Identifier les plus redoutables

et favoriser les défenses naturelles !

Nos arbres et arbustes fruitiers hébergent une faune très diversifiée, qui se compose à la fois d’organismes nuisibles à leur croissance et à la fructification, d’organismes utiles qui contribuent à contrôler les premiers, et d’organismes qui ne sont ni nuisibles ni utiles. Jusque là, le classement paraît simple et logique, mais différents organismes vivants peuvent se révéler utiles à certains moments de l’année, et nuisibles à d’autres périodes ! Cruel dilemme ! C’est par exemple le cas des mésanges qui sont prédatrices de diverses chenilles durant le printemps et l’été, puis qui, en automne, apprécient la chair sucrée et juteuse des poires en cours de maturation. De même, les forficules ou perce-oreilles sont en début de saison des prédateurs très efficaces de pucerons, qui en automne attaquent les fruits et les salissent de leurs déjections.

Dans le cortège des ravageurs de nos fruitiers, les insectes forment la plus grande troupe : sur pommier, on compte une soixantaine d’espèces ! Impossible de les passer tous en revue.

Les informations données ici ne sont qu’un des éléments dans la prise de décision, sans qu’elles aient un caractère impératif. Comme il a été dit précédemment à propos des fongicides, la liste des insecticides accessibles aux jardiniers amateurs a diminué drastiquement depuis quelques années, ce qui complique les stratégies de lutte à adopter. Parallèlement, d’autres techniques sont apparues. Elles peuvent être particulièrement utiles pour les jardiniers dans le cas où ni les équilibres naturels ni la lutte chimique n’apportent une solution satisfaisante. C’est par exemple le cas du contrôle de la mouche de la cerise (Rhagoletis cerasi).

Les pucerons : au cas par cas

Chaque espèce fruitière peut héberger plusieurs pucerons qui lui sont spécifiques et dont les cycles annuels diffèrent. La plupart hivernent sous forme d’œufs déposés par les femelles sur les rameaux vers la fin de la saison. Ces œufs éclosent plus ou moins tôt au printemps. Les femelles issues de ces œufs, les fondatrices, qui peuvent être ailées ou aptères, produisent par parthénogenèse des colonies denses de descendants qui perturbent la croissance des rameaux, des feuilles et des fruits. Seules les fondatrices ailées sont capables de se transporter vers d’autres arbres ou arbustes.

Certains pucerons effectuent tout leur cycle annuel sur une même espèce fruitière, tandis que d’autres migrent en été sur d’autres plantes, généralement herbacées, puis reviennent sur les fruitiers en fin de saison pour une reproduction sexuée et la ponte d’œufs hivernants. Le puceron lanigère du pommier hiverne sous forme de femelles adultes qui se reproduisent par parthénogenèse.

La stratégie de lutte contre les pucerons implique de surveiller l’évolution des populations ; elle dépend à la fois du moment où ils apparaissent et de leur vitesse de prolifération. Ceux qui apparaissent très tôt au printemps lorsque peu d’auxiliaires sont actifs, comme par exemple le puceron cendré du pommier, doivent être combattus par des insecticides aussi sélectifs que possible. Il en va de même pour ceux dont le taux de prolifération est très élevé, comme par exemple le puceron noir des cerisiers et le puceron gris des pruniers. Pour la plupart des autres pucerons, on pourra compter sur l’action des prédateurs qu’il faudra préserver en s’abstenant de traitements insecticides à large spectre.

À noter qu’un traitement anti-pucerons sera toujours plus efficace en utilisant un haut litrage de bouillie et en mouillant bien la face inférieure des feuilles ; de même, un traitement réalisé après une averse qui aura lessivé le miellat des pucerons se révélera plus efficace.

La mouche de la cerise : des pièges… ou des poules

Ce joli insecte de teinte noir-et-jaune a fait un retour en force depuis une vingtaine d’années, probablement en raison du réchauffement du climat estival. Les pupes hivernent dans le sol, et les adultes volent en mai, s’accouplent, puis les femelles pondent sur les jeunes fruits ; les larves, ou asticots, se développent dans la chair des cerises. Puis celles-ci tombent au sol ; les larves se transforment en pupes qui s’enterrent à faible profondeur. Les variétés tardives de cerises douces sont les plus infestées.

Aucun traitement chimique n’est autorisé dans les jardins d’amateurs. On placera dès juin dans la ramure des arbres des pièges constitués de plaques jaunes engluées ; les mâles sont attirés par une capsule contenant la phéromone spécifique. Le nombre de pièges à placer dépend du volume de la ramure.

Une autre technique consiste à faire parcourir en automne et en hiver la zone située sous la ramure par des poules, qui déterreront les pupes situées à faible profondeur dans le sol…

Les chenilles défoliatrices

De très nombreuses espèces de papillons, généralement nocturnes, spécifiques ou non, ont des larves qui se nourrissent de feuillage au printemps et en été. Ici aussi, la prédation par différents auxiliaires suffit souvent à contrôler les populations. Dans le cas contraire, des préparations à base de bactéries (Bacille de Thuringe, Spinosad…) sont préférables à des insecticides à large spectre, qu’ils soient de synthèse ou d’origine naturelle.

Les vers ne peuvent être dans le fruit !

Le carpocapse du pommier (Cydia pomonella) et le carpocapse du prunier (Grapholita funebrana) sont largement présents dans nos jardins. Ces papillons crépusculaires ou nocturnes comportent, le premier, une seule génération estivale de longue durée, et le second, une génération printanière suivie d’une génération estivale. Les œufs sont pondus dans le feuillage à proximité des fruits, dans lesquels les jeunes chenilles vont pénétrer.

La lutte doit être entreprise avant l’entrée des larves dans les fruits, avec une préparation biologique, le virus de la granulose. Contre le carpocapse du pommier, plusieurs traitements successifs à partir de juin seront nécessaires en raison de la longueur de la période d’activité des adultes, tandis que contre le carpocapse du prunier, on se limitera à intervenir fin-juillet ou début-août contre la deuxième génération, chez les variétés tardives mûrissant fin-août et en septembre.

L’anthonome du pommier : protéger les jeunes arbres

Ce petit charançon grisâtre compte une seule génération par an. Il pond ses œufs dans les boutons floraux non encore épanouis. La larve ronge la fleur qui se dessèche et prend l’aspect d’un clou de girofle puis tombe au sol, où le cycle se poursuit.

Sur des arbres adultes, les dégâts peu importants ne justifient pas d’intervention ; par contre ils peuvent être importants sur des arbres jeunes et peu fleuris ; on appliquera une pyréthrine ou un pyréthrinoïde de synthèse en avril, deux semaines avant la floraison.

Psylle du poirier : vive les auxiliaires !

Cet insecte hiverne sous la forme de femelles adultes que l’on peut remarquer lors de la taille hivernale si on porte des vêtements de teinte claire. Des colonies importantes se développent sur les jeunes pousses qui se nécrosent. Les psylles émettent un miellat sucré très collant, qui salit le feuillage et les fruits, puisqu’il s’y développe un champignon de teinte brun-noir, la fumagine.

Le psylle du poirier est typiquement un insecte qui prolifère à la suite de traitements insecticides à large spectre qui éliminent les auxiliaires. Dès lors, dans le contexte de jardins d’amateurs où on traite peu ou pas, il pose rarement des problèmes. On se limitera à couper et détruire les pousses infestées. En cas de forte infestation au cours de la saison précédente, un traitement d’hiver pourrait être envisagé.

Les acariens : peu de souci, sauf…

Bien que plusieurs espèces d’acariens nuisibles se rencontrent sur le feuillage des fruitiers de nos jardins, ils ne nécessitent pas d’interventions spécifiques parce que leur pullulation est contrôlée par leurs ennemis naturels : d’autres acariens ou des punaises prédatrices, que des traitements acaricides risquent d’éliminer. Dans un verger peu ou pas traité, cet équilibre naturel se crée spontanément après quelques années ; il est possible d’aider la nature en introduisant dans une jeune plantation, pendant l’été, des rameaux feuillés prélevés dans une autre parcelle.

Toutefois, deux acariens microscopiques peuvent poser des problèmes :

– le phytopte du poirier se développe dans le parenchyme des feuilles ; celles-ci prennent un aspect légèrement boursouflé, et une teinte jaune-verdâtre puis brun-noir. Il hiverne entre les écailles des bourgeons, puis au printemps, il infeste les jeunes pousses et provoque un affaiblissement des arbres. Il peut être combattu par un traitement d’hiver ;

– le phytopte du cassissier vit en très grand nombre dans les bourgeons. En hiver, on peut remarquer des bourgeons anormalement gros, de forme sphérique, qui se nécroseront au moment du débourrement ; les acariens migrent alors vers les bourgeons axillaires des pousses en croissance.

Lors de la taille hivernale, on éliminera les rameaux dont les bourgeons sont déformés. Il semble que certaines variétés de cassissiers y soient plus sujettes que d’autres. En cas de forte infestation, un traitement d’hiver est à envisager.

ir André Sansdrap

, Wépion

Le direct

Le direct