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Jolien, éleveuse de poulets de chair: «À 16 ans, je ne m’imaginais pas devenir agricultrice»

Durant ses études, Jolien Driessens a obtenu un permis d’environnement l’autorisant à mettre sur pied un élevage de poulets de chair, à quelques pas seulement de la ferme familiale. Ses parents, éleveurs avicoles eux aussi, lui ont livré de précieux conseils mais l’ont laissée prendre ses décisions de manière indépendante. De quoi apprendre rapidement les ficelles du métier !

Temps de lecture : 8 min

Actuellement, l’exploitation de Jolien compte deux poulaillers, pour un total de 80.000 poulets de chair. La jeune fille, aujourd’hui âgée de 24 ans, ne s’imaginait toutefois pas faire de l’agriculture son métier principal. En témoigne son parcours scolaire…

Diplômée en soins infirmiers

Durant ses études secondaires, la jeune fille s’est tournée vers le secteur des soins de santé. En toute logique, elle a ensuite réalisé un graduat en soins infirmiers. « Je ne savais pas exactement quel métier je souhaitais exercer… Un jour, nous avons eu l’opportunité de demander un permis d’environnement pour bâtir un poulailler à quelque pas de l’exploitation de mes parents. Et j’ai pris une décision : à mon tour, je voulais devenir éleveuse de poulets de chair », se souvient-elle.

Initialement, les parents de Jolien comptaient effectuer les démarches administratives eux-mêmes. Mais l’opportunité de laisser leur fille créer sa propre activité était trop belle. « Lorsque la demande a été approuvée, j’ai voulu interrompre mes études. Mes parents ne m’ont pas laissé faire ; ils pensaient que je devais avoir un diplôme. En agriculture, on ne sait jamais ce que l’avenir nous réserve… »

Une fois diplômée, la jeune agricultrice a travaillé durant 6 moins en milieu hospitalier, le temps que le premier poulailler soit construit. Elle a ensuite démissionné pour se consacrer pleinement à l’aviculture.

Une approche différente

Les parents de Jolien trouvaient important que leur fille sollicite le moins d’aide possible durant ses premiers mois en tant qu’agricultrice. Elle a dû contacter elle-même plusieurs représentants commerciaux et vétérinaires afin de tracer son propre chemin. « Mes parents ont beaucoup d’expérience et sont de bon conseil mais ils voulaient s’assurer que je n’adopte pas de mauvaises habitudes. Ils m’ont appris à gérer mon exploitation en toute indépendance. »

Globalement, l’avicultrice travaille avec les mêmes partenaires que ses parents. « Nous avons la même équipe de capture, la même société de nettoyage, le même fabricant d’aliments… Mais je travaille parfois différemment. Ainsi, mes poulaillers ont des fenêtres, contrairement aux leurs. J’estime que la lumière naturelle est un plus pour les animaux. Un éclairage Led est également présent pour assurer en permanence un éclairage suffisant. Pendant trois blocs de deux heures, la lumière est éteinte ; le reste du temps, elle est réduite de 20 %. La lumière du jour entre pendant les deux premiers jours et la dernière semaine d’élevage. »

Jolien dispose d’une capacité d’élevage de 80.000 poulets de chair,  répartie à parts égales entre deux poulaillers.
Jolien dispose d’une capacité d’élevage de 80.000 poulets de chair, répartie à parts égales entre deux poulaillers. - SN

L’avicultrice a aussi équipé ses infrastructures d’un système de chauffage central indirect transmettant la chaleur par l’intermédiaire d’un échangeur air-air. Ainsi, aucun résidu de combustion ne se trouve dans le poulailler, comme cela peut être le cas avec un système direct. L’air peut aussi être refroidi ou réchauffé sans modifier le taux d’humidité. « Les ventilateurs aspirent l’air frais extérieur via l’échangeur de chaleur. En même temps, l’air vicié est extrait du poulailler. L’air entrant dans le bâtiment est partiellement réchauffé, si nécessaire, ce qui réduit les risques de courants d’air. Les conditions sont meilleures pour les poulets et ceux-ci présentent moins de problèmes respiratoires. »

Faciliter le nourrissage des poussins

« Pour l’alimentation, j’ai choisi le système Flow Slider de VDL Agrotech. Ce dispositif permet de laisser déborder les assiettes d’alimentation. Les poussins ont ainsi facilement accès à leurs aliments durant les premiers jours de leur vie, sans que nous devions nous-mêmes les disperser. C’est un gain de main-d’œuvre. »

En complément, du papier de démarrage est placé sous les lignes d’alimentation pour attirer les poussins. En pratique, ceux qui se nourrissent marchent sur le papier qui, en crépitant, attire les autres poussins vers les lignes d’alimentation. L’ensemble stimule le nourrissage et permet aux jeunes d’identifier où se trouvent leur aliment.

La combinaison du Flow Slider et du papier de démarrage permet aux poussins de trouver rapidement les lignes d’alimentation.
La combinaison du Flow Slider et du papier de démarrage permet aux poussins de trouver rapidement les lignes d’alimentation. - Jolien Driessens

Des œufs à couver à la place des poussins

Depuis quelques mois, Jolien commande des œufs à couver plutôt que des poussins. Cela permet de réduire le stress et assure aux poussins un meilleur démarrage. « Les œufs éclosent directement dans le poulailler et les nouveaux nés ont un accès immédiat à leur nourriture et à l’eau. Autrement, ils éclosent ailleurs et les poussins doivent être transférés ici. Ce n’est pas pareil… »

Après une période d’incubation de 18 jours, les œufs sont livrés à la ferme. Un jour plus tard, les poussins couinent. « Depuis que je travaille de cette manière, je constate que les poussins sont beaucoup plus calmes. Ils ont aussi une meilleure santé intestinale et une meilleure immunité. Cela m’aide à utiliser moins d’antibiotique, conformément aux objectifs que je poursuis. »

Depuis quelques mois, Jolien commande des œufs à couver plutôt que des poussins. Cela permet de réduire le stress et assure aux poussins un meilleur démarrage.
Depuis quelques mois, Jolien commande des œufs à couver plutôt que des poussins. Cela permet de réduire le stress et assure aux poussins un meilleur démarrage. - Jolien Driessens

Prendre ses responsabilités

Comme ses parents, Jolien est contractuellement liée au fabricant d’aliments néerlandais De Heus. « Il nous fournit les aliments et les poussins. Mais nous choisissons d’où ceux-ci proviennent. De Heus nous facture un prix fixe pour les animaux et nous verse un montant, fixe lui aussi, par kg de poulet produit. Ainsi, je n’ai guère remarqué les fluctuations du marché. Je pense que je n’aurais pas osé me lancer sans cela. »

« À ce sujet, je fais partie d’un groupe de conversation sur WhatsApp, aux côtés d’autres jeunes agriculteurs. L’un d’eux m’a dit qu’il enregistre moins de perte depuis qu’il a a arrêté l’élevage de poulets. C’est dur à entendre… Une autre affirme qu’elle ne comprend pas ceux qui construisent un nouveau poulailler ou se lancent dans le secteur. Toutefois, le contrat conclu m’apporte une certaine sécurité. »

En hiver, les prix reculent toujours un peu mais cette année, la baisse est plus importante en raison de la pandémie de Covid-19. « Les débouchés sont actuellement peu nombreux : les congélateurs sont pleins, les importations se poursuivent et les établissements Horeca ont fermé leurs portes depuis plusieurs semaines déjà. Chaque éleveur a été invité à réduire la taille de son cheptel. J’ai pris mes responsabilités : j’élève actuellement 38.000 poulets par bâtiment au lieu de 40.000. Je suis très heureuse que l’ensemble de ma production soit encore valorisé. »

Conjuguer agriculture et vie de couple

Conjuguer vie de couple et agriculture – et donc investissements importants – n’est pas toujours aisé. « Je suis en couple depuis 5 ans. Mon compagnon et moi avons décidé de mettre la ferme à mon nom et seuls mes revenus y sont investis. C’est un choix réfléchi, en cas de séparation… Il s’agit de montants très élevés… J’ai contracté un important emprunt auprès de la banque, mais j’ai pu l’obtenir assez facilement car mes parents se sont portés garants. Par contre, nous avons acheté notre maison à deux », détaille l’avicultrice.

Son compagnon ne travaille pas sur la ferme. Il est employé par une entreprise spécialisée dans l’automatisation des bâtiments d’élevage. C’est d’ailleurs cette même société qui a installé les poulaillers de Jolien. « Son emploi lui plaît et il ne souhaite pas le quitter. Si l’activité avicole venait à prendre de l’ampleur, il envisage de devenir indépendant. Il pourrait ainsi conserver son emploi tout en étant présent à la ferme. Actuellement, il prend déjà quelques jours de congé toutes les six semaines pour m’aider à nettoyer les poulaillers. Seule, je n’y arriverais pas. »

Une femme dans un monde d’hommes

L’agriculture est un milieu majoritairement masculin, mais les femmes ne doivent pas s’effacer pour autant, estime la jeune avicultrice. Rappelons qu’en 2018, un tiers des agriculteurs étaient des agricultrices. « Les femmes peuvent, elles aussi, démarrer une activité agricole. »

« C’est excitant de créer sa propre entreprise. Et je tiens le coup ! Je remarque cependant que l’équipe de capture a parfois du mal à travailler avec une femme. C’est pourtant comme ça, et pas autrement. J’aime prendre les devants et j’espère que je pourrai davantage encore développer mon élevage dans le futur. »

Écouter les conseils et développer ses techniques

Se lancer en agriculture est un réel défi, ce que confirme Jolien. « Il faut avoir le courage d’entrer de plain-pied dans le secteur. Le marché n’est actuellement pas excellent et on pourrait vous prendre pour un fou si vous franchissez le pas. Regarder un bilan financier suffit à prendre conscience des difficultés. Auparavant, je ne faisais pas attention à la masse de factures. Mais maintenant, c’est à mon tour de les honorer… Pour assurer ses arrières, je recommanderais à ceux qui souhaitent se lancer de conclure un contrat fixant le prix de la viande. »

Et de poursuivre : « Si vous pensez qu’être agriculteur ou agricultrice est quelque chose qui vous convient à 100 %, alors lancez-vous et poursuivez votre rêve. Écoutez attentivement les conseils que l’on vous donne et observez comment fonctionnent d’autres exploitations. N’essayez pas d’adopter impérativement les mêmes techniques que vos parents. Elles sont sûrement excellentes, mais peuvent être dépassées si leurs infrastructures sont vieillissantes. Ce serait dommage de passer à côté des dernières innovations qui vous permettent, pour la plupart, d’améliorer votre production tout en allégeant la charge de travail ».

Les relations avec les voisins constituent aussi un point sur lequel travailler. « Ma devise est simple : mieux vaut un bon voisin qu’un ami lointain. Pourquoi ? Car une mauvaise relation avec le voisinage peut mettre en péril le développement de votre activité. Mes parents, accompagnés d’un autre couple, organisent chaque année une fête pour rassembler le quartier. Pourquoi ne pas s’en inspirer ? »

En toute transparence

Dans les années futures, l’agricultrice souhaite bâtir un poulailler « témoin ». « Je n’apprécie pas la couverture médiatique négative qui touche notre secteur. De nombreuses personnes n’ont jamais vu un élevage de poulets de chair, ou même une ferme, de près. Ils ne connaissent que les images diffusées à la télévision. Je veux changer cela. Mon poulailler sera ouvert à tous, car je n’ai rien à cacher », détaille-t-elle.

Une fois la construction de deux premiers poulaillers terminée, Jolien a d’ailleurs organisé une journée portes ouvertes. « Nous avions écrit à tous les journaux locaux et prévu des visites guidées. Je publie également de nombreuses photos sur Facebook. Tout se fait en totale transparence. J’aime mes animaux et je fais tout ce que je peux pour que leur séjour ici soit le plus agréable possible. Et les consommateurs peuvent le voir ! »

D’après Sanne Nuyts

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