a un gisement pour alimenter la discussion, tant la qualité est le fruit de l’expérience, du terroir et de la passion. On peut en parler pendant des heures, et en boire raisonnablement pendant quelques heures.

C’est en tout cas l’occasion de lever notre verre à la tolérance, de porter un toast à la différence et de trinquer, encore et encore, contre l’intolérance.

JM Parmentier

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