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Malgré dix ans de croissance, toujours trop peu d’agneaux pour alimenter le marché wallon

Le début du XXe siècle a vu la pratique de l’élevage ovin se perdre au sein de nos campagnes, au profit de l’élevage bovin. Aujourd’hui, par manque de tradition, le secteur ovin wallon manque encore et toujours d’éleveurs professionnels et surtout d’agneaux pour satisfaire la demande du consommateur. Au niveau belge, à ce jour, seuls 16 % de la viande ovine consommée sont produits localement.

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Depuis ces 10 dernières années, le secteur connaît un réel engouement en Wallonie. En 5 ans (de 2015 à 2020), le nombre d’éleveurs professionnels a été multiplié par 1,2 , et même par 1,7 en 10 ans, passant de 320 éleveurs en 2010 à 459 en 2015 et 541 en 2020. Quant au nombre de brebis, il a été multiplié par 1,2 ces 5 dernières années, la Wallonie comptant en 2020 quelques 50.000 brebis « professionnelles » sur son territoire (soit 82.000 brebis au total, en considérant également les détenteurs hobbyistes de 30 brebis et moins).

Le secteur professionnel est principalement axé sur la production de viande et l’entretien des réserves naturelles. L’élevage ovin laitier est également en pleine expansion, avec, en 5 ans (2015 – 2020), un nombre d’éleveurs qui a été multiplié par 1,9 et un nombre de brebis qui a été multiplié par 1,75. Cependant, la production de lait de brebis en Wallonie reste marginale, avec un nombre de brebis laitières estimé à 3.500 en 2020 pour environ 37 éleveurs, et avec un taux d’auto-approvisionnement très probablement inférieur à 10 %. Contrairement à l’élevage bovin laitier, le pendant ovin wallon est quasi systématiquement un élevage « mixte » alliant production de lait et production de viande au sein de la même ferme.

L’éleveur ovin wallon détient en moyenne 92 brebis, ou encore 131 brebis en moyenne dans les cheptels de 50 brebis et plus. Comparé à l’éleveur ovin français qui détient en moyenne 238 brebis par exploitation (cheptels de 50 brebis et plus), ledit élevage se doit encore de gagner en professionnalisation.

485 brebis sont nécessaire pour vivre du mouton en production viandeuse (soit pour occuper un agriculteur à temps plein sur l’exploitation). En Wallonie, à ce jour, seules 8 exploitations atteignent un tel cheptel…

Un prix au producteur favorable

Ce développement est probablement à lier au développement des filières de commercialisation de proximité et au prix aujourd’hui payé à l’éleveur, à la hausse et relativement favorable. Il est à noter que ces filières se centrent toutes sur la production d’agneaux de conformation bouchère.

Ainsi, selon l’observatoire du Collège des Producteurs, le prix moyen en filières de commercialisation de proximité était en moyenne de l’ordre de 7,1€/kg carcasse cette fin 2021, avec un prix moyen en conventionnel de 6,8 €/kg carcasse et un prix moyen en bio de 7,8 €/kg carcasse. En 2017, les acteurs de la filière ovine estimaient à 5,5 €/kg carcasse le prix moyen en conventionnel et à 6,5 €/kg carcasse le prix moyen en bio.

Ce premier trimestre 2022 a vu une nouvelle augmentation des prix au producteur, de l’ordre de 5 à 19 %, aussi bien en bio qu’en conventionnel. Ainsi, le prix en filières de commercialisation de proximité peut s’élever au mieux à 7,8 €/kg carcasse en conventionnel et à 9,5 €/kg carcasse en bio (prix moyen non déterminé). A titre de comparaison, le prix moyen en France en février 2022 était de 7,54 €/kg carcasse, soit une hausse de 8 % par rapport au prix de février 2021.

Tout porte à croire que ces prix favorables vont se maintenir, leur évolution étant directement liée au marché mondial de la viande ovine. De fait, ce marché mondial fait face à une pénurie en viande d’agneau suite à l’impact de la peste porcine africaine (2018) qui a décimé le cheptel porcin chinois, à l’impact du Brexit et, surtout, à une demande en viande ovine continuellement croissante en Chine, Amérique du Nord et Asie du Sud-Est. Dans ce contexte, les exportations ovines néo-zélandaises se sont fortement réorientées vers le marché asiatique, au détriment du marché européen. Plus que jamais, la Chine est le premier importateur de viande ovine néo-zélandaise. Il en résulte une flambée mondiale des cours de l’agneau depuis début 2021. Ainsi, le prix moyen des carcasses d’agneaux réfrigérées importées en France était de 7,7 €/kg en décembre 2021, soit une hausse de 32 % par rapport au prix moyen de décembre 2020 !

Il est à noter que la laine ne permet malheureusement actuellement pas d’apporter une quelconque rémunération à l’éleveur. En 2021, la laine en suint de qualité était payée 0,6 €/kg alors qu’en 2016, avec une moyenne de 2,3 kg par brebis, nous estimions son prix de revient à 3,35 €/kg.

Le nombre d’éleveurs ovins wallons est passé de 320 en 2010 à 541 en 2020.
Le nombre d’éleveurs ovins wallons est passé de 320 en 2010 à 541 en 2020.

Des coûts de production élevés

Toutefois, cette augmentation des prix au producteur se fait dans un contexte de flambée des coûts de production, et permet donc probablement avant tout de couvrir cette augmentation des intrants. L’IPAMPA - ou Indice de Prix d’Achat des Moyens de Production Agricole - calculé par l’Institut de l’Elevage en France, qui traduit l’évolution d’environ ¾ de la globalité des charges de l’atelier ovin, a montré une évolution de + 19,7 % sur ces 12 derniers mois.

Et déjà avant cette flambée des coûts de production, les estimations théoriques de revenu réalisées par le Collège des Producteurs pour l’année 2020 permettaient seulement d’avoisiner la rémunération fixée par le barème de la Commission paritaire 144 relative à l’agriculture, aides PAC inclues. Pour atteindre ce salaire horaire de 10,95 €/heure – ou 1.595 € bruts/ mois -, l’éleveur aurait dû, en théorie, gagner 6 € de plus par brebis. Autrement dit, le prix de revient en conventionnel en 2020 – ou prix au producteur à atteindre pour couvrir les coûts de production – était théoriquement de 6,9 €/kg carcasse, alors que le prix moyen en filières de commercialisation de proximité était de l’ordre de 6,5 €/kg carcasse.

A titre de comparaison, pour l’année 2021, le prix de revient en France intégrant une rémunération de l’éleveur de 2 SMIC (soit environ le double de celle reprise par la Commission paritaire 144) était fixé à 8,8 €/kg carcasse pour les systèmes fourragers et à 9,13 €/kg carcasse pour les systèmes herbagers (hors zones de montagne). Ce prix de revient est un prix moyen incluant tant les systèmes conventionnels que les systèmes en agriculture biologique.

Toutefois, de nombreux leviers techniques peuvent être mis en place au niveau de l’exploitation afin d’améliorer la rentabilité de l’élevage ovin, en réduisant les coûts de production. Le secret d’une exploitation ovine rentable repose dans la technicité de l’éleveur.

N’oublions pas également que l’autonomie alimentaire impacte fortement le revenu des exploitations et que l’herbe reste un des aliments les moins chers. Or les exploitations ovines valorisent avant tout l’herbe, qui constitue 82 % de la ration de la brebis selon l’Institut de l’Elevage ; les exploitations ovines affichent donc généralement une autonomie alimentaire élevée et sont plus faiblement dépendantes des intrants et de la flambée de leurs cours.

Le secret d’une exploitation ovine rentable repose dans la technicité de l’éleveur.
Le secret d’une exploitation ovine rentable repose dans la technicité de l’éleveur.

Le mouton, un outil agroécologique

Autre levier d’amélioration du revenu de l’atelier ovin : tirer parti des atouts agroécologiques du mouton ! Le mouton, c’est une barre de coupe à l’avant et un épandeur à l’arrière ! Le mouton, de par sa taille et son piétinement léger, permet d’envisager une belle complémentarité avec de nombreuses cultures, céréalières et autres (vergers, pépinières, …). Le pâturage des terres de culture est en plein développement en Wallonie (de 75 ha en 2018 à 1250 ha en 2021), fournissant un nouveau fourrage pour les moutons mais également de nombreux avantages pour les cultivateurs (regard positif du citoyen, réduction de la pression en limaces et autres ravageurs, ...). Certains éleveurs wallons ont ainsi développé un système autonome en fourrage axé avant tout sur le pâturage chez d’autres agriculteurs, avec une part de la ration en fourrages en autonomie alimentaire « externe » pouvant aller jusqu’à 80 % !

Le pâturage mixte entre bovins et ovins offre également une belle complémentarité, entre autres en termes d’optimisation des surfaces agricoles et de gestion du parasitisme.

Toujours trop peu d’agneaux pour répondre au marché

Les nombreux atouts de l’ovin en font une spéculation de plus en plus présente sur le territoire wallon. Et les volumes commercialisés par les filières de proximité wallonnes ne cessent de croître : environ 6000 agneaux en 2017 contre quelques 13.000 agneaux en 2020, dont ~30 % en bio.

Avec une différence de prix entre l’agneau importé et l’agneau local qui ne cesse de s’amenuiser suite à la flambée du cours de l’agneau au niveau mondial, l’agneau wallon semble plus que jamais tentant pour le boucher, et la demande en viande ovine wallonne n’a jamais été aussi forte, malgré des prix au producteur soutenus.

Toutefois, la filière ovine wallonne est aujourd’hui incapable de satisfaire la demande de nombreux bouchers et l’agneau wallon reste quasi absent en grande distribution. Le premier frein de la filière reste donc son manque de production de viande, et de lait. C’est dans ce contexte que la Wallonie, à travers son Plan de relance, a décidé de soutenir le développement de l’élevage ovin professionnel sur son territoire.

Au-delà de l’appel à candidatures lié au Plan de relance, les éleveurs et futurs éleveurs désireux de s’informer sur l’élevage ovin peuvent trouver de nombreuses informations techniques ainsi que toutes les offres de services et conseil spécifiques disponibles sur www.reseau-ovins-caprins.be

D'après Christel Daniaux

Collège des Producteurs

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