Grâce à la phytoécologie,

mieux connaître et comprendre sa parcelle

Voici quelques semaines, les Parcs naturels des plaines de l’Escaut, du Pays des Collines et régional Scarpe-Escaut organisaient une journée d’étude dédiée au diagnostic de prairie. À cette occasion, Bruno Osson du Groupement national interprofessionnel des semences et plants (Gnis – France) livra ses conseils pour estimer au mieux la qualité d’une flore prairiale.

Savoir identifier 100 espèces

« On recense jusqu’à 1.000 voire 1.500 espèces inféodées aux prairies mais pour estimer correctement la qualité d’une parcelle, en connaître une centaine suffit », explique Bruno Osson.

Parmi cette centaine d’espèces, il dénombre 30 graminées – dont l’importance fourragère varie –, une dizaine de légumineuses et environ 60 autres dicotylées. « La présence de mousse est quant à elle indicatrice d’une mauvaise activité biologique du sol causée par différents facteurs (ennoiement, problème de pH, tassement, ombrage…) », ajoute-t-il. À l’inverse, la présence de vers de terre et d’une bonne légumineuse (lotier ou trèfle blanc par exemple) sont deux indicateurs positifs de l’activité biologique du sol.

Outre la reconnaissance des différentes espèces, il importe de connaître leur phytoécologie (rapports entre l’environnement et la végétation) et leur intérêt fourrager.

Quel comportement par rapport à l’eau ?

« La phytoécologie permet d’expliquer pourquoi telle ou telle espèce se retrouve dans une prairie et non dans une autre », poursuit-il. Elle nous renseigne également sur les espèces pouvant apparaître suite à un changement de situation.

Il existe cinq facteurs de phytoécologie, tous aussi importants les uns que les autres.

Ainsi, le type de sol par rapport à l’eau est un facteur de sélectivité des espèces par leur comportement face à l’ennoiement, la submersion ou la sécheresse. Par exemple, suite à une période sèche, le ray-grass anglais se dessèche mais repousse dès les premières pluies. Le dactyle et la luzerne vont quant à elles mourir en cas d’humidité hivernale prolongée.

« En fonction, notamment, de la texture du sol, de la pluviométrie, de la topographie ou encore de la nature du sous-sol, on distingue 4 principaux types de sol : humide l’hiver et séchant l’été, humide l’hiver et frais l’été, sain l’hiver et séchant l’été, sain l’hiver et frais l’été », détaille Bruno Osson.

Quatre typologies de fertilité

Le deuxième facteur de phytoécologie est la typologie de fertilité, c’est-à-dire la prédisposition du sol à être fertile ou non. À cette fertilité naturelle, viennent s’ajouter les apports en fertilisants minéraux ou organiques.

Notre spécialiste distingue quatre typologies de fertilité pouvant être influencées par la présence de bousas (voir aplat).

Le premier sol est riche en azote, phosphore et potassium. Certaines espèces vont dominer dans cette situation de fertilité élevée. C’est le cas des bonnes graminées productives comme le ray-grass anglais, le dactyle, la fétuque élevée, la fléole mais aussi d’autres moins désirables comme les rumex, chardons ou renoncules.

Le deuxième sol est suffisamment pourvu en azote mais le potassium et le phosphore sont manquants. On y retrouvera des espèces indicatrices nitrophiles telles que l’ortie, le mouron, la houlque laineuse ou le pâturin commun.

Si l’apport de phosphore et de potassium est suffisant mais qu’un déficit en azote est observé, les légumineuses (trèfle blanc, luzerne, lotier…) vont dominer. Les espèces retrouvées dépendront, entre autres, du type de sol par rapport à l’eau. Celles-ci vont fixer l’azote, d’abord pour elles-mêmes, ensuite pour les autres espèces.

Enfin, si le sol est carencé dans les trois éléments, on retrouvera de la flouve odorante, du fromental, la grande marguerite… Dans ce cas, l’apport de fumier ou de compost permettra d’attirer des espèces plus intéressantes, sans même les semer. « Un sursemis accélérera néanmoins le processus ».

Transférer la fertilité en profondeur

Dans une prairie permanente, il existe un contraste de fertilité entre la couche superficielle et les couches plus profondes. Ainsi, la couche superficielle est plus fertile car elle reçoit les amendements naturels et épandus par l’éleveur. Plus en profondeur, la fertilité chute malgré les épandages successifs.

Bruno Osson : « Cette situation favorise les espèces à enracinement superficiel qui sont, par conséquent, plus sensibles à la sécheresse et à l’arrachement, ce qui atténue leur intérêt fourrager ».

Il serait dès lors intéressant et utile d’améliorer la fertilité du sol en profondeur afin de disposer d’espèces à enracinement profond. « Seuls les vers de terre peuvent amener des éléments de la surface plus en profondeur. Ceux-ci sont favorisés par un hersage superficiel du fait de l’aération permise par le griffage du mulch. »

Influent, le bétail ?

Les prairies sont soit pâturées, soit fauchées, ce qui influence la composition de la flore prairiale ; il s’agit du quatrième facteur de phytoécologie.

Dans le cas d’une prairie pâturée, la date du premier pâturage aura une influence sur la composition floristique et la morphologie des graminées. « Celles-ci vont démultiplier le nombre de talles, devancer les dicotylées et augmenter leur productivité pour le restant de la saison. C’est ce que l’on appelle le déprimage ».

Le type d’herbivore présent sur la prairie est également un facteur de différenciation. Chez les bovins, on distingue la spécificité des vaches laitières dont la fréquentation de la parcelle n’est pas homogène. « Elles ont deux points d’intérêt : la porte de la parcelle et le point d’eau », précise Bruno Osson. Dans ces prairies, la répartition des bouses sera très inégale et on retrouvera d’éventuels refus. Le pâturage pour les vaches allaitantes ou les génisses est quant à lui plus homogène et le point d’eau constitue leur seul point d’intérêt. Enfin, les bœufs sont peu sélectifs.

Les ovins quant à eux sélectionnent peu les espèces, ne laissent pas de refus et répartissent idéalement leurs déjections. Cependant, ils rasent très fort la prairie et ont une importante pression de piétinement.

Enfin, les chevaux déterminent des zones de refus représentant environ 30 % de la surface prairiale et dont la délimitation est identique d’année en année. Ils rasent également très fort et provoquent un tassement plus important que les bovins.

Et en prairie de fauche ?

« En prairie de fauche, la date de la première coupe aura une influence considérable sur la composition floristique. » Ainsi, une fauche précoce ne permet qu’aux espèces très précoces de terminer leur cycle de reproduction, entraînant leur sélection. « Cela se fait néanmoins en défaveur de l’éleveur, car le stade de végétation sera trop avancé que pour récolter un fourrage de qualité. »

Le mode de récolte du fourrage importe également. « Par la voie humide (ensilage, enrubannage ou affouragement en vert), l’essentiel des graines des épis est exporté tandis que par la voie sèche, une proportion importante des semences retombe sur le terrain et repousse », explique Bruno Osson.

Face au climat habituel

La climatologie est le cinquième facteur de phytoécologie. Elle intègre la pluviométrie et sa répartition, la température et ses extrêmes et la luminosité.

En effet, toutes les espèces n’ont pas le même comportement face au gel, aux températures élevées, aux périodes de sécheresse, à l’ensoleillement ou encore à l’ombrage.

Identifier les facteurs de dégradation

Outre ces cinq composants de la phytoécologie, il existe huit facteurs de dégradation de la flore. Bruno Osson insiste : « Les identifier permet déjà d’améliorer la qualité de la parcelle ».

Ces huit facteurs sont les suivants : le surpâturage (sauf au printemps lors du déprimage ou le pâturage permet le tallage des graminées), le sous-pâturage, l’absence de déprimage, la fertilisation mal raisonnée, le piétinement en mauvaise condition de portance de sol, la plantation d’une flore mal adaptée aux objectifs de l’éleveur, les éventuels accidents naturels (taupes, sangliers, mulots, inondation, gel et sécheresse exceptionnels…) et les négligences de l’éleveur (ballots laissés trop longtemps en prairie, rouler sur une herbe gelée, épandage de fumier mal émietté, mauvais hersage…). À l’éleveur d’en tenir compte !

J.V.

À suivre pages 18 et 19.

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