Les méthodes culturales, la lutte mécanique...

et énormément de questions pour la recherche !

Toutes substances actives confondues – insecticides, régulateurs de croissance, désinf ectants du sol, fongicides et herbicides –, les quantités de produits phyto vendues en Belgique évoluent à la baisse depuis de nombreuses années. Elles sont ainsi passées de quelque 7.730 tonnes en 2005 à 3.515 tonnes en 2010. Du côté des herbicides (35 % des quantités totales vendues en 2010, contre plus de 50% dans les décennies précédentes), on assiste depuis une dizaine d’années à une véritable chute des quantités d’herbicides vendues qui s’explique par le retrait du chlorate de soude sur le marché belge et par la diminution drastique des ventes de sulfate de fer et du glyphosate. Selon le professeur Bodson, l’évolution des molécules a également contribué à ce recul, avec des doses/ha appliquées beaucoup plus faibles.

« Substances naturelles »

Parmi les alternatives aux herbicides chimiques, deux substances naturelles de biocontrôle par contact sont commercialisées et utilisées. Il s’agit d’herbicides totaux, donc non séléctifs :

– l’acide pélargonique : vendu très largement dans les jardineries comme substitut au glyphosate « pour une élimination immédiate des mauvaises herbes sur terrasses, chemins, allées et terrains non cultivés en permanence ». Le recours à cet acide végétal, herbicide total, demande diverses précautions car il ne se manipule pas sans risque ;

– l’acide nonanoïque qui est un extrait du colza, vendu en France sous le nom Beloukha, « pour la maîtrise des adventives, le défanage et la dessication en agriculture ».

Prédateurs très spécifiques

On entend également parler de l’usage possible de prédateurs pour la lutte bio au sens propre du terme, c’est-à-dire que l’on va utiliser des organismes biologiques pour détruire les mauvaises herbes. Par exemple : Gastrophysa viridula, une espèce de coléoptère qui s’attaque aux feuilles du rumex ; en été dans les prairies, on peut observer la présence de petits trous dans les feuilles dues à ce petit prédateur.

Les méthodes culturales

Au-delà des «solutions évoquées ci-avant, le Professeur Bodson se veut très clair: «pour contrôler sans herbicides la présence des adventices en grandes cultures, il y a essentiellement deux voies à privilégier et surtout à combiner: les méthodes culturales et la lutte mécanique pendant la culture.»

Commençons par explorer la première.

La rotation

La monoculture est à éviter. On la connaît encore ponctuellement dans nos régions dans le cas du maïs ou du blé.

La rotation est bien le premier moyen cultural à mettre en œuvre en vue de la maîtrise des mauvaises herbes. La succession de cultures différentes permet de faire varier les époques de semis desdites cultures et donc de perturber la conservation dans le sol des graines de mauvaises herbes dont on sait (voir aplat en page 9) qu’elles présentent des périodes de levée souvent bien précises et diverses les unes des autres au cours de l’année (printemps, automne). Cette succession culturale permet aussi de faire varier le travail du sol et les modalités de maîtrise des adventices.

Bernard Bodson relève ici que l’intégration de la prairie temporaire dans la rotation constitue un moyen de lutte efficace. En effet, pendant les 2-3 ans de leur maintien, ces prairies vont être fauchées à plusieurs reprises, de sorte que des adventices annuelles seront en même temps éliminées. «Il ne sera cependant pas possible d’actionner ce levier partout. Qui dit prairie temporaire, dit production d’herbe et donc présence de ruminants, essentiellement des bovins. On ne peut généraliser cette pratique sous peine de détruire la diversité de nos exploitations et de détériorer les marchés et une partie de la rentabilité de nos fermes, avec des surplus de produits d’origine animale qui sont en outre sous le feu de nombreuses critiques».

Les périodes d’interculture constituent le moyen le plus efficace pour intervenir avant la culture à suivre.

Les leviers agronomiques

Des essais ont été menés de 2009 à 2013 par Gembloux Agro Bio-tech et le Centre wallon de recherches agronomiques à Gembloux sur la maîtrise de 3 espèces d’adventices aux profils très différents (vulpin, gaillet gratteron et matricaire camomille) via 3 leviers agronomiques (travail du sol : déchaumage et labour ; désherbage mécanique : herse étrille ; et date de semis).

Il en ressort, notamment sur le vulpin et le gaillet, que lorsque l’on retarde le semis de la céréale (de mi-octobre à fin novembre), le nombre de ces adventices fléchit et qu’au final la quantité de graines produites par celles-ci peut être réduite d’un facteur 100. Retarder, de mi à fin octobre, la date de semis, réduit déjà de 60% le nombre de plantes de vulpin/m2, sans impact sur le rendement.

L’autre levier agronomique mis en évidence par le professeur Bodson est l’enfouissement des graines d’adventices par le labour. Chez certaines espèces, le stock de semences est peu persistant dans le sol : on dit que leur taux annuel de décroissance est élevé. Cet indice est élevé chez la plupart des graminées, à l’exception notamment du pâturin. Du côté des dicotylées, la plupart des adventices se caractérisent par un stock semencier persistant dans le sol, à l’exception, par exemple, du gaillet pour lequel l’enfouissement des graines dans le sol par le labour est d’une efficacité extrême.

Cette expérimentation confirme également l’impact significatif du labour sur la réduction de la densité de matricaires.

Le déchaumage (et le faux semis) est une autre technique culturale de lutte contre le salissement des terres. Elle vise à mettre en contact le sol et les résidus laissés à la surface par les cultures qui viennent d’être récoltées de façon à accélérer et améliorer leur décomposition. Ces résidus comprenant notamment des graines et repousses de ces cultures, et des adventices (plantes, graines et rhizomes)… En travaillant superficiellement le sol, des graines adventices présentes dans le sol vont trouver des conditions favorables à leur germination et à leur levée. Un autre travail de sol suivra qui ciblera l’élimination des jeunes plantules pour la préparation du sol pour la culture à venir; ces travaux vont donc réduire le stock semencier des populations d’adventices présentes dans le sol. C’est la technique du faux-semis.

Pour la lutte contre les vivaces, le professeur Bodson assure que le travail du sol lors de l’interculture sera le moyen cultural le plus efficace. En effet, durant cette période d’absence de compétition avec les plantes cultivées, la plupart des mauvaises herbes vivaces peuvent développer leurs organes de multiplication végétative (stolons, rhizomes, bulbes…). «Ce moment doit donc être mis à profit pour endommager ceux-ci, les fragmenter, les ramener en surface, pour réduire considérablement leur vigueur, leur potentiel de survie et donc de nuisibilité.»

Pour être efficace contre ces vivaces, le travail du sol doit être effectué à une profondeur adaptée aux adventices visées. Ainsi, un travail superficiel du sol aura un impact sur le chiendent, mais pas sur le chardon, qui nécessitera un travail plus profond.

Le choix de l’outil est également important et sera aussi fonction de la profondeur souhaitée.

Un autre moyen de lutte utilisé par les agriculteurs biologiques est d’essayer de créer une situation de plus grande compétition, concurrence entre la culture et les mauvaises herbes :

– soit par la culture elle-même : des essais ont, par exemple, mis en évidence que des variétés de blé dotées d’une disposition foliaire couvrant mieux le sol (grandes feuilles à port retombant) présentent un avantage vis-à-vis d’adventices en fond de végétation comme les fumeterre et mouron des oiseaux ;

– soit par d’autres plantes en association avec la culture concernée. On parle de cultures associées. Cette technique est étudiée à la faculté de Gembloux Agro Bio-Tech. Il s’avère que dans des cultures en association de froment et pois d’hiver récoltées pour le grain sec, la plus grande couverture du sol ainsi réalisée réduit fortement le nombre de camomilles, véroniques et pensées.

Par ailleurs, couplée à la technique du semis direct, l’association de plantes de services, comme les vesces et le trèfle, à la culture de colza a déjà montré un effet significatif dans la lutte contre les mauvaises herbes, à condition que les populations de celles-ci ne soient pas trop importantes.

La lutte mécanique pendant la culture, le hersage...

Les techniques de désherbage mécanique mises en œuvre pendant la culture constituent une seconde voie à privilégier.

C’est le cas avec la herse étrille qui a bénéficié de fortes améliorations au cours du temps. Il existe aujourd’hui sur le marché des modèles de grande largeur, des dispositifs d’inclinaison des dents souples permettant des interventions à très faible profondeur sur des adventices à des stades très précoces dans des cultures elles-mêmes peu développée, ou à des profondeurs plus importantes lorsqu’il convient d’éliminer des adventices mieux enracinées par exemple dans des céréales sans trop de perte (jusqu‘au stade 2 nœuds).

Pour garantir une efficacité suffisante (comparable à celle des herbicides), il faut réaliser au moins 3 hersages successifs de manière à maîtriser les levées successives (matricaires, par exemple) et le fait de travailler le sol remet des petites semences d’adventices dans des conditions propices à leur germination et levée.

Cette lutte mécanique implique aussi pour l’agriculteur de disposer d’une météo favorable : période de temps sec en ensoleillé, permettant de déssécher suffisamment les petites plantules plus ou moins bien arrachées au sol.

Outil très intéressant, la herse étrille est utilisée de plus en plus souvent, même par des agriculteurs conventionnels, surtout dans des régions situées un peu plus au sud bénéficiant de conditions climatiques printanières plus favorables que les nôtres.

... et le binage

Autre technique, le binage a également été considérablement amélioré sur le plan technologique. L’équation à résoudre est la suivante: allier l’efficacité à une bonne vitesse d’avancement, surtout dans les exploitations de plus grande taille. La technologie s’est largement emparée des outils dédiés à cette tâche avec des progrès considérables tant dans le travail entre les rangs, qu’à l’intérieur de ceux-ci. Le revers de la médaille : le coût élevé du matériel.

Depuis quelques années, on observe l’apparition de robots désherbeurs, une spécialité de quelques sociétés. Le recours à ces petits engins suppose des passages très fréquents dans les cultures légumières, avec autoguidage et alimentation sur batteries. Comme pour les bineuses «conventionnelles», l’usage de ce type d’outils requiert des conditions météo favorables à un travail efficace et respectueux du sol. De telles conditions ne sont pas nécessairement fréquentes au printemps et au fur et à mesure que les cultures se développent, le passage du robot se complique.

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Demeure enfin l’arrachage manuel des adventices, mais dans ce cas, on retourne à la case départ...

M. de N.

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