
Avant cette alerte commune, le directeur général de la Fao, Qu Dongyu, avait déjà attiré l’attention des leaders des pays du G20 – dans le cadre d’un sommet virtuel extraordinaire – sur l’importance « d’assurer que les chaînes de valeur alimentaires ne soient pas perturbées et qu’elles puissent continuer à bien fonctionner tout en favorisant la production et la disponibilité d’une nourriture saine, diversifiée et nutritive ».
Il a également assuré que, pour l’instant, les marchés alimentaires mondiaux étaient bien approvisionnés, tout en instant sur « la nécessité de prendre des mesures fortes afin de garantir la transparence et la stabilité des marchés nationaux et mondiaux, grâce à des informations opportunes et fiables ». À cette fin, il précise que « la Fao et le Système d’information sur les marchés agricoles continueront son travail de suivi des marchés alimentaires et fournira des informations régulières ».
Un plan d’urgence pour garantir l’approvisionnement alimentaire mondial
Pour atténuer les répercussions sur l’agriculture et les systèmes alimentaires mondiaux, la Fao propose aux pays de mettre en place des plans cohérents et solides. Via une feuille de route, l’organisation souligne l’importance de maintenir le commerce alimentaire mondial en particulier pour les pays importateurs de denrées alimentaires de base (pays africains principalement) qui sont particulièrement vulnérables en cas de ralentissement du volume commercial et de dévaluation monétaire. « À cette fin, il faudra empêcher les politiques protectionnistes, qui se sont manifestées sous la forme d’une hausse des taxes à l’exportation ou par des interdictions directes à l’exportation lors de la crise des prix des produits alimentaires en 2008 ».
L’organisation onusienne indique également qu’il est important de garder intactes (abordables, disponibles et accessibles) les chaînes d’approvisionnement. Pour assurer la sécurité des travailleurs impliqués dans les systèmes alimentaires, elle préconise « de mettre en place des mesures sanitaires dans chaque pays, d’autonomiser les politiques favorisant les congés maladies, la distanciation sociale et de renforcer les capacités, ou encore de fluidifier le processus de livraison des denrées alimentaires. Tout en interdisant l’accès des visiteurs aux sites de production, aux entrepôts et aux marchés de gros ».
En outre, la Fao propose aussi que des subventions pour les agriculteurs pauvres soient octroyées ainsi que des subventions pour relancer la production. « Les banques peuvent renoncer aux frais et prolonger leurs dates limites de paiement et financer des projets agricoles pour aider les agro-entreprises de petite et moyenne taille et leur main-d’œuvre à se maintenir ». Et d’ajouter que « pendant cette situation d’urgence, les gouvernements peuvent acheter des produits agricoles des petits agriculteurs afin d’établir des réserves d’urgence stratégiques à des fins humanitaires ».
Choc d’offre… et de demande, selon le PAM
Le Programme alimentaire mondial (PAM) insiste sur le caractère totalement inédit de la situation actuelle. « En général, nous sommes confrontés à un choc d’approvisionnement comme une sécheresse ou un choc de la demande comme une récession, mais ici ce sont les deux à la fois et à l’échelle mondiale. »
Les échanges de riz, soja, maïs et blé permettent chaque année de nourrir 2,8 milliards de personnes dans le monde, dont 212 millions en situation d’insécurité alimentaire chronique et 95 millions en situation d’insécurité alimentaire grave, poursuit le PAM. Pour de nombreux pays pauvres, les conséquences économiques seront plus dévastatrices que la maladie elle-même, prévient cette agence onusienne dans un tout récent rapport. L’Afrique, et en particulier l’Afrique sub-saharienne qui a importé plus de 40 millions de tonnes de céréales en 2018, est le continent le plus menacé. La Somalie et le Soudan du Sud sont les plus exposés à une perturbation des approvisionnements en céréales, tandis que d’autres, comme l’Angola, le Nigeria et le Tchad sont tributaires de leurs exportations pour payer les importations de denrées alimentaires.
Les pays exportateurs de pétrole, comme l’Iran et l’Irak, mais aussi le Yémen et la Syrie en proie à la guerre, comptent aussi parmi les plus menacés par les pénuries alimentaires. « Si les marchés mondiaux des céréales de base sont bien approvisionnés et les cours globalement bas, les denrées doivent voyager des greniers du monde vers leurs lieux de consommation. Les mesures de confinement mises en place pour lutter contre le Covid-19 commencent à poser des problèmes à cet égard », poursuit le PAM. Les ports d’exportation enregistrent çà et là des perturbations, dues par exemple à des mouvements sociaux en Argentine et au Brésil.
