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Les agrobodies : ce que les lamas peuvent nous apporter

Temps de lecture : 4 min

Agrosavfe a démarré en 2013 en se détachant du VIB. Elle développe ce qu’elle appelle des « agrobodies », des « agrocorps », qui sont des petites protéines issues d’anticorps de lama. Dans les cellules, ces petites protéines se fixent sur des molécules spécifiques d’agents de maladies ou de ravageurs.

Va-t-on un jour protéger les fraisiers avec des anticorps de lama ? Le Sillon Belge a posé la question à Luc Maertens, CEO d’Agrosavfe.

 Qu’avez-vous trouvé chez le lama pour alimenter vos recherches ?

L. Maertens : Le système immunitaire des lamas est particulier. Le lama fabrique des millions d’anticorps différents contre des agresseurs. Nous tirons parti de cette particularité en immunisant les lamas contre, par exemple, un champignon bien défini, et puis à partir des anticorps on sélectionne celui qui est la meilleure efficacité, sélectivité et stabilité. Ces agrobodies sont très spécifiques. Ils n’ont aucun effet indésirable sur d’autres organismes utiles comme les abeilles.

 Comment ces substances actives fonctionnent-elles ?

L.M. : Le premier produit que nous avons développé est un fongicide. Il combat le Botrytis (pourriture grise, fréquente sur fraise ou sur haricot) et d’autres champignons en cultures de tomates, fraises, raisins, concombres, melons et autres… Nous sommes, pour l’instant, en train de développer un autre fongicide. Le troisième produit en vue est un insecticide. Nous avons décidé de nous intéresser tout d’abord aux marchés des cultures fruitières et légumières, puis on passera aux fongicides pour les cultures en ligne, comme les céréales, et plus tard encore, on s’intéressera aux insecticides.

 Où en est-on dans le développement de ces produits ?

L. M.  : Notre premier produit a démontré son efficacité. Nous avons démarré des champs d’essais en Europe l’année dernière. Nous espérons pouvoir introduire dans les deux ans les premières demandes d’agrément, aussi bien Europe qu’aux États-Unis. En agriculture, une seule chose compte : il faut que cela fonctionne. La fiabilité des produits biologiques pour la protection des cultures doit s’améliorer. C’est là que nous faisons la différence. L’activité de notre fongicide vaut celle des produits de la chimie.

 Comment pourra-t-on l’utiliser ?

L.M. : La plupart des biopesticides sont des organismes vivants. Notre produit est une protéine qui est très stable. Nous la formulons de façon à pouvoir l’utiliser sans problème dans un pulvérisateur classique. La conservation standard de deux ans ne posera pas de problème. Tout cela permettra un emploi très facile.

 Et quel en sera le prix ?

L.M. : Il est encore trop tôt pour évaluer son prix, mais il est évident qu’il correspondra au prix du marché. Nous nous trouvons dans le marché classique, pas dans un marché de niche, tous les producteurs pourront l’utiliser, nous n’avons pas d’autre choix.

 Pensez-vous que vous pourrez concurrencer les produits phytosanitaires classiques ?

L.M. : Les agriculteurs et les horticulteurs vont avoir plus d’options pour la culture intégrée. Si nécessaire, notre produit pourra alterner avec un produit classique. Le développement et l’agrément des produits chimiques coûtent plus cher et durent plus longtemps que pour les produits biologiques. Ce qui explique qu’ils ne ciblent pas les petites cultures. Nous allons pouvoir offrir des solutions pour ces cultures.

 Pourquoi les agriculteurs choisiraient-ils vos produits ?

L.M. : Il y a de plus en plus de pression sur les produits chimiques actuels. Les agrobodies fonctionnent d’une manière tout à fait différente face aux maladies ou aux ravageurs. On peut cependant les utiliser en alternance avec les produits chimiques classiques, pour limiter les risques de résistance. Par ailleurs, les exigences se renforcent en matière de résidus. On ne devra se faire aucun souci avec notre produit. C’est surtout sur les fraises, les tomates et les raisins que l’on déplore des résidus. Ceux-ci sont nécessaires pour garantir la livraison de beaux produits. De plus, notre produit est plus sûr pour l’agriculteur.

 Ce sera pour quand, les premiers agrobodies ?

L.M. : Nous espérons lancer le premier produit sur le marché au plus tôt fin 2023 dans l’Union européenne. Le processus d’agrément dure très longtemps et il est très complexe.

 Collaborez-vous avec des agriculteurs ?

L.M. : Nous démarrons les essais en champ, avec l’agriculteur. Nous examinons les maladies et ravageurs qui impactent la récolte. Après, on démarre notre processus de développement. Nous collaborons aussi avec des centres d’essais comme celui de Wavre-Sainte-Catherine, et une organisation agricole nous donnera un accès direct au monde agricole. La discussion avec les agriculteurs lors de foires ou d’événements est également une source d’inspiration.

Pour plus d’information, rendez-vous sur le site www.agrosavfe.be

D’après D.C.

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