On peut dire qu’il est tombé dedans quand il était petit. Originaire de Bolland, où ses grands-parents exploitaient une ferme, c’est dès son plus jeune âge que David Jacqmin s’est pris d’intérêt pour l’élevage, aux côtés de son grand-père. Ses premières poules, il les reçoit à 11 ans. Depuis, il en a toujours eu. Viennent ensuite des moutons Texel et Suffolk qu’il a remplacé, notamment à cause de soucis d’agnelage, par des Bleu du Maine et des Charmoise, 2 races françaises caractérisées par leur facilité de mise bas.
Des Bleu du Maine aux Charmoise
David Jacqmin élève des Bleu du Maine depuis une dizaine d’années. C’est grâce à cette race qu’il s’est fait un nom dans le domaine du mouton, notamment en participant avec succès au concours de la foire agricole de Battice et à celui de Libramont. Il est d’ailleurs récemment devenu juge dans cette race, après avoir suivi le cycle de formation mis en place par la Commission des Bleu. Son premier jugement, il l’a fait l’an dernier lors du salon de l’agriculture à Bruxelles. Bel examen d’entrée !
Mais s’il a eu jusqu’à 20 brebis Bleu, il n’en détient plus aujourd’hui qu’une dizaine et ce nombre pourrait encore diminuer au profit de la race Charmoise. David Jacqmin explique ce choix : « Bon nombre d’éleveurs moutons apprécient plus que tout la race de mouton qu’ils élèvent. Personnellement, c’est l’élevage ovin en général que j’affectionne. Pour moi, chaque race a des spécificités intéressantes selon les objectifs que l’éleveur se donne. En fonction des étapes rencontrées au cours d’une vie, les moyens et objectifs variants, il y a toujours une race ovine qui peut répondre au profil de chaque éleveur ». Et la race qui correspond à ses objectifs actuellement, c’est la Charmoise, notamment pour sa facilité d’élevage.
Les atouts de la Charmoise
« J’ai découvert cette race française au salon de l’Agriculture à Paris en 2010 », explique-t-il. « J’ai vraiment flashé sur ce mouton blanc, pas très grand mais assez viandeux, avec une tête typique et très différent des races élevées en Belgique. Au vu de la conformation, je supposais qu’elle était relativement difficile à élever, mais il s’avère que c’est tout le contraire », explique-t-il.
La race est réputée pour sa facilité d’élevage et sa rusticité. Le seul reproche qu’on lui fait c’est son manque de prolificité. Elle produit un seul agneau, rarement deux. Mais elle compense par son aptitude au désaisonnement, ce qui permet d’avoir trois agnelages en deux ans. On peut ainsi étaler la production d’agneaux. De plus, avec un seul agneau, la Charmoise n’est pas exigeante sur le plan nutritionnel, un autre avantage de la race.
Utilisée en croisement
« Ces techniques d’élevage sont donc assez opposées à celles de la race Bleu du Maine », précise notre hôte. Cette race, connue pour sa prolificité (3-4 agneaux) demande souvent davantage d’attention au démarrage (lampe chauffante, isolement, complément) ainsi qu’une alimentation de qualité et en quantité suffisante pour nourrir cette nombreuse progéniture.
Enfin, la Charmoise s’avère aussi intéressante en croisement, ce qui représente un des principaux débouchés des éleveurs français. Les béliers sont croisés avec des agnelles de l’année d’autres races ovines. L’avantage : des agnelages faciles pour ces jeunes mères car les agneaux sont fins, tout en garantissant à l’éleveur une bonne conformation de ces agneaux croisés.
Acquisition d’un petit troupeau
L’éleveur a souhaité vérifier toutes ces informations sur le terrain. C’est ainsi qu’il s’est rendu en 2013 chez un éleveur français. Fort de ce contact enrichissant, il a pu acquérir 24 brebis, l’année suivante, chez un éleveur de Poitiers qui cessait ses activités. « Cet éleveur à mobilité réduite gérait son troupeau de 200 têtes en chaise roulante en zone Natura 2000, preuve que la Charmoise est une race différente et gérable même dans cette situation difficile », précise notre hôte. Trois béliers ont également été achetés chez le président de l’association française Charmoise Nature qui regroupe des sympathisants de la race partageant leurs expériences techniques et philosophies d’élevage. Huit brebis ont été remises à M Cardols de Petit -Rechain, un autre éleveur de Bleu du Maine bien connu dans le monde ovin, également séduit par la souplesse d’élevage assez unique de cette race et par sa conformation intéressante.
Facilité d’élevage
« Chaque bélier reste avec sa troupe de brebis toute l’année. Il n’y a pas de marqueur pour contrôler les saillies. On repère les agnelages quand la brebis fait du pis et que la vulve change », précise notre hôte. Comme il n’y a qu’un seul agneau, il n’est pas nécessaire d’isoler les brebis pour l’agnelage : elles agnellent dans le troupeau. Le jeune est fin mais très vigoureux. Un quart d’heure après sa naissance il tète sa mère. « Il s’agit tout de même d’un sacré avantage lorsque l’éleveur ne peut assurer une surveillance quasi permanente au moment des mises bas », déclare David Jacqmin.
Grâce à ses aptitudes au désaisonnement, l’agnelage se fait en extérieur durant la bonne saison. Le troupeau est rentré en un seul lot en hiver, notamment pour protéger les agneaux qui naissent des prédateurs (renards) et du froid. La vitesse de croissance est moyenne. « L’agneau se fait en 4-5 mois, sans abus de complément, et donne une carcasse de 17-18 kg. Il est préférable de ne pas aller au-delà de ce poids sinon la couverture de gras a tendance à être trop importante », explique David Jacqmin. Le rendement à l’abattage dépasse les 50 %. La qualité gustative est unique et incomparable à celle des agneaux traditionnels. La viande est très tendre, rosée et son goût de mouton est moins prononcé.
Enfin, la race a encore un autre atout : sa longévité. Les éleveurs français conservent en effet leurs brebis assez longtemps car si l’une d’elles a une mammite d’un côté, il n’est pas nécessaire de la réformer systématiquement puisque les brebis ont 2 mamelles. L’agneau pourra toujours se nourrir à l’autre mamelle.
Alimentation : peu d’exigences
Côté alimentation, la race est peu exigeante : elle pâture l’herbe, même pauvre, en été et consomme du foin ainsi qu’un peu d’épeautre en hiver. En période de disette (sécheresse par exemple), elle peut puiser dans ses réserves. Normalement on compte 10-11 brebis suitées à l’hectare mais vu ses faibles exigences et son format, on peut monter jusqu’à 15-16 brebis suitées/ha avec la Charmoise. « Cette race correspond donc de manière assez tangible aux philosophies écologiquement responsables qui prennent de plus en plus de place dans notre société », poursuit notre hôte. Son bilan carbone est intéressant : son alimentation peut être exclusivement locale avec l’assimilation de matières non-transformées, les apports supplémentaires de protéines n’étant pas nécessaires. Son faible coût de production est donc l’un de ses principaux atouts.
Suivi sanitaire
Sur le plan sanitaire, David Jacqmin vermifuge 2 fois par an et réalise un traitement anticoccidien à 6 semaines. Une vaccination contre la langue bleue a aussi été réalisée cette année. Par ailleurs, lors de notre visite, 4 béliers Charmois suivaient un programme sanitaire spécifique en vue d’une exportation vers l’Allemagne. David Jacqmin répondait ainsi à une demande adressée à l’AWE par des éleveurs professionnels allemands. Ils utilisent des béliers Charmois sur des brebis moins conformées en région défavorisée au niveau de la qualité d’herbage. D’après leurs expériences en croisement terminal avec des béliers de toutes races, les agneaux issus des mâles Charmois sont ceux qui réagissent le mieux sur leurs terrains assez pauvres. Une belle confirmation donc pour notre jeune éleveur de Charmoise.
Du côté des volailles
Si David Jacqmin a développé son élevage ovin au fil des ans, il n’a cependant pas renoncé aux volailles. Il élève deux races de poules rustiques, adaptées à la région et pondeuses honorables : des poules de Herve et des combattants liégeois nains.
En poule de Herve, il a un parquet de 5 poules et un coq et participe avec ses sujets au réseau européen pour la subsistance de la race (voir SB du 27 mai 2016). Quant au combattant liégeois nain, « qui n’a de combattant que le nom », précise notre hôte, il détient 25 poules et 5 coqs. Des jeunes sujets sont vendus à des particuliers car cette race locale est facile à élever.
Actuellement, l’éleveur est en train de créer une variété froment. Cette variété, qui n’est pas reconnue chez le combattant liégeois mais bien chez son cousin le combattant de Tirlemont, est apparue dans une de ses souches. L’éleveur tâche donc de conserver cette caractéristique. Il n’en est encore qu’aux prémisses (2e génération) mais les résultats sont encourageants. Il faudra cependant encore 6 à 7 générations pour fixer ces caractères, précise notre hôte.
Dindons de Ronquières
Le jeune éleveur détient aussi 6 dindes et 3 dindons de Ronquières, de la variété épaulette jaune. Ces dindons proviennent à l’origine de chez M Foubert de Ronquières, un éleveur de dindons reconnu. « Cet animal est aussi maladroit que sympathique », explique David Jacqmin qui apprécie leurs gloussements et parades.
Ce dindon a une croissance lente, adulte il pèse environ 9 kg. L’éleveur vend des jeunes à 4-5 mois. L’élevage ne pose guère de problèmes : les dindons cohabitent avec les poules et reçoivent la même alimentation composée de grains concassés avec du maïs et du tournesol. Les dindons sont rarement vermifugés sauf si l’éleveur décèle une infestation. Dans ce cas, il essaie d’abord des moyens naturels comme les racines de poireaux avant de passer à un traitement chimique.
Reproduction des volailles
Au niveau de la reproduction des dindons et des poules, David Jacqmin encourage la couvaison naturelle, les poules combattant liégeois nain étant d’excellentes couveuses. Mais si les volailles ne couvent pas, les œufs sont placés en incubateur. L’éleveur dispose d’une couveuse automatique d’une capacité de 90 œufs. Après incubation, les jeunes dindons sont élevés séparément durant 3 mois. Les poussins restent 3 semaines en éleveuse avec un plateau chauffant ou sous lampe chauffante. Dès 3 semaines, ils reçoivent de la farine pour dindonneau (aliment de transition) et peuvent, selon la saison, avoir accès à un parcours extérieur herbeux grillagé. À trois mois ; ils reçoivent un mélange de grains et passent en semi-liberté.
Succès à l’European show à Metz
Sélectionneur dans l’âme, David Jacqmin participe à quelques expositions locales avec ses volailles et dindons dans l’unique but de promouvoir aux yeux du grand public ce patrimoine wallon vivant et peut-être séduire des gens intéressés par une démarche de préservation.
En novembre dernier, il a aussi présenté un couple de dindons à l’European show à Metz et, heureuse surprise, le dindon a remporté le championnat dans sa catégorie. Une belle reconnaissance quand on connaît l’importance de ce rendez-vous des aviculteurs européens rassemblant pas moins de 6.000 éleveurs et 35.000 animaux (volailles pigeons, lapins cobayes et oiseaux) venus de 29 pays européens.