Les tonneaux sont encore et toujours fabriqués au moyen de lattes de chêne fournies par les merrandiers, ou fendeurs de bois. Les chênes sont abattus à la sève descendante afin d’obtenir la concentration des tanins utiles à la qualité des vins, une qualité bien connue des gourmets. Le tonneau neuf a une odeur agréable, celle du tanin.
Dans nos contrées, il n’était pas question de vinification. Les tonneaux de bois servaient à la brasserie, mais également à recueillir l’eau pour l’abreuvement du bétail ou pour l’arrosage de cultures délicates. Les tonneaux pouvaient également servir à l’épandage des purins sur les prairies ou les champs.
La mise en œuvre de cuves en béton, le développement des tonneaux métalliques ou plastiques a fait disparaître le métier de tonnelier, ou plutôt, l’ont fait évoluer vers la tonnellerie de luxe. Ce métier ne subsiste plus que pour la fabrication de tonnelets, tonneaux, fûts, futailles, barriques, foudres… en vue de la conservation des vins et des alcools.
La France est le leader mondial de la tonnellerie pour le vin. Le bois de chêne pédonculé ou sessile lui convient. Les chênes rouges et blancs, des chênaies d’Amérique, contiennent davantage de tanins et sont adaptés à la maturation des alcools forts.
Un bois de qualité irréprochable
L’histoire nous enseigne que l’art de la tonnellerie fut découvert par les Gaulois ou les Celtes. Ce n’est pas certain, mais les tonneaux avaient l’avantage d’être beaucoup plus solides que les amphores grecques et romaines. Le transport des liquides (vins, huiles, cervoises) en était grandement facilité. Mais comme le bois est périssable, les tonneaux ont disparu alors que les archéologues continuent à retrouver des amphores.
La fabrication des tonneaux était connue en Gaule dès l’époque romaine, et elle se perpétue en France. Les chênes destinés à la tonnellerie, dits chênes à merrain, sont très recherchés et vendus à bon prix. La meilleure finesse du grain est obtenue sur des arbres ayant eu une croissance régulière. Les billes de chêne, sciées aux longueurs voulues, doivent être sans défauts, sans nœuds, parfaitement rectilignes. C’est dire l’importance du travail de l’élagueur. Le bois fendu respecte naturellement le fil du bois, ce que le sciage ne peut pas.
Mises en tas pour un séchage naturel à l’abri du soleil et de la pluie dans un endroit ventilé, les lattes sont régulièrement surveillées pour éviter un éclatement désastreux. Le bois de chêne sèche lentement, deux ans sont nécessaires pour y parvenir.
Les outils
Le doleur fabrique les douelles avec une doloire. La doloire est une hache ressemblant à celle du sabotier. Les douelles, nommées aussi douves, sont les planches qui vont former le tonneau. Le travail est délicat, il doit respecter le fil du bois afin d’éviter le bris des lattes lors de la courbure de celles-ci. Les douelles obtenues sont affinées sur les faces internes avec des planes courbes de grandeurs différentes. Elles donneront l’arrondi du tonneau. Les flancs latéraux des douelles sont rabotés de biais sur un long rabot sur pied appelé colombe. Un rabotage précis, de l’ordre du millimètre (rien ne vaut l’œil du maître) assure une étanchéité parfaite sous la pression du cercle. Aujourd’hui, le travail est effectué à la toupie électrique, plus rapide.
Le ventre du tonneau
Après trempage, on procède, à chaud, à la courbure du ventre de la barrique. La chaleur est obtenue au moyen d’un petit brasero. Il est posé à l’intérieur du futur tonneau, il est rempli de copeaux incandescents. La manœuvre est délicate: pas trop chaud, pas trop froid. Le montage est délicat, il est essentiel. Les douelles sont assemblées autour de cercles métalliques. Le ventral est provisoirement interne. Dès que la courbure est définitive, il servira de cercle externe. Les autres cercles aux extrémités sont externes.
Le tonnelier creuse ensuite au rabot-jabloir les rainures où seront enchâssés le fond inférieur (le cul) et le fond supérieur (la tête). Tous deux sont confectionnés à l’aide de lattes plates formant un cercle parfait, mis en place par des maillets et cales de bois. A différents stades, les mesures sont vérifiées avec des calibres, avec un compas cintré appelé bourguignon, sans doute pour évoquer, comme chacun le sait, une région aux vins renommés. Les mesures varient en fonction de la contenance (de 25 à des centaines de litres).
La finition
Le travail s’achève avec la bondonnière. La bondonnière est une tarière conique avec laquelle l’ouvrier perce le trou de remplissage, dans laquelle sera introduite la bonde, souvent bouchée par une pièce de bois conique. Terminé, le tonneau est rempli d’eau afin de dilater les douelles et assurer une étanchéité évidente. Le métier de tonnelier était de l’artisanat, au « savoir-faire » appris sur le tas. Les tonneaux actuels sont toujours fabriqués de la même façon, la main est l’œil sont difficiles à remplacer.
Baratte
Le fabricant de barattes en bois utilisait les mêmes méthodes. Il est du même tonneau, c’est le cas de le dire, que le tonnelier. La baratte était, certes, plus complexe que le tonneau. Ce qui explique d’ailleurs les formes très diverses que les tonneliers donnaient aux barattes.
Le tonnelier était également fabricant de ménettes, large tonneau plat et ouvert, genre cuveau à lessive. Dans la ménette, on lavait et on pétrissait le beurre avant la mise en place dans des formes à beurre, toujours fabriquées aujourd’hui, et généralement en bois de hêtre..
En agriculture, la baratte en bois a souvent disparu, remplacée par la baratte en inox, plus facile à nettoyer.
Pas que le chêne
Aujourd’hui, il est clair que le bois destiné à la tonnellerie est, pour ainsi dire, toujours du chêne. Mais d’autres bois peuvent fournir matière première au tonnelier. A titre d’exemple, la fabrication du vinaigre balsamique, indication géographique protégée, notamment, dans la région de Modène (Italie) doit passer par des tonneaux appartenant à plusieurs essences. Le premier tonneau à recevoir le moût de raisin déjà un peu concentré est en chêne. Le moût, devenu vinaigre, est ensuite transféré d’un tonneau à l’autre pour concentrer ses arômes. Vu l’évaporation, les tonneaux sont de plus en plus petits. Les bois de ces fûts peuvent être issus des bois suivants: cerisier, châtaignier, frêne, genévrier, merisier, mûrier…
A mesure que les années passent, l’acidité diminue au profit de l’onctuosité. Le vinaigre a au moins 15 ans à sa commercialisation, les meilleurs ont 25 ans. Jadis, la fabrication du vinaigre balsamique était affaire de femmes. Les Modénoises achetaient un tonneau lorsqu’elles accouchaient d’une fille. Le véritable vinaigre balsamique vaut son pesant d’or.
D.B.