Éviter l’excès de lisier en prairie

pour éviter d’amplifier sa propagation

Préserver l’équilibre de sa prairie n’est pas une mince affaire. Nombreux sont les facteurs, qu’ils soient d’origines naturelles ou anthropiques, qui peuvent entraîner la dégradation de son couvert. Dans pareil cas, mieux vaut ne pas laisser le sol à nu et agir quand la prairie est rase, avant la (re)pousse de l’herbe et ce, dans des conditions climatiques favorables ; au risque d’aggraver davantage le problème, et notamment d’y voir l’expansion du rumex.

Avoir une vision globale…

David Knoden : «Le rumex se reproduit soit par le biais de sa production de graines, soit par fragmentation du rhizome. Cette dernière est généralement favorisée par une fauche trop basse, une sécheresse, l’utilisation d’outils animés comme la fraise… Des deux modes de reproduction, c’est le second qui est le plus difficile à maîtriser au vu des réserves nutritives à disposition de la plante.»

Il est à noter qu’une plante peut produire jusqu’à 60.000 graines par an. Fauchées, celles-ci se retrouvent dans les fourrages et donc dans l’alimentation des bovins. Les graines passent ensuite dans les engrais organiques sans perdre leur capacité germinative et sont épandues lors de la fertilisation des prairies.

Pour l’orateur, la vigilance est de mise en présence d’une parcelle infestée de rumex : « Il faut avoir une vision globale. Une seule parcelle suffit pour salir l’intégralité du parcellaire. »

… et un oeil sur les fourrages récoltés

Si les ensilages très humides (20 % MS) et préfanés (35 % MS) diminuent la capacité germinative des semences encore vertes, ils n’ont par contre que très peu d’effet sur les semences mûres.« On ne réglera pas le problème en réalisant des récoltes jeunes avec des rumex qui viennent d’être en semence, toutefois, on ne l’aggravera pas non plus », note-t-il.

A contrario, faire du préfané plus sec, voire du foin, ne diminuera en aucun cas ce pouvoir…

Au niveau des engrais organiques, un compostage bien conduit permet, après 2 semaines, une diminution presque totale de la germination des graines. Quant au lisier, après 10 semaines, on constate encore une capacité de 40% des semences à germer.

En venir à bout

 Le pâturage

Pour l’orateur, le premier moyen de lutte reste le pâturage ! Les problèmes surviennent souvent dans les prairies de fauche. En ne les fauchant que trois à quatre fois par an, le couvert se dégrade beaucoup plus vite.

Avec une bonne pression de pâturage, il est possible d’empêcher le rumex de se développer. « Si on fait des nouveaux semis, l’idéal est de faire pâturer le plus tôt possible, pour autant que la portance du sol le permette. Il n’y a rien de mieux pour obtenir un bon couvert. »

Il poursuit : « Les prairies de fauche ont une densité nettement moindre. C’est souvent à l’arrière-saison que l’on crée un bourbier. Et ce n’est que l’année suivante que les problèmes apparaîtront. »

David Knoden : « En Région Wallonne, les quelques éleveurs bio qui pratiquent un pâturage sur gazon court (objectif : herbe à 6cm de haut toute la saison) ne connaissent pas cette problématique. Avec une forte pression de pâturage toute la saison, la plante n’a plus voix au chapitre. La densité du gazon est nettement plus forte sur ce type de pâturage qu’en pâturage tournant. C’est une lutte par simple densification du couvert et donc par concurrence. »

 Les luttes mécaniques

Le fauchage des hampes florales a une efficacité quasi nulle. « Le problème est souvent tel, que la fauche n’est pas suffisante. Néanmoins si on a des rumex qui sont au stade semence, mieux vaut les faucher, les sortir de la parcelle et les détruire. »

Notons que dès l’apparition des semences sur un rumex, 30 % d’entre elles ont déjà un pouvoir de germination.

Pour l’arrachage manuel, il faut au moins avoir 15 cm de sa racine, au risque de le voir repartir d’un autre rhizome. Mieux vaut le faire quand le sol est frais, humide et que l’on a réalisé un nouveau semis. Si peu de rumex en prairie, ce système est très efficace...

Et d’en venir au resemis total des prairies. « Ce n’est pas un moyen de lutte mais plutôt un moyen de cacher le problème. En effet, les rhizomes et racines de la plante sont toujours à l’affût du moindre espace pour pouvoir sortir. Pour ce faire, les outils à dents non animés sont à privilégier. Si l’on réalise des cultures type céréales et que l’on veut faire des semis de prairies, il est conseillé de répéter deux ou trois déchaumages et de ne pas aller trop vite !»

 Les techniques alternatives

Dans le cadre de la lutte biologique, des chercheurs ont pensé à attaquer le rumex via la chrysomèle de l’oseille (Gastrophysaviridula). La technique s’avère peu efficace vu l’ampleur du phénomène. « À part affaiblir la plante, on ne parvient pas à résoudre le problème avec des insectes », explique David Knoden.

Autre technique efficace : un désherbage thermique avec de l’eau chaude à 90ºC. Au Space, le robot DockWeeder, un bras équipé d’une buse, a été présenté et semble tenir ses promesses. Une fois le rumex détecté par le robot, une double roto buse tourne et vrille pour créer un trou de 7 à 8 cm de diamètre… Notons qu’1,5 litre d’eau est nécessaire pour venir à bout d’un rumex. Si le système est efficace, l’autonomie et la consommation d’énergie sont encore des pistes à améliorer.

 Le désherbage chimique

Quant au désherbage chimique, il faut savoir qu’aucun traitement n’élime 100 % des rumex sur le long terme… Il peut être une aide, en aucun cas une solution. « S’il ne change rien à ses pratiques, un agriculteur qui traite chimiquement la plante, se voit souvent contraint de recommencer ses pulvérisations tous les 3 à 4 ans. Seule une intervention sur ses causes d’apparition est efficace ! », note l’orateur.

Dans cette lutte le choix de la substance active est primordial. Le stade optimal pour un traitement la rosette! Par ailleurs, il faut bien penser aux conditions météo pour assurer la meilleure efficacité du produit choisi.

Le respect des délais recommandés avant la fauche ou le pâturage est important, tout comme le traitement de plantes en pleine croissance et en bonne santé. « En fin de saison on a parfois envie de réaliser un traitement pour ne pas perdre en rendement. Pourtant, à ce moment les rumex sont en fin de vie… Le produit appliqué ne sert alors à rien.»

Lorsque le traitement a fonctionné, les vides créés devront être comblés par du sursemis. Si on le laisse en place, il y a de très grandes chances que le rumex le comble.

En ce qui concerne l’efficacité des différents produits et du prix à l’ha. « Mieux vaut utiliser les produits efficaces quand l’on réalise un traitement, mais il faut veiller à faire attention au prix à l’hectare et non au litre ou du conditionnement. » Un t

Prévenir son apparition

« Autre conseil : éviter les excès de matières organiques surtout au niveau des lisiers et des digestats ! Le rumex a tendance à pousser dans des sols déséquilibrés en matière organique. Contrairement à un compost bien équilibré, les lisiers et digestats apportent beaucoup d’azote et peu de carbone digestible. « On risquerait donc d’amplifier le phénomène du rumex avec des excès de ces engrais. C’est peut-être de là que les fermes qui sont sur compost présentent moins de souci à ce niveau », explique David Knoden.

Si la fauche précoce aide à éviter la montée en graine des rumex, il faut cependant éviter de faucher trop bas ou faire gratter ses machines, de tasser les sols. Si c’est les conditions le permettent, veiller à réparer les prairies dégradées assez vite. Les campagnols, les sangliers peuvent causer des dégâts importants et les zones nues créées démultiplient la problématique.

À l’étable, lorsque l’on a des restes de fourrages, au cornadis, il est préférable de les détruire et de ne pas les mettre sur le fumier. Il faut à tout prix éviter de voir retourner ces graines sur les terres. « Si vous devez acheter du fourrage à un voisin, évitez de lui acheter du fourrage contaminé en sélectionnant à l’avance les prairies que vous «achetez». Dans l’achat de fourrages entre fermes, on devrait d’ailleurs mettre au point un système de qualité de manière à ce que le fourrage contaminé ait une moins-value », conclut David Knoden.

P-Y L.

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