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Pou, caillou, chou, genou, joujou,

bijou, hibou… : une histoire sans faim

Temps de lecture : 4 min

« On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs ». De vilains hiboux ont fait joujou avec un produit anti-poux, et mis les volaillers à genoux. Les consommateurs leur jettent des cailloux ; les médias leur rentrent dans le chou. L’Afsca en perd ses bijoux et cherche les ripoux.

C’est reparti comme dans les années 1990 ! Un bon petit scandale alimentaire est venu secouer le cocotier belge. On avait dit « Plus jamais ça ! », après la crise de la dioxine de 1999. À l’époque, le ministre de l’Agriculture Karel Pinxten et celui de la Santé Publique Marcel Colla avaient démissionné de leurs fonctions. Mais pour la crise du fipronil, personne n’a (encore) démissionné. Pourtant, comme pourrait dire Benoît Lutgen : « Les ministres, c’est un peu comme les langes pour bébé : il faut les changer souvent si on veut garder ses fesses au sec ».

Le seul ministre défenestrable, Willy Borsus, avait déjà déménagé à l’Élysette ; il a ainsi échappé à cette honte suprême et pu refiler la patate chaude à Denis Ducarme…

Toute la pression repose sur les producteurs et sur l’Afsca, laquelle n’en demandait pas tant. Bricolée de bric et de broc après l’épisode catastrophique de la dioxine, l’Agence semblait pourtant donner pleine assurance quant à sa fiabilité. Les normes ISO, l’autocontrôle, et autres pare-feu, n’ont pas suffi à empêcher les fabricants du Dega-16 d’y ajouter leur ingrédient secret, la surprise du chef, la pincée de perlin-pinpin-fipronil.

En fait, quel que soit le système de sécurité mis en place, il y aura toujours un petit malin qui trouvera une faille et s’y glissera. La crise actuelle ne constitue qu’une des multiples conséquences de l’industrialisation de l’aviculture, une histoire sans faim.

Revenons plusieurs décennies en arrière. Les élevages intensifs ont été inventés en réponse à une demande toute simple : fournir aux consommateurs des aliments bon marché, et en quantité. Au sortir de la guerre 40-45, après avoir mâchouillé tristement des rutabagas pendant cinq ans, les gens avaient faim de bonne nourriture. Un œuf de poule coûtait en ville une fortune, toute proportion gardée. Le ministre d’État André Cools a raconté souvent que sa mère faisait des ménages après journée ; elle gagnait en deux-trois heures « ône û pol’ gamin » », un œuf pour le gamin.

Dans les années 1960, je me rappelle que Maman vendait sa douzaine 50 francs belges (1,25 €), tandis que Papa gagnait 60 francs/heure (1,5 €) comme ouvrier. Au 16 août 2017, en commerce de gros, c’est-à-dire à un prix -j’espère- supérieur aux prix à la production, on a 100 œufs de 60 grammes pour 6,6 €, soit 1,10 euro/kg d’œuf, ou 0,8 € la douzaine. Si on prend le prix le plus élevé (élevage au sol, volière), il se situe à un peu moins de 10 euros/100 œufs de gros calibre (77,5g), on est à 1,30 euro/ kg, ou 1,21 €/douzaine, le prix des années ’60 !

En tenant compte de la dévaluation, Maman vendrait sa douzaine aujourd’hui à 25 euros, soit environ 2 €/œuf ! Pour ce prix de 2 €, on peut en acheter quasi une douzaine dans un magasin du hard-discount. Pour écraser, microniser les prix à une telle mesure, il a fallu mettre au point un système d’élevage industriel : nourrir les poules avec des céréales bon marché, du soya transgénique américain, assaisonnés de vitamines et autres bricoles ; les héberger dans des petites cages de format A4 (comme une feuille du Sillon Belge) ; automatiser la récolte des œufs, le nourrissage, l’enlèvement des déjections.

Et puis, quand les supermarchés ont regorgé d’œufs, de viennoiseries et de pâtes Lustucru bon marché, les consommateurs hypocrites se sont soudain émus pour ces pauvres petites poules, maltraitées par les vilains fermiers…

Alors, marche arrière toute ! Le système des poules en cages individuelles et sur grilles a été interdit. Seulement voilà, comme l’ont remarqué les éleveurs, ces dispositifs étaient beaucoup plus hygiéniques ; ils émettaient moins d’ammoniac, un gaz dangereux pour les personnes et mauvais pour le réchauffement climatique. En libre parcours et en volière, les animaux pataugent dans leurs fientes et papillonnent gaiement entre elles. Bonjour les verminoses et les poux!! Et pas n’importe lesquels : ces terribles poux rouges aux armées innombrables, véritables petits vampires assoiffés de sang qui s’attaquent également aux humains !

Alors, quand le Dega-16 a été proposé à la vente, les aviculteurs ont poussé un « ouf » de soulagement, tant ces poux rouges les rendaient fous. Vous connaissez la suite de l’aventure : une histoire sans faim pour les consommateurs, mais des problèmes sans fin pour les éleveurs de volaille…

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