Accueil Archive

Gardez-vous de semer vos céréales trop tôt !

Lorsque les conditions de sol sont bonnes pour les semis des céréales, la tentation est souvent grande de commencer trop tôt, avant la date recommandée. Or, semer trop tôt, c’est mettre la culture à venir en danger.

Temps de lecture : 5 min

Parmi les sujets d’actualité qui dominent autour de la culture des céréales, comme dans bien d’autres domaines, il est aussi de plus en plus question du changement climatique. On s’attend à devoir modifier des pratiques pour mieux gérer, par exemple les ennemis des cultures, ou bien encore l’eau des sols.

« Dans ce contexte, la date de semis est aujourd’hui un élément à considérer à part entière », observe Michel De Proft, du Centre wallon de recherches agronomiques. « En effet, on a longtemps eu l’habitude de ne pas vraiment choisir la date de semis, mais plutôt de la subir : on sème quand on peut, on sème dès qu’on peut. On sème dès que les terres sont libres, dès que les sols sont bons, dès que les conditions météorologiques ouvrent une fenêtre favorable, dès que le calendrier de l’exploitation le permet… ».

Depuis le début du siècle, le climat évolue significativement, et la question de la date de semis ne se pose plus de la même manière, ni pour les cultures de printemps, ni pour les cultures d’hiver.

« Pour les cultures de printemps comme la betterave ou le maïs, les hivers plus doux et les printemps plus précoces permettent de semer plus tôt. Ces cultures bénéficient donc d’une saison de végétation plus longue », observe l’expert.

Le climat change, mais pas la longueur du jour !

Imaginons que l’on sème des betteraves le 20 mars plutôt que le 5 avril et qu’on arrache à la mi-octobre : la culture gagne 14 jours d’activité photosynthétique, soit 7 %. C’est considérable.

Ces 14 jours gagnés au printemps, ce sont autant de jours intéressants, parce qu’ils permettent aux plantes d’être plus développées et donc plus efficaces pour la photosynthèse au cours des jours les plus longs de l’année. À nos latitudes, la durée du jour, le 1er mai, est de 14 heures et 46 minutes. Un mois plus tard, elle est de 16 heures et 10 minutes, soit une durée de jour plus longue de 9 %. Ces jours les plus longs, sont aussi ceux au cours desquels le soleil est le plus haut et où la lumière frappe le plus directement la surface terrestre.

On comprend que, si le réchauffement climatique permet d’avancer les semis de printemps, les cultures devraient être nettement plus exposées à la lumière et en bénéficier.

Mais qu’en est-il des céréales d’hiver ?

Faut-il aussi essayer de semer dès que possible en automne pour allonger la période de photosynthèse ? Évidemment pas. Le réchauffement climatique a tendance chez nous, à produire des automnes de plus en plus doux et prolongés, et les semis peuvent être retardés. Dans quelle mesure ? Un fait est certain : « la date de semis ne s’impose plus comme c’était largement le cas auparavant, mais se choisit », recommande Michel De Proft.

Attention : pas se précipiter en automne !

L’édition du Livre Blanc des céréales publiée en ce mois de septembre invite les céréaliculteurs à faire preuve de retenue à l’approche des semis des céréales d’hiver. Et cela, pour au moins cinq bonnes raisons.

Respecter l’intersaison pour limiter le risque de transmission et de développement de maladies

Les cultures annuelles permettent, si on s’y prend bien, de « nettoyer les campagnes ». Ces périodes d’absence de plantes hôtes entraînent la rupture des cycles biologiques de bien des pathogènes présentes sur les résidus et les repousses : septoriose, rouille jaune, piétin-verse, etc. « Le respect de l’intersaison permet d’écarter ce que les Anglo-Saxons appellent les « green bridges », les « ponts verts », c’est-à-dire la possibilité pour des pathogènes de passer d’une culture en fin de cycle à une jeune emblavure en profitant des repousses ou des résidus de culture ».

On sait qu’un semis précoce augmente potentiellement le nombre de cycles de développement des pathogènes, les premiers cycles pouvant dès lors avoir lieu en automne.

L’intersaison est aussi un moment où de petites interventions mécaniques s’avèrent souvent très efficaces plus combattre des adventices ou des limaces.

Risque de salissement des parcelles

Éviter les semis précipités, c’est aussi réduire un risque d’enherbement, d’autant plus élevé que les emblavures sont précocement en place. Des essais menés par la faculté Gx-ABT et le Cra-w de 2009 à 2013 ont très clairement mis en évidence qu’un report de la date de semis du froment d’hiver d’une quinzaine de jours permet de réduire fortement la pression des vulpins et des jouets du vent sur la culture.

Risque de gel et verse

Un autre risque auxquelles sont exposées les céréales semées trop tôt est celui d’un trop fort développement pré-hivernal, qui accroit les risques de gel et de verse. Semer plus tôt que la date recommandée entraîne une croissance plus importante de la culture avant l’hiver. Elle peut ainsi atteindre un stade de développement trop avancé qui ne lui permettra pas de résister au gel. Il peut régulièrement y avoir des températures basses en Belgique. Si la céréale a atteint le stade fin tallage lors du gel, elle risque d’être détruite. Semée plus tôt, la culture va aussi produire un plus grand nombre de talles qui conduiront à une végétation plus dense au printemps et à un risque de verse fortement accru. Une végétation trop drue crée aussi un microclimat plus humide favorable au développement des maladies fongiques.

Risque de transmission des viroses

La patience permet aussi d’éviter l’exposition aux insectes vecteurs de virus. Le mois de septembre et le début du mois d’octobre sont la période des vols de pucerons qui peuvent transmettre le virus de la jaunisse nanisante. Semer plus tôt équivaut donc à exposer plus longtemps la culture aux insectes et donc au virus. Si le risque est connu en escourgeon et demande chaque année d’être vigilant, il peut très bien être évité en froment en retardant légèrement la date de semis. Semer les escourgeons à partir de la fin septembre et les froments après la mi-octobre permet généralement d’éviter 2 traitements insecticides sur les escourgeons et tout traitement insecticide sur les froments.

Risque de frais supplémentaire pour la protection des cultures

Au final, un bon choix de la date de semis permet de simplifier la protection de la culture et de limiter le recours aux produits phytos.

Propos recueillis par M. de N

, d’après le Livre Blanc, septembre 2019

La Une

Voir plus d'articles
Le choix des lecteurs