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À l’épreuve du terrain,

l’agroforesterie dévoile ses atouts

Début octobre, l’Association pour l’agroforesterie en Wallonie et à Bruxelles (Awaf) organisait la visite de deux parcelles agroforestières sises à Ronquières et Haut-Ittre. L’occasion pour l’asbl de revenir sur les méthodes d’installation et d’entretien de telles parcelles, sur les avantages de cette pratique ou encore de rappeler les points à ne pas négliger lors de l’établissement d’un projet agroforestier.

Temps de lecture : 6 min

Avant de débuter la visite de la première parcelle, implantée à Ronquières voici un an, Olivier Baudry, secrétaire de l’Awaf, rappelle quelles sont les pratiques agroforestières les plus fréquemment rencontrées.

« Le verger pâturé constitue la technique la plus connue. Il combine, d’un côté, production de fruits et de bois et, de l’autre, pâture ou production de préfané et de foin », explique-t-il. On retrouve ensuite deux techniques relativement proches : la plantation d’arbres d’alignement en bordure de parcelle et la plantation de haies, également en bordure de parcelle. « Enfin, il est également possible d’implanter un ou plusieurs alignement(s) d’arbres et de haies au sein de la parcelle agricole, comme à Ronquières et Haut-Ittre. »

À Ronquières, lutter contre l’érosion

Détenteur d’une parcelle longue, étroite et en pente, Michel Glibert avait pour but premier de lutter contre l’érosion de celle-ci. L’agriculteur s’est donc lancé, en collaboration avec le bureau Agroforesterie.be, dans un projet agroforestier. Outre cet objectif, il souhaitait disposer d’une production ligneuse et augmenter la biodiversité de sa terre tout en conservant les avantages de la mécanisation.

Une fois les objectifs et contraintes connus, décision fut prise d’implanter, en hiver 2016, une série de haies « triple rangs » et d’arbres d’alignement.

Orientées nord-sud

« Avant l’implantation, le sol a été minutieusement préparé. En premier lieu, j’ai fait un labour et un sous-solage léger. J’ai ensuite réalisé un fraisage afin de mélanger parfaitement la terre avec du fumier préalablement enfoui. Enfin, la plantation s’est faite à la houe-hache », explique Michel Glibert.

Olivier Baudry poursuit : « Les haies sont orientées nord-sud afin d’éviter tout problème d’ombrage sur la culture. Bien qu’elles ne soient pas perpendiculaires à la pente (voir vue aérienne), on observe une réduction significative de l’érosion ». Malgré la présence de haies et d’arbres, la parcelle reste mécanisable. En outre, celle-ci étant bio, aucune contrainte liée à la largeur du pulvérisateur n’était d’application.

Dans le bas de la parcelle, une zone refuge a également été créée, en entourant un talus de haies. « Toujours dans un souci de protection de la biodiversité », ajoute l’agriculteur.

À Haut-Ittre, diversifier la ferme

Ferdinand Jolly, agriculteur à Haut-Ittre, est un pionnier en matière d’agroforesterie. Sa première parcelle agroforestière a été plantée en hiver 2011, ce qui en fait une des plus anciennes de Wallonie.

« Je me suis engagé dans cette pratique afin de diversifier mon exploitation », dit-il, convaincu que la demande en bois de qualité ainsi que les prix vont augmenter. Il souhaite également améliorer le taux d’humus de sa parcelle, réduire l’érosion éolienne et augmenter l’humidité de l’air en été.

Un paramètre « non agricole » a également été pris en compte. « La parcelle jouxte un chemin de promenade très fréquenté duquel il existe un point de vue sur l’église romane de Haut-Ittre. Il ne fallait pas que celle-ci soit masquée par les arbres », explique M Jolly.

Tenir compte du pulvérisateur

« Comme à Ronquières, les haies « simple rang » et arbres ont été plantés dans l’axe nord-sud, afin de minimiser l’effet d’ombrage », explique Bernard Maus, président de l’Awaf. Cette orientation, identique à celle de la pente, est cependant moins idéale en matière de lutte anti-érosion.

Trois alignements ont été plantés, deux dans la parcelle et un en bordure de celle-ci (voir vue aérienne). « La rampe du pulvérisateur mesurant 27 m, il a été décidé d’éloigner chaque alignement de 30 m. Depuis, la parcelle est en cours de conversion au bio et ce paramètre n’a plus la même importance », continue-t-il.

Quels gains pour la culture en place ?

La haie joue premièrement un rôle de coupe-vent en protégeant la culture sur une longueur équivalente à dix fois sa hauteur.

L’agroforesterie permet également aux parcelles de mieux résister aux aléas climatiques, « ce qui s’avère être idéal pour le maintien des rendements ».

Par rapport à une parcelle traditionnelle, le nombre de vers de terre serait également plus important dans une parcelle agroforestière. Par leur action sur la structure du sol, ils avantagent le développement des cultures

Produire des bois de grande qualité

Exploitation forestière et agroforesterie ne fournissent pas des bois de qualité identique, notamment de par la croissance libre des arbres en parcelles agroforestières.

« En agroforesterie, on se fixe pour objectif de produire des bois de grande qualité, vendu pièce par pièce et non en lot », précise M Baudry. Ainsi, les coupes sont différenciées et ont généralement lieu en hiver, afin de ne pas impacter la culture en place.

Les haies sont quant à elles taillées une ou deux fois par an, en fonction de leur croissance. « Les branchages sont ensuite broyés et valorisés comme paillage ou bois énergie », ajoute-t-il.

Combiner arbres et haies ?

« Combiner arbres et haies présente un intérêt certain.  Comme elle se développe assez rapidement, la haie va gainer l’arbre, empêchant la croissance des adventices. » L’entretien (lire ci-dessous) des bandes est ainsi réduit.

« Ce gainage facilite également la taille de formation qui vise à supprimer les branches empêchant la formation d’un axe vertical », complète Bernard Maus.

Quelques soins à apporter

Outre la taille annuelle des haies, une parcelle forestière demande un peu d’entretien dans les premières années suivant son implantation.

Un paillage, à l’aide d’herbe fauchée (Ronquières) ou de paille de céréales (Haut-Ittre), offre une protection contre l’envahissement des jeunes plants par les adventices.

Installer des perchoirs en bordure de haie est également intéressant. « Ils permettent aux rapaces, précieux alliés dans la lutte contre le campagnol, de se poser. S’ils sont plus hauts que les jeunes arbres, ils permettent aussi aux corneilles de s’y percher, évitant ainsi qu’elles ne brisent les têtes des arbres. »

Néanmoins, les dégâts de gibier, tels que ceux observés sur une autre parcelle haut-ittroise, obligent Ferdinand Jolly à réaliser des travaux d’entretien plus conséquents. Bernard Maus : « En se nourrissant des plants, les chevreuils créent des trous dans les haies. Si ceux-ci ne sont pas comblés, des espèces de moindre intérêt risquent de s’installer ». Malgré le placement de gaine de protection autour des arbres, le gibier parvient souvent à abîmer les essences de qualité.

Des aides existent

La plantation d’arbres et de haies est subsidiée par la Région wallonne (voir tableau), moyennant le respect des conditions reprises dans le nouvel arrêté du Gouvernement wallon pour l’octroi des subsides à la plantation de haies, taillis linéaires, verger, alignement d’arbres ainsi que l’entretien des arbres têtards paru au Moniteur belge du 26 septembre 2016. La liste des espèces subsidiables est également jointe à cet arrêté (lire ci-après).

La politique agricole commune prévoit également qu’une parcelle agroforestière puisse être déclarée à 100 % comme surface d’intérêt écologique. « Néanmoins, la Wallonie a choisi de ne pas activer cette mesure… », déplore M Baudry.

Un dernier conseil

L’origine et la qualité des plants sont très importantes lorsque l’on mène un projet agroforestier, quitte à les payer un petit peu plus chers. « Si le pépiniériste ne dispose pas des plants souhaités, il ne faut pas hésiter à décaler le projet d’un an. Une fois les différentes espèces en place, aucun retour en arrière n’est possible. »

Et Olivier Baudry de conclure : « Vu la durée de vie du projet, il ne faut surtout pas hésiter à se faire conseiller par rapport aux paramètres à prendre en compte, aux techniques d’implantations ou encore aux essences les mieux adaptées à son terrain ».

J.V.

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