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En élevage caprin: l’insémination artificielle pour accroître sa production et son cheptel

Visite chez François et Manon Lallemant-Drouguet du côté de Blanchefontaine qui élèvent près de 750 chèvres alpines. Lactations longues pour les unes, lactations courtes et insémination artificielle pour les autres, le schéma de reproduction permet au couple de travailler en circuit fermé tout en augmentant la production et le cheptel tant en qualité qu’en quantité. Rencontre.

Temps de lecture : 7 min

F rançois Lallemant est un amoureux des chèvres. Depuis tout petit, il rêve de lancer son élevage. À 10 ans, son oncle lui offre sa première chèvre. Elle ne restera pas longtemps seule puisqu’il agrandira leur nombre pour en élever une vingtaine en bon hobbyiste qu’il devient. Et si ces parents ne sont pas agriculteurs – ses grands-parents l’étaient –, il avait toutefois « l’envie de faire de la chèvre ».

Se donner le temps de réfléchir son projet

En 2010, à sa sortie de l’IPEA La Reid avec sa qualification technicien agricole en poche, il commence à travailler à l’usine le temps pour lui de réfléchir son projet de chèvrerie et de le concrétiser en indépendant complémentaire. Il se lancera en 2016 sur le terrain de sa grand-mère. « C’est l’année de la construction de mon premier bâtiment prévu pour 600 chèvres. J’ai eu l’occasion de racheter du terrain et de pouvoir baser mon élevage sur une quarantaine d’hectares de prairies. S’il veut s’orienter vers la Saanen, il ne trouve pas de lot assez conséquent pour commencer. Voulant rester en race pure, il s’oriente alors vers l’Alpine, qui produit un peu moins de lait mais qui a de meilleurs taux. Il commande donc 400 chevrettes dans une pépinière vendéenne, un groupement de commercialisation de reproducteurs caprins. Mon premier critère de choix : acheter des bonnes chèvres d’un lot pour démarrer de suite avec une bonne génétique. Le troupeau de départ est important pour partir sur de bonnes bases. »

« Avant de commencer, on avait déjà trouvé une laiterie demandeuse pour notre lait. » Il commence à traire début février 2017 quelque 360 jeunes mères. Pour sa1ère année de production 296.000 pour 360 chèvres traites. Il opte pour un carrousel de 48 places puisqu’il est alors seul sur l’exploitation.

En 2019, Manon Drouguet, sa compagne, arrive sur la chèvrerie. Cette même année, le cheptel à traire augmente, le taux de réforme également.

Un an plus tard, le couple agrandit l’étable. Celle-ci peut désormais accueillir 800 chèvres. Il en profite pour robotiser l’alimentation.

En termes de production pour l’année dernière, nous étions à 581.000 l de moyenne Aujourd’hui, 650 chèvres sont en lactation. L’année prochaine, nous devrions être à 780. Nous ne voulons pas dépasser les 800 laitières.« Avec l’augmentation du cheptel et la sélection, nous sommes à une moyenne de 1.050 l par chèvre. À termes, nous aimerions arriver à une production journalière moyenne minimum de 3,5 l par chèvre. C’est un objectif élevé mais avec la génétique il est clairement possible d’y parvenir. Certaines de nos chevrettes donnent déjà trois litres par jour dès leur première année. Autre levier pour y arriver : la bonne gestion de l’alimentation et la production des fourrages de qualité. »

Ici, nous sommes sur 45 ha de prairies de fauches. Les chèvres ne sortent pas et restent sur aire paillée toute l’année (1,5 m²/animal).

L’entièreté de la production part à la laiterie. « Il n’y a pas de volonté de transformation pour le moment. Peut-être un jour proposerons-nous de la glace, mais ce n’est pas d’actualité ! Le lait de chèvre est un marché de niche. »

Outre le gain de temps quotidien, le robot d’alimentation permet  de faire des économies en concentrés et d’éviter le gaspillage.
Outre le gain de temps quotidien, le robot d’alimentation permet de faire des économies en concentrés et d’éviter le gaspillage. - P-Y L.

L’IA pour travailler en circuit fermé

Chez les Lallemant, un tiers des bêtes sont mises à la reproduction. « Je garde quelque 200 chevrettes pour le renouvellement sur les 300 mises bas annuelles – groupées entre janvier et mars –, je vends les autres. »

L’objectif pour l’éleveur est de grandir en circuit fermé, avec ses propres jeunes. « Nous ne privilégions pas l’achat à l’extérieur. Il y a quelques années, nous avons fait le choix de l’insémination. Il a d’abord essayé avec une vingtaine de chèvres, il compte en inséminer une centaine cette année.

À leur un an, toutes les chevrettes sont mises au bouc. En fonction de leur première lactation, l’éleveur en choisira une cinquantaine de ses meilleures pour l’insémination. il les regroupera avec d’autres excellents animaux de 3 à 4 ans. La centaine d’autres mères ira de nouveau au bouc. Après deux ans les boucs partent généralement à la vente pour la repro.

« L’essai a été concluant. Le taux de réussite de l’IA se situe généralement entre 50 et 65 % et c’est une pratique qui coûte cher. Dans un élevage comme le nôtre qui a besoin d’une quinzaine de boucs par an, c’est rentable. Pour le moment, j’en ai une vingtaine. J’en sélectionnerai une quinzaine pour mes mères et tout le surplus sera revendu pour l’élevage. Je garde aussi d’autres boucs issus de la monte naturelle et qui ont une bonne génétique pour vendre en tant que reproducteur. J’ai 6 boucs adultes qui vont sauter mes chèvres en septembre et qui partiront en octobre pour d’autres élevages. La génétique inséminée et celle de mes boucs proviennent du même centre de sélection : Capgène. »

Une chèvre qui n’est pas plaine après une insémination, ne retournera jamais à l’insémination, comme toutes celles qui ont des problèmes de pis, de mises bas… Elles iront aux boucs et probablement dans les lots de lactations longues.

Vu que l’alpine a le pis qui « décroche plus facilement », le premier critère de sélection avec l’insémination pour François, c’est le pis. Viennent ensuite la taille, les membres et les bons aplombs.

Cette année, François Lallemant a inséminé une centaine  de ses chèvres en deux lots de 50 à 1h d’intervalle.
Cette année, François Lallemant a inséminé une centaine de ses chèvres en deux lots de 50 à 1h d’intervalle.

Les lactations longues

Si un tiers du cheptel va à la repro, les deux autres tiers sont en lactation longue. On retrouve parmi ces animaux des laitières qui ont eu un problème à la mise bas, un déséquilibre de pis, ou d’excellentes productrices pour lesquelles l’éleveur ne veut pas prendre le risque de leur faire refaire une nouvelle lactation.

« Avec l’alpine on peut vite retrouver des pis à terre après deux ans. Dès que je vois un pis qui grossit ou qui pend un peu, la chèvre est laissée en lactation longue pour éviter que le pis ne se décroche. En règle générale, nous les réformons à 4-5 ans. Si elle vient à dépasser les cinq ans, c’est en général une bonne chèvre qui tient bien sa lactation. On la laisse tranquille. J’ai d’ailleurs encore une centaine de chèvres qui produisent dans la durée et qui sont de ma première année. Elles iront sur leur 7e année l’année prochaine.

Dans ce système, certaines lactations ne varient pas. « Cela dépend de la génétique de la chèvre », précise François. « Plus on aura une chèvre en bonne santé, avec un bon pis et une bonne capacité d’ingestion, plus elle pourra tenir une bonne lactation (3 à 4 litres en moyenne), même sur plusieurs années. Notre objectif est de sélectionner des chèvres qui pourront durer dans le temps. »

Lors de la traite, François ne désinfecte les pis que durant la période de mise bas.  Il n’utilise des lingettes désinfectantes que si les pis sont vraiment sales.  L’éleveur ne dénombre que peu de problème aux mamelles. Le travail préventif paie.
Lors de la traite, François ne désinfecte les pis que durant la période de mise bas. Il n’utilise des lingettes désinfectantes que si les pis sont vraiment sales. L’éleveur ne dénombre que peu de problème aux mamelles. Le travail préventif paie.

« Chez nous, la classification doit être améliorée »

Pour François, la classification en élevage caprin doit pouvoir être améliorée. « Ne fut-ce déjà simplement que par la création d’un contrôle laitier. » Il pourrait envoyer lui-même ses échantillons pour analyse, mais c’est juste inenvisageable en termes de coût.

« En outre, nous n’avons pas accès aux boucs génotypés en France. Nous aimerions participer en tant que Belges au programme de sélection génétique pour bénéficier des avancées dans la sélection mais le secteur wallon n’a que peu de poids. »

« Pour évoluer en chèvre, la classification nous permettrait de pouvoir choisir des reproducteurs améliorateurs en fonction de nos critères de sélection pour gommer les défauts de nos animaux… mais pour le moment nous n’avons pas ces données. Nous avançons surtout à vue », regrette François. « Si davantage d’éleveurs se montraient intéressés, les choses pourraient avancer plus rapidement pour le secteur », sourit-il.

P-Y L.

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