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Retour sur l’emprise des « anomalies » climatiques

Alors que tout se présentait généralement bien avant l’hiver, le colza a connu une série de revers – comme jamais auparavant – qui ont mené à une récolte hyper précoce et très inférieure à ses potentialités.

Temps de lecture : 8 min

Après une moisson 2017 bouclée avant le 15 août, les semis de colza d’hiver ont pu être réalisés majoritairement durant la dernière décade de ce mois d’août, après ou avant quelques pluies favorables à une bonne préparation du sol et à une bonne levée de la culture qui a été régulière. La sécheresse qui avait déjà marqué cette année 2017 n’a pas pénalisé l’installation du colza d’hiver. Toutefois, des averses locales parfois importantes ont provoqué dans quelques parcelles, un ralentissement lié notamment à la phytotoxicité des herbicides et à des dégâts de limaces.

Le début du mois de septembre ayant été relativement frais, l’arrivée des insectes d’automne, principalement les altises, a été repérée lors de l’été indien fin septembre et a été maîtrisée par l’utilisation d’insecticides en végétation, puisqu’aucune désinfection insecticide n’est appliquée sur les semences de colza.

Le redoux en octobre a été favorable au bon développement de la végétation assurant à la culture de colza un bon départ pour une bonne entrée en hiver avec une bonne résistance au froid.

De nombreuses précipitations sont survenues à partir de la fin novembre. Le mois de décembre très sombre et très pluvieux et le mois de janvier 2018 également très humide ont pénalisé certains champs avec un moins bon drainage, laissant apparaître des colzas au feuillage rougeâtre. Le retour de pluies en hiver après une année 2017 marquée par la sécheresse a cependant été bénéfique pour reconstituer des réserves en eau.

Hiver tardif

L’arrivée tardive du froid hivernal avec un vortex polaire fin février 2018 suivie par une seconde vague de froid inattendue à la mi-mars avec des températures très négatives et un vent glacial, a impacté le colza d’hiver en détruisant très rapidement le feuillage et en déchaussant les plantes fragilisées dans les sols gorgés en eau.

Dès les premières hausses des températures, début mars, la surprise a été grande de déjà capturer de nombreux insectes, les premiers méligèthes et charançons de la tige arrivant même avant les stades sensibles (montaison et apparition des boutons floraux avant floraison).

Poussée du mercure et avortement massif de boutons floraux

Après deux vagues de froid à la fin de l’hiver, les sols étaient toujours froids. Le 8 avril, les températures battent des records de douceur et le vol de nombreux méligèthes est observé en colza. Le redémarrage des plantes au printemps a été accéléré lors de la montée rapide des températures dans la semaine du 16 au 22 avril battant des records à cette période et surtout avec des écarts de température de plus de 20ºC entre la nuit et le jour.

Très rapidement, des dégâts physiologiques exceptionnels apparaissent : des boutons floraux desséchés et n’évoluant pas vers une floraison normale malgré les bonnes températures, aussi bien sur la tige principale que sur les tiges secondaires. Des défauts d’alimentation de la plante avec des besoins très importants liés au développement du colza (croissance et formation de la partie reproductive) ont certainement constitué l’un des facteurs d’explication de ces avortements massifs de boutons floraux. Dans les essais, aucune différence variétale n’a pu être mise en évidence sur une sensibilité plus marquée d’une variété à l’autre.

De nombreux champs ont été touchés par ce phénomène jamais rencontré jusqu’alors avec une telle ampleur dans toutes les régions où le colza d’hiver est cultivé. Les doutes se sont installés sur une récupération éventuelle de la culture car sans boutons floraux, il n’y a ni fleur, ni silique avec graines possible. Au cours de la floraison, certains champs étaient plus touchés que d’autres.

Dans les cultures bien installées, on a pu observer la compensation partielle par le développement ultérieur de fleurs évoluant en siliques. Par contre, quelques champs de colza d’hiver ont dû être retournés suite à l’absence de fleurs et de siliques formées.

Ces situations catastrophiques inédites ont également été rencontrées dans nos pays voisins (Nord et Est de la France, Allemagne et Grand-Duché de Luxembourg) ayant également connu des extrêmes climatiques aussi importants au printemps 2018 et une pression exceptionnelle des méligèthes avant la floraison. La panique s’est installée à cette époque, ne sachant pas comment la culture allait évoluer.

La floraison s’est poursuivie normalement jusqu’à la mi-mai, dans les champs sans problème. Par contre, dans les champs à problème, elle a été retardée avec une formation plus tardive des siliques et une maturité également plus tardive. La floraison s’est déroulée sous le soleil. La durée d’ensoleillement a été importante en 2018, au grand bonheur des apiculteurs.

En plus des insectes adultes, de nombreuses larves d’insectes (altises et charançons de la tige) ont été observées à l’intérieur des tiges de colza, de même que dans les boutons floraux (méligèthes).

La taille du colza d’hiver était généralement plus courte en 2018, sans verse.

Fin de cycle sous la canicule

La fin de cycle a été caractérisée par des températures très élevées, voire caniculaires, et par une sécheresse de plus en plus marquée. Le temps orageux a également été favorable à l’arrivée d’une maladie de fin de cycle, l’alternaria, visible sur les siliques, dans certaines parcelles.

Les pluies qui surviennent d’ordinaire fin juin – début juillet sont généralement mises à profit par le colza pour remplir les siliques et assurer un bon poids de 1.000 grains, garantissant de bons rendements à la récolte. 2018 aura été unique par l’installation d’une sécheresse pénalisant le rendement final et par la répartition très inégale des précipitations dans les différents lieux de production.

Moisson exceptionnellement précoce

Les températures très élevées accompagnées de vent desséchant ont véritablement mis les cultures sous un grill accélérant la maturité de la culture. La récolte a été à la fois très précoce, dès le début du mois de juillet, et plus tardive pour les parcelles ayant fortement souffert au printemps.

Cette moisson exceptionnellement précoce aura livré des résultats très variables, avec un niveau moyen de rendement nettement inférieur aux rendements habituels. Récolté très sec, le colza a fourni un rendement moyen situé entre 3 et 3,5 t par ha ; les écarts sont très importants, de 1,5 à 4,5 t/ha.

La déception était grande lorsque les rendements obtenus étaient situés à des niveaux très faibles (1,5 à 3 t/ha). De tels rendements n’ont plus été observés ces dernières années grâce à l’amélioration génétique du colza et à la maîtrise technique des agriculteurs. Le climat 2018 aura eu son dernier mot. Les rendements de 5 t/ha ont été assez exceptionnels et rares cette année ; ils ont surtout été rencontrés dans des terres n’ayant jamais porté de colza.

Depuis la récolte très précoce en juillet, la sécheresse s’est encore accentuée. Les graines tombées au sol n’ont pas eu l’occasion de germer. Il y a donc actuellement très peu de repousses. Les averses sont attendues pour faire démarrer la germination de ces graines de la récolte 2018 pour éviter de retrouver ces repousses de colza dans les cultures suivantes. Elles seront également bienvenues pour les prochains semis de colza qui se feront dans le sec ou le très sec si aucune pluie n’intervient au mois d’août.

Les essais variétaux également sous pression

Les tableaux 1 et 2 présentent les résultats variétaux des essais menés à Gembloux. Le niveau de rendement atteint en 2018 proche de 4 tonnes par ha a été pénalisé par la sécheresse en fin de cycle. Il ne reflète pas le potentiel des variétés actuelles qui ont déjà pu atteindre des rendements supérieurs à 6 tonnes par ha dans de meilleures conditions. Les différents stress subis par les plantes de colza d’hiver durant la deuxième période de végétation en 2018 auront marqué la production de colza.

Le tableau 3 reprenant la synthèse pluriannuelle permet de voir le comportement des variétés au cours de plusieurs années d’essai, aidant à faire le meilleur choix variétal.

La « cerise sur le gâteau » : de la grêle au début juillet !

Un autre stress climatique est apparu sur la plateforme variétale installée à Thynes, entre Dinant et Ciney, dans le Condroz namurois (voir la photo en page 1 de cette édition). La grêle s’est invitée le 4 juillet, soit une semaine avant la date de récolte (12 juillet). De nombreux orages avec de la grêle ont d’ailleurs éclaté cette année en France.

Les dégâts de grêle liés à l’égrenage du colza presque mûr sont connus et toujours une source d’inquiétude avant la récolte. Cet événement climatique a des conséquences catastrophiques en colza à la veille de la récolte, liées à l’ouverture des siliques sensibles aux chocs mécaniques provoqués par les grêlons.

Des enseignements très intéressants ont pu être tirés car cet essai grêlé a tout de même révélé de grandes différences variétales (tableau 4). En effet, les 49 variétés, toutes du type hybride restauré, ont eu des comportements très variés. A côté de variétés complètement égrenées, d’autres présentaient des niveaux d’égrenage des siliques très différents.

Certaines variétés se sont d’ailleurs distinguées par une très faible ouverture des siliques, permettant une récolte avec un rendement inespéré après le passage de la grêle. Ceci est lié aux importants travaux des sélectionneurs de colza qui ont misé sur une indéhiscence des siliques trouvée dans le radis fourrager utilisé dans les croisements avec le colza. Ceci procure un avantage pour les variétés dont la récolte peut encore attendre que la maturité soit complète pour avoir des rendements supérieurs et aussi une moindre sensibilité à l’égrenage lors de la récolte (plantes secouées un niveau des lames de coupe et pertes de graines).

À suivre, dans notre prochaine édition : les variétés disponibles et les premiers conseils pour les semis.

Christine Verhaeghe-Cartrysse

, Appo

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