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Histoires cochonnes

Temps de lecture : 4 min

Sans doute n’ont-ils jamais entendu parler de la peste porcine africaine… Depuis une dizaine de jours, mon bosquet de chênes centenaires est devenu le « Bed & Breakfast » d’une famille de sangliers. Chaque matin, vers huit heures, je vais saluer mes copains et essayer de les compter. Ils sont au nombre de vingt ou vingt-cinq, environ : trois grosses laies hirsutes et toute une flopée de bêtes rousses et de marcassins. Museaux au sol, ils se bâfrent de glands en couinant et grognant. Cette année, ils ont le poil brillant d’animaux bien nourris, rien de comparable avec les sangliers anémiques, pelés et poussiéreux des parcs animaliers. Une laie monte la garde et m’observe ; elle a tracé un cercle virtuel d’environ trente mètres autour de sa tribu. Si je le franchis, même en douceur, elle donne l’alerte et la bande s’enfuit à une vitesse stupéfiante. Et la nuit suivante, ils reviennent se taper la cloche sous le couvert des arbres. Ceux-là ne sont pas malades, à n’en pas douter !

Et pour cause ! Au mois d’août, ces trois laies et leurs rejetons ont déjà sévi dans un champ de céréale, non loin de chez nous. Ce sont des fins gourmets, voyez-vous ! Ils investissent de préférence les avoines « bio » et dédaignent les conventionnelles traitées aux pesticides. Même phénomène pour les parcelles de pommes de terre : celles arrosées au défanant les attirent beaucoup moins que les patates « nature ». Mes sangliers seraient-ils écolos ? Leurs museaux hypersensibles ont-ils détecté des substances moins appétissantes ? Les glands de nos chênes, quant à eux, semblent tout à fait combler leurs attentes. Les fruits des chênes sont très nourrissants ! Autrefois, jusque voici 150 ans, les villageois ardennais louaient les services d’un porcher pour emmener leurs cochons à la glandée en forêt, durant les mois d’automne. Aux alentours de Noël, les animaux bien gras étaient abattus, mis aux saloirs et fumés au cours d’un long rituel festif. À l’époque, le fabuleux jambon d’Ardenne n’avait pas d’IGP, encore moins d’AOP ou de STG, mais provenait réellement d’Ardenne, et non d’une ferme industrielle flamande, comme c’est le plus souvent le cas aujourd’hui… Nourris au soya OGM argentin ou brésilien, le goût de leur chair est assurément bien fade, comparée à celle des coureurs des bois de nos lointains aïeux.

En ces temps-là, les cochons de ferme ressemblaient fort à leurs cousins sangliers. Ils servaient aussi, paraît-il, -et bien des légendes le confirment –, d’animaux de défense pour les villages isolés. Lors des hivers très rudes, les loups n’hésitaient pas à pénétrer dans les bergeries pour prélever une proie. Peu de chiens se risquaient à les attaquer, tandis que les porcs d’alors, au cuir épais et aux dentitions redoutables, les craignaient beaucoup moins. Les paysans laissaient donc leurs cochons en liberté dans un enclos autour de la ferme, et les fauves hésitaient à venir les défier. On a vite pris un mauvais coup, avec ces lascars de porcs, toujours prêts à jouer un tour de cochon ! Les Nifnif, Nafnaf et Noufnouf d’alors n’avaient rien d’inoffensif et ne craignaient nullement les Grands Méchants Loups. C’est bien connu, les porcs sauvages et les sangliers ont un vrai caractère de cochon…

À l’heure d’aujourd’hui, les sangliers n’ont plus de prédateurs naturels, si ce n’est le Grand Méchant Virus de la peste africaine. Nul ne sait quel vent mauvais venu de l’Est l’a apporté en Gaume. Il a franchi d’un bond des centaines de kilomètres sur son balai de sorcière. Un voyageur aurait-il abandonné de la viande contaminée sur un relais autoroutier ? Un éleveur-chasseur de sangliers aurait-il importé un animal porteur du virus ? Les chasseurs ne sont tout de même pas stupides à ce point-là ; ce serait faire affront à leur intelligence, à leur bon sens le plus élémentaire. Quoique… De plus en plus, dans leurs investigations, les enquêteurs se demandent si les témoignages qu’ils collectent sont du lard, ou du cochon !

Évidemment, au bout du compte, le cochon payeur ne sera autre que l’élevage porcin, et nos innocents porcs tout roses et tout gras, avec leur groin sympathique et leur queue en tire-bouchon. « Ma » petite horde de sangliers, quant à elle, attablée chaque nuit dans mon bosquet de chênes B&B, vit en toute ignorance et en toute innocence ses dernières heures de quiétude, avant le 1er octobre et l’ouverture des battues. Où vont-ils alors se réfugier ? Parviendront-ils à échapper aux balles des chasseurs, au virus africain importé et disséminé par l’inconscience de certains individus ? Dans cette histoire cochonne, c’est à se demander qui est le plus bête : l’homme ou l’animal ?

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