Le doryphore, craint avec raison ?

Le doryphore est venu d’Amérique du Nord en Europe à la faveur d’un transport maritime. Le premier foyer européen connu se situe au Nord du hameau de Jenesac, près du port de Bordeaux. À proximité du foyer se trouvait un entrepôt où transitaient des pommes de terre destinées aux forces armées américaines en 1918. Un second foyer fut identifié en Haute-Vienne. Ils furent détectés en 1922.

Quand l’importance des dégâts fut constatée, le ministère français de l’Agriculture instaura des mesures de sensibilisation et de guidance de la lutte. Les mairies transmettaient immédiatement les informations afin de mettre en place une lutte coordonnée. 7 départements étaient concernés en 1925, 9 en 1927, 14 en 1929, 30 en 1931.

Mobiliser la population

Des leçons très détaillées étaient données aux élèves des écoles. Dès la connaissance d’un foyer, il fallait prévenir le maire ou le directeur de l’école et la lutte commençait. La population et les écoliers se mobilisaient pour capturer les individus directement sur les plantes et les détruire. D’autres techniques ont été utilisées et faisaient probablement plus de dégâts sur les autres organismes que sur les doryphores eux-mêmes, comme l’arséniate de plomb. Elles témoignent plus de signes d’une panique que d’une gestion rigoureuse.

L’avancée du doryphore fut d’une cinquantaine de kilomètres par an. Il est présent en Belgique et en Espagne dès 1935. En Allemagne, aux Pays-Bas et au Luxembourg en 1936.

Deux cycles par saison

Le doryphore adulte mesure environ 10 mm et la larve, au dernier stade, une quinzaine.

Les pupes passent l’hiver dans le sol. Au réchauffement du printemps, elles muent vers le stade adulte et remontent à la surface.

Après l’approche nuptiale, la femelle pond un millier d’œufs en face inférieure des feuilles d’une plante nourricière trouvée jusqu’à quelques centaines de mètre du lieu d’émergence du sol. Après environ une semaine d’incubation éclosent les larves, en mai ou début juin.

Les larves vont évoluer en dévorant le feuillage de la plante hôte durant un peu plus de deux semaines. Puis, à la fin de leur développement, elles descendent s’enterrer et s’empupent. Après plusieurs semaines, un second cycle commencera.

Selon les conditions de l’année, ce second cycle aura lieu à la mi-juillet ou à la mi-août avec, en conséquence, il sera complet ou non. À la fin de son développement, la larve de deuxième génération de l’année devra souvent attendre l’année suivante pour recommencer un nouveau cycle.

À pied ou en profitant du vent

Le doryphore adulte peut parcourir plusieurs centaines de mètres à pied, à la recherche d’une plante hôte. Il est lourdaud au vol, mais peut être emmené par le vent sur plusieurs dizaines de kilomètres. Les historiens ont montré que l’homme pouvait aussi le transporter involontairement lors de transports de biens.

Ne nous fâchons pas

La larve de doryphore mange 35 à 45 cm² de feuillage pour son développement. C’est le nombre d’insecte par unité de surface qui fait l’importance du dégât.

En Belgique, on estime que 20 % de feuillage dévoré sur des jeunes plantes, 40 % au moment de la floraison et 60 % en fin de cycle végétatif sont des seuils d’intervention. Il ne faut donc pas exagérer l’importance du doryphore de nos jours. Mais nous pouvons comprendre que les dégâts pouvaient être relativement considérables dans de petits potagers ouvriers en période de crise économique comme en 1935 et durant les années qui suivirent.

Les doryphores peuvent transmettre des maladies bactériennes, mais celles-ci ne sont pratiquement pas présentes en Europe (Ralstonia solanacearum et Clavibacter michigannensis).

Le doryphore est considéré comme un organisme nuisible en Europe.

Comment le combattre ?

D’abord, il faut relativiser l’importance des dégâts potentiels, comme indiqué ci-dessus.

Les professionnels préfèrent limiter autant que possible les interventions insecticides. Pour des raisons économiques et environnementales d’abord. Mais aussi parce que les interventions insecticides portent le risque de nuire au développement des auxiliaires combattant les pucerons, et d’ainsi faire pis que bien. Les professionnels interviennent parfois sur des zones très limitées où se trouvent les fortes populations de doryphores, comptant ensuite sur les migrations des auxiliaires des zones non traitées pour migrer et recoloniser la zone traitée.

Dans un jardin, les cueillettes manuelles des larves suffisent à réduire les populations de doryphores. Les larves sont ensuite sacrifiées dans le bocal de cueillette.

Le paillis est une mesure préventive qui retarderait l’arrivée des doryphores, mais je ne l’ai jamais testée.

Des expérimentations avec des aspirateurs ont été testées en agriculture biologique et sont prometteuses.

Le doryphore a des ennemis en Amérique du Nord qu’on ne rencontre guère chez nous. D’autres insectes mangent les œufs comme la punaise masquée (Perillus bioculatus) ou des carabes (Lebia grandis notamment). D’autres les parasitent comme des tachines (Doryphorophaga doryphorae). Les professionnels peuvent aussi utiliser certaines formes du bacille de Thuringe. Chez nous, les pies sont attirées par la couleur rouge des larves.

F.

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