Pour lutter contre la sécheresse, mieux vaut diversifier les cultures fourragères

La minéralisation de la matière organique va rapidement reprendre après le retour des pluies car l’aération en profondeur par la porosité et les crevasses causées par la sécheresse couplée à la chaleur du sol vont favoriser la multiplication des bactéries du sol. Celles-ci vont dégrader les résidus végétaux provenant de la sénescence des parties non consommées et la matière organique du sol. Il y aura donc une production importante d’azote sous forme minérale utilisable par les plantes et par conséquent il n’y a pas besoin de fertilisation azotée supplémentaire.

Sursemis ou rénovation totale ?

En prairies permanentes pâturées, si le gazon est fortement dégradé par un surpâturage, un sursemis est envisageable. Celui-ci doit avoir lieu dès le retour d’une humidité suffisante. Pour que les conditions de réussite soient rencontrées, il faut que le semis puisse avoir lieu idéalement avant la mi-septembre car au-delà, il y a un risque que les plantules soient détruites par le gel. Cela dépendra bien sûr des conditions de l’arrière-saison…

Le sursemis pourra aussi avoir lieu au début du printemps, entre mi-mars à mi-avril selon les régions. Si la superficie à rénover est importante il vaut mieux ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier car la réussite d’un sursemis garde toujours une certaine part aléatoire. Celui-ci est généralement opéré à la dose de 15 à 20 kg/ha de semences par ha. Il faut choisir des espèces et des variétés à implantation rapide par exemple du ray-grass anglais et du trèfle blanc. Attention, pour un sursemis avec des légumineuses, il est conseillé d’opérer au printemps car les plantules sont peu résistantes à l’hiver. On pourra par exemple sursemer avec du ray-grass anglais au retour des pluies et faire un passage avec du trèfle blanc au printemps après un premier pâturage si le couvert est encore trop clair.

En prairie permanente, si une rénovation totale est nécessaire, il faudra attendre pour procéder à la destruction du couvert entre le 1er février et le 31 mai. Il faudra, en outre, respecter les conditions légales suivantes : pas d’épandage d’azote organique pendant les 2 années qui suivent la destruction et pas d’apport d’azote minéral pendant la première année.

En général, les espèces prairiales peuvent revenir de façon assez surprenante après une sécheresse et le sursemis devrait permettre de reconstituer un gazon fermé qui pourra être productif dès le printemps prochain. Une rénovation totale par contre va occasionner une perte de production du fait de la destruction du couvert et du temps nécessaire à la germination et à la croissance des plantules.

Contrairement aux prairies permanentes, les prairies temporaires peuvent faire l’objet d’une rénovation totale dès cette année.

Laisser le temps à la flore de reconstituer ses réserves

C’est pourquoi, il convient en période de canicule, lorsque la pousse de l’herbe est nulle, quand le parcellaire le permet, d’éviter la dégradation des prairies permanentes en réservant plutôt une parcelle de prairie temporaire pour l’affouragement du bétail. Lorsque la croissance de l’herbe est ralentie par la sécheresse ou la canicule, en pâturage tournant, on a généralement tendance à « accélérer le pâturage ». Les animaux restent moins longtemps sur la parcelle car il y a moins d’herbe et donc il en résulte un raccourcissement des temps de repousse avant le retour des animaux sur la parcelle. La conséquence est une diminution encore plus importante de la production d’herbe et un affaiblissement des plantes qui n’ont plus le temps de reconstituer leurs réserves. Ces réserves sont principalement situées à la base des chaumes, c’est pourquoi il est important de ne pas raser trop bas pour conserver assez de réserves permettant une repousse rapide de l’herbe.

Donc, en situation de ralentissement ou d’arrêt de croissance, il faut augmenter les temps de repousses. Cela n’est possible que si on peut augmenter le nombre de parcelles du circuit de pâturage par exemple en faisant pâturer des regains ou en affourageant.

En pâturage continu, il faut également veiller à ce que les animaux ne rasent pas trop la parcelle. Si on doit affourager, il vaut mieux contenir momentanément le troupeau sur une surface limitée afin d’éviter le surpâturage et la consommation des repousses au fur et à mesure de la pousse, en veillant bien sûr à l’ombrage et la disponibilité en eau.

Diversifier les cultures fourragères

L’augmentation de la fréquence des périodes de sécheresse rend particulièrement important le choix des espèces pour assurer son autonomie en production fourragère. Les essais financés par le SPW menés par l’Earth and Life Institute de l’UCL à Louvain-la-Neuve et Michamps dans le cadre du projet « ForDrought : Systèmes fourragers innovants et plus sécurisants pour faire face aux modifications du climat et à la volatilité des marchés » ont permis de comparer différentes espèces fourragères en situation de stress hydrique. Les ray-grass supportent mal la sécheresse et les températures élevées. Par contre le dactyle et la fétuque élevée, le trèfle violet et surtout la luzerne (photos) sont des espèces particulièrement intéressantes de ce point de vue.

Il faut diversifier les cultures fourragères au sein de l’exploitation. Voici quelques pistes :

– semer quelques hectares de luzerne ou de mélange dactyle-luzerne qui vont pouvoir produire même en période de sécheresse ;

– semer des prairies temporaires à base de ray-grass Italien ou de ray-grass hybride associé au trèfle violet afin de produire de grosses quantités de fourrage en première coupe pour constituer des stocks ;

– semer quelques hectares de céréales avec un sous-semis de prairie. La céréale récoltée immature sous forme d’ensilage permettra de constituer des stocks de fourrage et la prairie pourra être pâturée en été ou fauchée ;

– implanter des CIPAN fourragers. Le site https ://protecteau.be/fr/cipan permet de choisir les espèces en fonction de différents critères. Au nord du sillon Sambre et Meuse, la navette fourragère et le radis fourrager semés entre le 1 et le 15 septembre peuvent encore donner une production fourragère en automne. Si la pluie revient avant, la féverolle et la vesce semées avant le 1er septembre conviennent également.

D’après Richard Lambert

Asbl Centre de Michamps,

Earth and Life Institute -UCL

Le direct

Le direct