Accueil Economie

Le Verger du Sirieu, entre cidre et champagne

Au bout, la route essoufflée vient se poser au pied des champs. À côté, le verger confie sa voix à la vérité d’un silence, préparant les miracles des futurs bourgeonnements quand les bras tendus des pommiers dévoilent leurs premières offrandes. Autant de fleurs et toutes ces lumières que l’on attend pour s’étourdir un peu du parfum du printemps.

Temps de lecture : 6 min

Thieusies, dans ce Hainaut un peu brumeux, s’ébroue le Verger du Sirieu animé par la quatrième génération de la famille Veracx-Petitjean.

La beauté d’un verger qui fleurit au printemps

« Mes grands-parents se sont installés ici en provenance de Flandre, juste après la deuxième guerre mondiale » pose Patrick Veracx qui fait tourner avec son fils Pierre l’exploitation familiale de polycultures (pommes de terre, betterave, froment, lin, et, parfois du maïs) qui comportait de l’élevage (du Blanc Bleu Belge et des laitières) jusqu’en 2010.

Professeur de chimie à temps partiel, Patrick Veracx décide d’implanter des arbres fruitiers (essentiellement des pommiers) en 2000, avouant qu’il avait depuis toujours eu l’envie de retrouver l’ambiance d’un verger qui fleurit au printemps.
Professeur de chimie à temps partiel, Patrick Veracx décide d’implanter des arbres fruitiers (essentiellement des pommiers) en 2000, avouant qu’il avait depuis toujours eu l’envie de retrouver l’ambiance d’un verger qui fleurit au printemps. - M-F V.

Professeur de chimie à temps partiel, il décide d’implanter des arbres fruitiers (essentiellement des pommiers) en 2000, avouant qu’il avait depuis toujours eu l’envie de retrouver l’ambiance d’un verger qui fleurit au printemps.

Il sollicite Marc Lateur, chercheur au Cra-w, pour obtenir des conseils au niveau de la pollinisation croisée entre différentes variétés d’arbres et les variétés de fruits les moins sensibles aux maladies. Le choix s’arrêtera sur 17 variétés différentes de reinettes (reinette étoilée, hernaut, evagil, gris braibant, capucine, cwastresse double.).

Un peu plus de 150 pommiers peuplent actuellement le verger haute-tige en haute valeur biologique situé devant la ferme tandis que quelques arbres égayent également l’arrière de la maison, offrant une jolie touche d’esthétisme à l’ensemble du lieu.

Reprise partielle de l’exploitation familiale et passage en bio

La famille Veracx a commencé par la vente directe de pommes, entre la fin août et décembre, avant d’enchaîner sur leur transformation en jus puis, en 2019, en cidre. Une production elle aussi vendue sur la ferme ainsi que dans des petits commerces locaux de la région (Soignies, Braine-le-Comte, Enghien et La Louvière).

Le Verger du Sirieu, c’est une affaire de famille. Anne Petitjean, au centre, espère pouvoir proposer le cidre sur les meilleures tables wallonnes.
Le Verger du Sirieu, c’est une affaire de famille. Anne Petitjean, au centre, espère pouvoir proposer le cidre sur les meilleures tables wallonnes. - M-F V.

Anne, l’épouse de Patrick, ambitionne pour sa part l’HoReCa où l’accord avec leur cidre pourrait séduire de nombreux clients en raison de son prix plus démocratique que le vin.

Cette diversification s’est inscrite dans le projet de reprise partielle de l’exploitation par son fils Pierre, en 2018, titulaire d’un graduat en agronomie décroché à Ath avant de se lancer dans une spécialisation d’un an en agriculture biologique à la haute école de la province de Namur (Hepn) à Ciney.

Une orientation qui pousse la famille Veracx à convertir le verger devenu effectivement bio en 2020, tandis que le cidre le sera en 2021.

Ce sera « Le cidre Saint-Vincent » du nom du patron de la ville de Soignies, de sa procession et du collège où enseigne Patrick, soucieux d’ancrer son produit dans le terroir.

Quand le champagne s’adapte à la pomme

La belle aventure du pétillant élixir à la robe dorée peut débuter. Il résulte du travail des Veracx père et fils qui commencent par mettre une partie du jus de pommes en fermentation. À l’abri de l’air, le moût, régulièrement prélevé pour analyse (Ph, évolution du taux de sucre), réalise sa première fermentation, suivie de plusieurs soutirages.

Le cidre repose dans des bouteilles à champagne qui peuvent résister jusqu’à 14 bar.
Le cidre repose dans des bouteilles à champagne qui peuvent résister jusqu’à 14 bar. - M-F V.

Deux mois plus tard vient le temps de remplir les bouteilles en y ajoutant une levure sélectionnée et une liqueur sucrée de raisins bio avant de les capsuler. La deuxième fermentation peut commencer, les levures vont se multiplier et le sucre ajouté se transformer. Une étape qui fait gagner 1 degré d’alcool supplémentaire au cidre tandis que la pression grimpe jusqu’à 6 bar.

« Ce sont des bouteilles à champagne qui peuvent résister jusqu’à 14 bar » précise Patrick.

Le cidre est parti pour un vieillissement de plusieurs mois, une durée qui peut même s’étendre à plusieurs années.

Arrive l’étape du « remuage », moment où les bouteilles sont secouées une par une à la main et placées à l’horizontale dans un « giroflex », un appareil qui les tourne de gauche à droite. Il s’agit de décoller le dépôt et favoriser son déplacement vers le col, sur la face interne de la capsule (ou bidule), sans le remettre en suspension.

Par rotations et inclinaisons successives, il les redresse peu à peu, pour les amener à la verticale, tête en bas, dans la position dite « sur pointe ».

La récolte, un moment convivial en famille et entre amis.
La récolte, un moment convivial en famille et entre amis.

Elles sont ensuite ressorties à la main et placées, toujours sur pointe, dans un casier pendant plusieurs semaines afin de tasser les levures.

C’est enfin l’étape clef du « dégorgement » qui s’effectue à l’aide d’une dégorgeuse qui bascule les bouteilles, les décapsulent avant que la bulle de CO2 n’arrive au goulot, expulsant ainsi les levures.

S’ensuivent la mise à niveau, le bouchonnage et le muselage. Les bouteilles sont lavées et, enfin, habillées de leur étiquette.

Après une très mauvaise année 2021, « on n’a pas eu beaucoup de pommes, on a juste fait du jus et quasiment pas de cidre » rembobine Patrick, 2022 est un bien meilleur cru avec une production de 5.000 litres de cidre.

Rien à déclarer ?

Certains travaux autour de l’élaboration du cidre sont pourtant chronophages, c’est le cas de la taille, qui dure plusieurs semaines, dont Pierre est seul en charge.

« Ce sont des arbres haute-tige, il faut aller très haut avec la perche et le sécateur électrique » illustre-t-il tandis que Patrick pointe la lourdeur des tâches administratives.

« A chaque grande étape de la fabrication du cidre nous devons prévenir les douanes qui doivent savoir à tout moment ce qui se passe dans la cidrerie, par exemple quand nous procédons au dégorgement » développe Patrick, ajoutant « il n’est pas rare qu’ils viennent sur place pour déterminer les volumes dans les cuves ou compter les bouteilles ».

Et ce n’est pas fini, puisqu’il lui faut payer les accises via leur site en ligne.

Les douanes leur ont par ailleurs demandé de réaliser une étude par laquelle ils ont dû démontrer qu’ils pouvaient vivre de leur activité en en tirant un revenu suffisant pour justifier la fabrication de cidre.

Il leur faudra aussi réaliser un autre dossier à destination de l’Afsca dans le cadre de l’autocontrôle. « Nous avons dû identifier, à chaque étape, tous les problèmes pouvant survenir durant la transformation, mettre en œuvre des pratiques permettant de les éviter et, enfin, de trouver une solution pour, le cas échéant, les résoudre ».

Enfin, le dernier contrôle concerne celui de Certysis dans le cadre de leur certification bio.

La biodiversité au cœur du projet

La cuvée Saint-Vincent s’apprécie particulièrement avec toutes les viandes blanches et le foie gras mais surtout avec le poisson et les moules. Elle ne s’associera toutefois avec les plats à base de tomate dont l’acidité s’ajoute à celle du cidre.

La faune et flore locales peuvent, elles aussi, profiter de ce petit paradis et de tous les aménagements qui ont été prévus, que ce soient des nichoirs, des hôtels à insectes, des bandes enherbées ou fleuries, des phacélies pour favoriser la pollinisation ou encore les 300 frênes que Patrick a planté le long du ruisseau qui arrose la ferme.
La faune et flore locales peuvent, elles aussi, profiter de ce petit paradis et de tous les aménagements qui ont été prévus, que ce soient des nichoirs, des hôtels à insectes, des bandes enherbées ou fleuries, des phacélies pour favoriser la pollinisation ou encore les 300 frênes que Patrick a planté le long du ruisseau qui arrose la ferme.

Au Verger du Sirieu, engagé dans de nombreuses Maec, tout est fait pour le développement et le maintien de la biodiversité. Il n’y fait pas bon vivre que pour la famille Veracx-Petitjean, leurs clients, les touristes d’un jour et autres promeneurs.

La faune et flore locales peuvent, elles aussi, profiter de ce petit paradis et de tous les aménagements qui ont été prévus, que ce soient des nichoirs, des hôtels à insectes, des bandes enherbées ou fleuries, des phacélies pour favoriser la pollinisation ou encore les 300 frênes que Patrick a planté le long du ruisseau qui arrose la ferme.

Marie-France Vienne

A lire aussi en Economie

Voir plus d'articles