pour les agriculteurs
« Le potentiel de la Pac ne saurait être affaibli par un excès de bureaucratie » a souligné le Luxembourgeois devant la presse, ajoutant que ses services se sont interrogés sur les moyens de rendre l’agriculture plus attractive pour les générations présentes et futures. Et de rappeler que les agriculteurs consacrent chaque année 7 jours entiers à des tâches administratives.
Alléger les contraintessur les petites exploitations
Parmi les mesures phares, figure l’exemption des exploitations de moins de 10 ha des obligations de conditionnalité, ces règles environnementales qui conditionnent le versement des aides. Déjà dispensées de contrôles et de sanctions depuis 2024, ces petites structures verraient en outre leur paiement forfaitaire annuel doubler, passant de 1.250 € à 2.500 €. Des primes supplémentaires sont également prévues pour celles adoptant des pratiques écologiques exemplaires.
Les exploitations biologiques, de leur côté, bénéficieraient d’une reconnaissance automatique de conformité à certains critères environnementaux, une mesure destinée à valoriser leurs efforts tout en simplifiant les démarches.
Plus de flexibilitépour les États membres
La commission propose également de réduire la fréquence des contrôles à une inspection par an et d’accorder davantage de liberté aux États membres dans l’interprétation et l’application de certaines règles sensibles. C’est notamment le cas pour la définition des cours d’eau dans le cadre des bandes tampons (BCAE 4), ou encore pour les distances de pulvérisation des produits phytosanitaires.
Autre mesure emblématique : la modification de la définition des prairies permanentes (BCAE 1). Celles-ci seraient reconnues comme telles au bout de sept années sans labour, contre cinq actuellement, ce qui offre davantage de souplesse dans la gestion des prairies temporaires. De plus, la part maximale de prairies pouvant être converties en cultures passerait de 5 à 10 % par rapport au niveau de 2018.
Une Pacplus réactive face aux crises
Un autre aspect du texte concerne la gestion des crises. Il est ainsi proposé que la réserve agricole, dotée de 450 millions € par an, retrouve sa vocation première qui est d’atténuer les effets des perturbations du marché. En effet, ces dernières années, elle a été largement mobilisée pour faire face aux conséquences des catastrophes naturelles ou des crises sanitaires, en décalage avec sa finalité initiale. Pour pallier ce type d’événements, les États membres se verraient offrir une autre option, affecter jusqu’à 3 % de leurs paiements directs à la création d’un fonds d’urgence destiné à soutenir les exploitations confrontées à des aléas climatiques ou à des épizooties.
En complément, une nouvelle enveloppe permettra de financer jusqu’à 50.000 € d’aides à l’investissement par exploitation, notamment pour les jeunes agriculteurs, dans une logique de soutien à la compétitivité.
Enfin, la commission voudrait donner un élan à la numérisation du secteur agricole en commençant par s’assurer que chaque État membre désigne une autorité chargée d’élaborer et de mettre en œuvre une feuille de route visant à assurer et à maintenir l’interopérabilité et l’échange fluide de données.
Si la commission assure que l’ambition environnementale de la Pac reste intacte, plusieurs voix, notamment du côté des écologistes, expriment des réserves. « Réduire la bureaucratie est une première étape bienvenue », a reconnu l’eurodéputé autrichien Thomas Waitz, tout en rappelant que cela « ne suffit pas à garantir des revenus équitables aux petits agriculteurs ».
Il met également en garde contre le risque d’un affaiblissement de la protection de la biodiversité, estimant qu’« un environnement sain est essentiel à une agriculture durable ».
Alors que les négociations s’ouvrent entre les institutions européennes, un équilibre délicat devra être trouvé entre simplification administrative, soutien au monde agricole et impératifs environnementaux. Trois objectifs que l’UE peine encore à aligner pleinement.
Une étape qui en appelle d’autres
Les États membres et le parlement sont désormais appelés à s’emparer de ce vaste paquet législatif afin de l’examiner et de l’adopter dans les plus brefs délais
Elle portera notamment sur l’agriculture biologique (au deuxième trimestre), les transferts entre fonds de la Pac (d’ici quelques jours), l’éligibilité du chanvre aux aides Pac (au troisième trimestre) ainsi que l’enregistrement de l’utilisation des produits phytosanitaires (d’ici la fin de l’année). Par ailleurs, l’Exécutif publiera au second semestre une série de clarifications destinées à aider les États membres à exploiter les nouvelles flexibilités introduites.
La proposition de réforme de la Pac sera dévoilée le 16 juillet
L’eau et la bioéconomie, des stratégies phares
Un second paquet de mesures de simplification est également attendu d’ici la fin de l’année, cette fois sur les réglementations touchant à l’agriculture mais situées hors du champ de la Pac, notamment en matière environnementale et sanitaire.
Christophe Hansen insiste régulièrement sur le fait que ces cadres juridiques sont, aux dires des agriculteurs qu’il rencontre à travers l’UE, les plus problématiques. Le Comité européen de l’agriculture et de l’alimentation (Ebaf), chargé du suivi de la Vision sur l’Agriculture et l’alimentation et réunissant organisations professionnelles et représentants de la société civile, tiendra sa deuxième session au moment où vous lirez la présente édition, pour approfondir les discussions sur l’ensemble de ces sujets.
À cela s’ajoutent deux stratégies majeures, bien que portées par d’autres directions générales mais d’un impact crucial pour le secteur, l’une sur l’eau, attendue dès juin, et l’autre sur la bioéconomie, prévue pour l’automne. Autant de jalons qui, mis bout à bout, devraient nourrir une réforme plus globale de la Pac.
« Simplification oui, mais pas au détriment des enjeux essentiels »
Face à ces propositions, les réactions du monde agricole ne se sont pas fait attendre, notamment celle de la Fugea, qui appelle à aller plus loin pour répondre aux véritables attentes des agriculteurs.
Le syndicat reconnaît la nécessité de simplifier les démarches administratives, mais rappelle que ces mesures « ne répondent pas aux principales attentes exprimées lors de la colère agricole de 2024 », à savoir des revenus justes et un soutien effectif à la transition agroécologique.
Les agriculteurs attendent toujours des actions concrètes sur la question des prix, notamment via un renforcement de la directive sur les pratiques commerciales déloyales pour empêcher la vente des produits en dessous des coûts de production. Sur ce point, le syndicat déplore que « les annonces concrètes se font attendre ».
La Fugea insiste également sur l’importance d’un budget européen renforcé et géré au niveau communautaire, dénonçant les rumeurs d’un « budget raboté et renationalisé » qui seraient « inacceptables ». Elle déplore par ailleurs la renationalisation de certaines règles, qui risque de « niveler les ambitions environnementales et sociales vers le bas », ainsi que des annonces redondantes et un manque de prise en compte des enjeux liés à la préservation des prairies permanentes, essentielles pour un élevage viable.
Malgré ces critiques, elle salue plusieurs avancées, comme « la volonté de rassembler les visites de contrôle », l’augmentation de l’aide aux petits agriculteurs et l’allongement de la durée des prairies temporaires, qualifiée de « victoire pour les systèmes herbagers en rotation longue ».
Enfin, concernant la gestion des crises, le syndicat rappelle que « seule la régulation des marchés permettra de prévenir les crises économiques liées à la volatilité des prix ». Il attend désormais « des actes forts de la commission », tant pour le futur budget européen que pour la Pac, afin d’assurer « un financement suffisant, une régulation adaptée et une distribution des aides plus juste » pour relever les défis agricoles d’aujourd’hui et de demain.











