Chez les frères Baikrich: d’un élevage de 50 moutons à la création d’une filière pour écouler des agneaux toute l’année
Bien que la filière ovine se développe en Wallonie, les éleveurs sont toujours à la recherche de débouchés. Et pour y arriver, certains d’entre eux ont décidé d’unir leurs forces pour rationaliser leurs coûts et négocier un prix convenable. C’est le cas des frères Baikrich, installés dans la région de Bastogne, qui ont développé en collaboration avec d’autres éleveurs l’agneau Joyau, une filière ovine wallonne de qualité. Rencontre avec Florian qui nous explique la démarche.

C’est en 2011 que Florian et son frère, Sébastien, décident de se lancer dans un petit élevage ovin commun. Travaillant alors tous les deux au Grand-Duché de Luxembourg, ils commencent par acheter une cinquantaine de brebis.
Fils de boucher, ils veulent rapidement s’agrandir avec l’achat d’un nouveau troupeau. « Nous avons dû rapidement nous rendre à l’évidence : la commercialisation est compliquée », explique Florian. « Si nous voulions travailler avec un chevilleur de la région, il lui était plus facile de revendre à sa clientèle des agneaux anglais toute l’année. »
Certains bouchers se disaient prêts à acheter de l’agneau local pour autant que la régularité tant au niveau de la qualité que de l’approvisionnement soit au rendez-vous. Et pour y arriver, il était nécessaire aux deux frères de repenser leur élevage. « Notre objectif était donc de pouvoir nous organiser à l’avenir de sorte de pouvoir vendre des agneaux toute l’année. »
D’une activité complémentaire à une activité principale
En 2014, Florian a l’occasion de reprendre une exploitation du côté de sa belle famille. « C’est là que j’ai su louer de la surface et reprendre un troupeau de bovins allaitants. Je me suis installé en activité principale avec deux sites d’exploitation : à Wardin et à Flamierge.
Il dispose dès lors de 150 ha, dont 40 ha de cultures pour produire la plupart des céréales qui seront consommées pour la plupart sur l’exploitation. À côté du maïs ensilage, il produit de l’épeautre, de l’orge, de l’escourgeon, du triticale de l’avoine et de la féverole. « Cette dernière rentre dans les mesures agro-environnementales et climatiques. Elle permet de soigner les brebis en limitant l’achat de lin, et donc de limiter les coûts. »
S’il construit un nouveau bâtiment pour les bovins, les moutons lui permettent de valoriser les anciens bâtiments. « Avec des planches, on peut tenir des moutons », sourit-il. « Cela demande très peu de capital. Le niveau d’investissement est donc très raisonnable, d’autant que l’investissement en capital bétail est beaucoup moins important qu’en bovin. »
La solution: désaisonner
C’est en 2017 que les deux frères opèrent un grand changement dans leur élevage ovin. « Nous avons scindé les troupeaux tout en nous engageant avec la race Île de France. Elle a cet avantage de pouvoir désaisonner et nous permettre ainsi de produire des agneaux toute l’année. »
Après une visite de l’élevage Devillers à Marchin, Sébastien convainc son frère de suivre l’exemple. « Nous avons donc rencontré Jean (Devillers, Ndlr) pour lui acheter des agnelles et fonctionner en système accéléré, soit faire agneler leurs brebis trois fois en 2 ans », explique Florian, chez qui près de 80 % des brebis sont dans ledit système. « Mon frère est à intervalle agnelage de 10 mois et moi à 11, au lieu de 12. » À l’exception de juillet, mois de repos, les deux frères alternent leurs agnelages de sorte de pouvoir produire des agneaux tous les mois (Sébastien : en août, octobre, décembre, février, avril et juin ; Florian : en septembre, novembre, janvier, mars et mai).
« Lorsque nous sevrons les brebis, nous les remettons toujours avec le bélier. » De la sorte, les deux frères avancent les chaleurs. » Avec cinq lots de brebis, Sébastien prévoit six périodes d’agnelage sur l’année, quand Florian en prévoit cinq avec 4 troupeaux, en y incorporant à chaque fois des agnelles. « Avec ce système, nous devons faire échographier toutes les brebis. »
Une planification bien orchestrée
« Notre calendrier est établi pour toute l’année, les dates de lutte et d’agnelage le sont aussi. Nous laissons généralement les béliers six semaines dans les lots et les retirons au moins 28 jours avant la date fixée pour l’échographie. » Elles sont réalisées 11 fois par an, six chez Sébastien et cinq chez Florian.
Les brebis qui ne sont pas pleines peuvent être réformées ou intégrées à un autre lot. « Nous ne voulons pas perdre de temps ! »
Au moment de l’échographie, le nombre d’agneaux par brebis est dénombré. Les pleines de 1 et 2 agneaux pourront rester dehors en hiver, tandis que les brebis portant trois agneaux pourront rentrer en bergerie, suivant leur état d’engraissement.
En fonction du nombre d’agneaux qu’elles portent, les brebis seront soignées différemment en fonction du nombre d’embryons. Une brebis qui a un agneau recevra 200 g de céréales quand une mère de jumeaux en recevra 400g…
La filière Joyau
Malgré une commercialisation des agneaux compliquée auprès de leurs bouchers, la qualité de leur production plaisait à la clientèle. En 2018, l’abattoir de Bastogne ferme ses
Un mélange mis en place par leurs soins
La brebis : une faucheuse à l’avant, un épandeur à l’arrière !
« Le mouton pour moi, c’est une spéculation formidable pour quelqu’un qui voudrait se lancer dans une diversification ou dans une activité complémentaire. Si le capital pour démarrer est faible, c’est une production pour laquelle il y a de la demande. »
Florian y voit un autre attrait : « Je dois faire du verdissement puisque j’ai des cultures sur lesquelles je dois implanter des surfaces d’intérêts écologiques(SIE). Mon frère et moi nous sommes donc équipés avec un semoir pour faire du non-labour. Nous nous sommes rapidement rendu compte que le pâturage par les brebis des couverts végétaux était positif. Aujourd’hui, nous « jouons » avec ! Nous implantons les SIE dont on a besoin en surface et dès qu’une terre se libère, on plante de l’épeautre, du triticale… Après la moisson du mois d’août, au lieu d’aller simplement déchaumer, j’ai encore planté des radis en sachant que je replanterais au 15 octobre du triticale. Tout cela pour nous permettre d’y mettre les brebis avant les céréales. Je n’ai plus besoin de la Pac pour me forcer à implanter de telles surfaces. On en fait d’ailleurs davantage que ce qui nous est demandé. Il est intéressant de le faire, non seulement pour l’apport d’azote dans les parcelles, mais aussi pour bien soigner les brebis. Elles valorisent vraiment bien le couvert. À savoir que les brebis n’ont pas besoin de vermifuges pour aller dans les couverts. C’est du gagnant-gagnant pour tout mon élevage. Nous sommes revenus sur nos a priori négatifs de la méthode. »
Le problème pour ce système étant la pose de clôtures, nous nous sommes équipés d’un quad dédié à la pose de clôtures mobiles. Il permet de gagner un temps précieux au moment de dessiner les parcelles.
« J’aimerais bien aller plus loin dans la démarche en les faisant passer davantage sur les parcelles entre les cultures pour nettoyer le sol. Elles pourraient être très utiles pour limiter l’usage d’herbicides. »
Il poursuit : « Mon frère met aussi ses brebis chez des tiers. Nombre de personnes implantent des prairies temporaires en automne, période durant laquelle on ne sait ni faucher, ni mettre des bovins au risque de les abîmer. Les brebis, elles, peuvent les pâturer, pour rendre à la belle saison un semis magnifique. »
« Aujourd’hui, nombre d’agriculteurs cultivent de plus en plus. Ils ont tout intérêt à s’associer à un berger pour nettoyer les parcelles. Un éleveur n’a pas besoin d’avoir beaucoup d’espace pour tenir des moutons, mais il doit pouvoir organiser ses pâturages.