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L’abeille et la bête

Temps de lecture : 4 min

Citoyen du Hainaut depuis peu, mon jeune voisin « expatrié » a découvert au Pays de Collines une agriculture intensive, très diversifiée, et qui fait la part belle aux grandes cultures. Dans sa région natale en Ardenne, les champs ne sont que prairies et les rares terres labourées sont cultivées « en amateur ». Avec le printemps, le ballet des pulvérisateurs a repris auprès de chez lui, incessant, effarant : sur les pommes de terre, les betteraves, les froments, et même sur les prairies ! Les agriculteurs du Bon Pays ne seraient-ils pas des « hypocondriaques » des cultures, toujours à les soigner, à leur refiler des médicaments ?

Papa d’une petite fille de 16 mois, le garçon est inquiet, quelque part, quand il entend tous les commentaires négatifs à propos des pesticides, et particulièrement les polémiques suscitées par le glyphosate et les néonicotinoïdes. On le comprend ! Pourtant, dit-il, malgré un environnement hyperpulvérisé, des myriades d’insectes bourdonnent aux jours chauds dans ses arbres fruitiers en fleurs. Cela le rassure ! Des bourdons, principalement, et des petites abeilles sauvages de toutes sortes.

Ceci dit, il a observé dernièrement un phénomène plutôt inquiétant. Chez nous, en Ardenne, les petits vanneaux huppés accompagnent en grand nombre les charrues en action ; ils grattent et picorent avec entrain la terre fraîchement retournée. Il suffit de fouiller un peu le sol pour y découvrir des vermisseaux et des lombrics. Dans le Hainaut, près de chez lui, ce genre d’oiseaux est absent ; les champs fraîchement labourés n’accueillent que quelques rares corbeaux, bien esseulés dans un désert de glèbe, pauvre en humus, où la vie semble absente. De temps à autre, une tourterelle vient se poser brièvement sur le sol, puis s’en va, dégoûtée. Il y a de quoi de se poser des questions…

Drôle de pays ! Les abeilles semblent être en forme malgré les pulvérisations, mais les oiseaux s’y font rares, selon lui. Il ne sait que penser ! Les spécialistes des abeilles domestiques attribuent leur déclin à plusieurs facteurs concomitants : lignées sélectionnées pour leur productivité et leur facilité d’élevage, plutôt que pour leur rusticité ; pression des maladies et des acariens ; appauvrissement de la biodiversité et disparition de plantes mellifères ; arrivée d’espèces invasives comme le frelon asiatique ; pollution diffuse de l’environnement, dans toutes ses composantes. Les abeilles « sauvages » semblent moins impactées, comme celles qui butinent joyeusement le verger du jeune Ardennais. Les pesticides font-ils autant de ravages qu’on le dit ? Sans doute faudrait-il pointer du doigt également la pollution dans son sens large, toutes ces molécules libérées dans les airs et dans les eaux, tous ces rejets de particules fines issues des activités humaines.

Pourtant, les gens ne comprennent pas qu’une autoroute où se déplacent des milliers de véhicules diesel, pollue bien davantage qu’un pulvérisateur. Il faudrait mieux communiquer, placer par exemple de grands panneaux explicatifs devant certains champs. Ainsi, en bordure d’une parcelle de pommes de terre, on y expliquerait comment la culture est menée, pourquoi il faut lutter contre le mildiou par des traitements répétés ; on y détaillerait les engrais et les substances épandues, leur quantité, leur intérêt, la surveillance sanitaire rapprochée qui dictent tous nos actes. Pourquoi ne pas ouvrir une page Facebook ou que sais-je, afin de sensibiliser les aficionados des réseaux sociaux, leur ouvrir les yeux sur des vérités illisibles pour eux ? Les détracteurs de notre profession ont beau jeu d’affirmer tout et n’importe quoi, en toute impunité…

Que fait l’abeille ? Qui fait la bête ? Qui de l’abeille, ou de l’agriculteur, est l’espèce la plus en voie de disparition ? Ce genre de questions, personne ne se la pose, et surtout pas les intellectuels fatigués des médias et des organisations de « défense » de l’environnement, qui se permettent de juger sans cesse tous nos faits et gestes. Un jour, l’abeille et la bête raconteront à leur façon leur conte des mille et un ennuis…

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