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Opération « SOS busards » :

appel aux agriculteurs

pour les préserver

La semaine dernière, nos lecteurs des provinces du Hainaut, Brabant Wallon et de Namur ont reçu via leur hebdomadaire une fiche et un autocollant relatifs aux busards. L’occasion pour Natagriwal de sensibiliser les agriculteurs à la sauvegarde de ce rapace menacé chez nous.

Temps de lecture : 7 min

Trois espèces vivent en Wallonie : le busard des roseaux, le cendré et le Saint-Martin. Il est possible d’apercevoir ces rapaces à la belle saison dans nos plaines de culture. Il ne faut toutefois pas les confondre avec les buses variables. Si cette dernière est présente en abondance en Wallonie, les busards, eux, se font de plus en plus en rares.

Sur les 4 dernières années, on n’a recensé que deux nichées de busards cendrés en Wallonie. L’année dernière, aucun busard Saint-Martin n’a niché chez nous. Le busard des roseaux a des habitudes et un comportement différent de ses cousins. Il est un peu moins menacé et donc moins concerné par cet article. Pour comprendre leur déclin, il faut s’intéresser à leur façon de vivre et de se reproduire.

Les busards nichent au sol dans les champs de céréales

Les busards sont des oiseaux migrateurs qui passent l’hiver en Afrique et reviennent en Europe au printemps. Ils cherchent alors un lieu pour établir leur nid. Comme son nom l’indique, le busard des roseaux niche dans les roselières. Les deux autres busards nichent au sol, historiquement dans des prairies humides ou autres végétations herbacées hautes en plaine agricole. Leurs milieux de nidification historiques se raréfiant, les busards ont trouvé dans les cultures de céréales une belle alternative à leur habitat naturel. Occasionnellement, on peut observer des busards Saint-Martin en hiver chez nous. Certains Saint-Martin seulement s’en vont passer l’hiver en Afrique, mais d’autres restent en Europe, ou migrent juste de quelques centaines de km vers le sud pour l’hiver.

« Les busards, c’est bon pour les cultures » !

Une fois le nid installé, généralement en mai, les œufs sont pondus et mettront une trentaine de jours à éclore. Trente jours supplémentaires sont nécessaires pour permettre au jeune poussin de quitter le nid. Pendant cette période, les adultes chassent énormément et ramènent de nombreuses proies à leur progéniture.

Une famille de busard cendré avec 3 jeunes au nid attrape ainsi en moyenne 25 proies par jour, soit l’équivalent de 1.000 proies en un été. Un busard peut parcourir jusqu’à 10 km pour chasser et couvrir ainsi un territoire de 1.700 ha. Les proies des busards varient et dépendent surtout de la quantité de petits animaux disponibles dans la plaine.

En moyenne, 75 % de leur régime alimentaire est constitué de micromammifères (campagnols, etc.). Les 25 % restants sont surtout des petits passereaux (bruants, pipits, bergeronnettes, etc.), des gros insectes comme les sauterelles, quelques reptiles et amphibiens et très anecdotiquement seulement des oiseaux un peu plus gros.

Emile Vandevelde est fils d’agriculteur, dans la région de Beaumont. L’année dernière, un couple de busards cendrés a niché dans un de leurs champs de froment. Il témoigne : « les busards, c’est bon pour les cultures. Ils mangent énormément de rongeurs. J’ai vu les parents ramener au moins 10 rongeurs au nid en une matinée ».

Première étape : ne pas moissonner les nids !

Pour que la nichée soit un succès, le nid doit rester en place jusqu’à l’envol des jeunes, c’est-à-dire jusque fin juillet, voire début août. Les busards établissent leur nid préférentiellement dans les champs de froment, d’escourgeon ou de blé, ou dans les prairies temporaires semées en ray-grass. Protéger le nid lors de la moisson est une première étape cruciale. En pratique, il s’agit de localiser le nid dans la parcelle (avec des tuteurs par exemple) afin d’éviter la récolte sur la zone (de 1 à 4 ares). Cette zone doit aussi être protégée des prédateurs (renards par ex.) par une clôture temporaire. Un nid préservé de la moisson mais qui n’est pas protégé des prédateurs exposera les poussins au premier carnivore de passage. Il arrive même qu’un nid soit prédaté avant la récolte. La mise en place d’une clôture est donc également très importante. Le DNF propose aux agriculteurs ayant un nid de busards avéré et protégé dans leur parcelle une indemnité compensatoire (de 50 à 200 euros) calculée sur base de la valeur de la culture plus un forfait fixe pour le travail supplémentaire dû au contournement de la zone protégée pendant la récolte.

La famille Séverin, agriculteurs et chasseurs, est installée dans le village de Rouveroy. En 2010, un couple de Saint-Martin a niché sur leurs terres. La localisation du nid n’avait alors été possible qu’après la verse du froment suite à la fameuse tempête du 14 juillet. Depuis, la famille entière est passionnée par ces rapaces à la technique de chasse majestueuse. Il y a déjà eu plusieurs nichées dans les environs de l’exploitation. La famille indique que la protection des nids, chez eux ou avec les voisins, s’est toujours bien déroulée. « On a eu des nids dans la région en 2009, 2010, 2011 et 2012, qui ont tous été protégés soit par une clôture électrifiée, soit par un grillage rabaissé au-dessus et en-dessous. On apprécie particulièrement les observer lorsqu’ils ramènent des proies au nid. On voit la femelle qui s’envole, et là, le mâle surgit d’on ne sait où, il lâche la proie et la femelle la rattrape, en vol. Souvent au début, on se demande ce qu’ils fabriquent à faire des cabrioles comme ça dans les airs ».

Opération « SOS busards »

La détection des nids est très difficile, car les busards savent se montrer discrets. Les agriculteurs, qui connaissent par cœur leurs terres et qui sont souvent sur le terrain, sont des alliés incontournables pour détecter les busards nicheurs.

En pratique, à partir du mois d’avril, on peut soupçonner une nichée de busards si on observe un ou plusieurs busards de manière répétée, s’ils portent des brindilles ou s’ils échangent des proies en vol. La parade nuptiale, pendant laquelle un busard se laisse soudainement tomber avant de reprendre de la hauteur, est également un indice.

Si vous pensez avoir identifié un couple nicheur, appelez SOS busards au 081/39.18.17. Surtout, évitez de tracer un chemin à travers la céréale pour aller vérifier le lieu supposé de nidification, ce serait offrir aux renards et autres prédateurs une voie toute tracée vers le nid.

Emile Vandevelde raconte encore : « on avait remarqué un rapace qui se posait près de la ferme, mais on ne savait pas de quel rapace il s’agissait. Plus tard, on a découvert qu’il nichait chez nous et que c’était un busard cendré. La moisson était très avancée les poussins étaient trop jeunes pour s’envoler. J’ai aidé à la mise en place de la barrière électrique pour protéger le nid, mais en pratique l’agriculteur n’a rien à faire, c’est le DNF qui s’occupe de tout. On a préservé un carré de 20m x 20m environ. On a été indemnisé pour le carré non récolté. C’était une belle expérience, et j’espère qu’ils reviendront l’année prochaine. Ce qui était magnifique aussi, c’est de pouvoir les observer de si près. Ils sont impressionnants quand ils partent en piqué et rasent le sol ».

Des MAEC pour compléter les aménagements

La protection des nids est un premier pas pour préserver ces acrobates du ciel, mais ce n’est pas suffisant. Beaucoup de jeunes n’arrivent finalement pas à s’envoler pour l’Afrique en fin de saison, vraisemblablement par manque de nourriture. L’adoption de Méthodes Agro-Environnementales et Climatiques (MAEC) est un excellent moyen d’augmenter la capacité d’accueil de nos plaines de cultures pour ces redoutables prédateurs de rongeurs. Ces MAEC donnent droit à des indemnités compensatoires allant jusqu’à 1.500 €/ha.

Jean-François Séverin nous explique : « Pour moi, les busards sont arrivés dans la région grâce à l’implantation de MAEC vers 2006. À partir de cette année-là, on a eu une concentration relativement importante de bandes aménagées et de bandes enherbées. Quand elles sont fauchées, ça devient le terrain de chasse idéal des busards. Ils sont vraiment majestueux lorsqu’ils chassent à 1m du sol, et on peut voir qu’ils suivent vraiment les MAEC, surtout lorsqu’elles sont placées de manière à former un réseau. On espère avoir de nouveau une nichée dans nos terres, ne fut-ce que pour le plaisir. »

Les MAEC qui sont particulièrement favorables aux busards sont les tournières enherbées, la variante « céréales sur pied » des cultures favorables à l’environnement et les bandes et parcelles aménagées. Si un agriculteur possède déjà des bandes aménagées et désire faire un pas en plus pour les busards, il est possible de les élargir ou de les adapter. Pour plus de détails sur les différentes méthodes et leur mise en place, contactez le conseiller Natagriwal de votre région (accès par commune via www.natagriwal.be).

En Wallonie, en Belgique, et même en Europe, les busards sont des espèces protégées. La Wallonie et la Flandre se sont unies pour les protéger à travers un projet ambitieux cofinancé par l’Europe : le projet Life BNIP (www.life-BNIP.be). En Région wallonne, ce projet est piloté par le Service Public de Wallonie, en collaboration avec Natagora et Natagriwal.

D’après Julie Lebeau

Natagriwal asbl

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