Un élevage ovin dédié

à la gestion des réserves naturelles

Originaires de Chimay et de Nivelles, Valérie et Bernard convié, ont eu l’opportunité de s’installer dans la ferme de Jambjoule à Villers-sur-Lesse début des années 2000. « Nous ne sommes pas issus du milieu agricole. Mes parents étaient boulangers. Valérie a une formation de kiné et moi d’ingénieur agronome. À la sortie de l’école, je me destinais plus à la coopération au développement mais j’ai rapidement changé d’avis et décidé de m’intéresser plus particulièrement à l’agriculture de chez nous. Durant mes études, j’ai eu l’occasion de réaliser un stage dans une exploitation bio, c’était milieu des années 90’ et le bio était à l’époque une démarche volontaire pas véritablement reconnue, cela m’avait vraiment impressionné », explique l’éleveur.

Projet de famille

Ainsi, lorsque la Donation royale leur propose de reprendre une ferme en location du côté de Rochefort, après une première expérience en association agricole non concluante, le couple saute sur l’occasion et en fait un projet de famille. « Nous nous sommes installés en 2003. À notre arrivée, la ferme était vide, nous avons donc eu la chance de pouvoir choisir les activités que nous voulions y développer. Même si, du coup, cela signifiait que nous devions faire les bons choix », dit Bernard.

La famille choisit d’élever quelques vaches laitières de race Jersey pour la fabrication et la vente de fromage et autres produits laitiers ainsi qu’une centaine de brebis pour la production d’agneaux, tout cela en agriculture biologique. « Nous avons opté pour la Jersey car nous cherchions une race rustique, adaptée aux terrains pauvres et facile à manipuler. Nous sommes assez contents de notre choix car ces vaches produisent un lait au rendement fromager extraordinaire et qui donne des fromages très typés. Le seul inconvénient réside dans la conformation, les veaux mâles ont tous les défauts et sont assez difficiles à vendre. C’est pourquoi, en général, nous les engraissons et les vendons sous forme de colis de viande », explique-t-il. Aujourd’hui, le couple possède une trentaine de vaches dont 24 en lactation. 320 litres de lait sont transformés chaque jour en fromage, yaourts, beurre et crèmes… vendus à la ferme, mais également livrés dans les commerces des environs et par des distributeurs, en Wallonie et à Bruxelles.

Des moutons pour gérer durablement les pelouses calcaires

En 2004, dans le cadre d’un projet s’occupant de la restauration et la gestion durable des pelouses calcaires, on propose à Bernard d’y faire pâturer ses moutons. Depuis, l’éleveur assure l’entretien de 85 ha de réserves naturelles en contrat de gestion avec son troupeau de 300 brebis de races locales Ardennais Roux et Mergelland. « J’occupe ces parcelles à titre précaire et gratuit mais je suis tenu de respecter un cahier de charges strict. En collaboration avec des scientifiques et des naturalistes, la Région Wallonne me fournit un calendrier de pâturage précis, avec des dates d’entrées et de sorties et des effectifs à respecter. Selon l’année, mon troupeau est divisé en 5 ou 6 lots qui pâturent près de 45 parcelles différentes. J’ai également toutes une série de contraintes sanitaires à respecter et les brebis ne peuvent pas être nourries quand elles sont dans les réserves. Je n’ai, par contre, pas d’obligation de les mettre en reproduction mais je le fais quand même. La plus proche des parcelles se trouve à 5 km et la plus éloignée à 25 km. Les brebis pâturent les pelouses calcaires de mai jusqu’à fin octobre et nous réalisons 2 à 3 déplacements par semaine, soit à pied, soit en bétaillère », détaille l’agriculteur.

Les parcelles sont bien évidemment soumises à un diagnostic environnemental mais l’éleveur n’a pas d’obligation de résultat par rapport à celles-ci : « Les contraintes sont imposées par les naturalistes, si cela n’est pas bénéfique pour une espèce, c’est eux qui rectifient le tir. Par contre, ils me laissent quand même émettre un avis quant à la mise en pratique de leurs exigences, par rapport aux coupures de parcelles par exemple. Au fil des ans, une relation de confiance s’est établie et toute cette organisation pratique est beaucoup plus facile ».

Les contraintes du pâturage

Le troupeau a également dû s’adapter aux conditions auxquelles il était soumis. « Destiné, à l’origine, à la production unique de viande d’agneaux, il est passé à l’entretien d’espaces naturels. Les contraintes imposées par cette activité ont clairement eu un impact sur sa prolificité. Nous produisons des agneaux mais en moindre quantité car notre élevage est à contraintes. Mon défi actuel est d’essayer de concilier les conditions agri-environnementales imposées et les contraintes de production pour que les brebis profitent mieux et produisent un minimum. Avant l’agnelage avait lieu en mars-avril, j’essaie de le faire glisser vers janvier-février afin de mettre moins de brebis suitées en réserve et que les bêtes aient le temps de se remettre. En effet, c’est à ce moment-là que les animaux ont le plus difficile et que les agneaux n’évoluent plus », explique Bernard.

Importance des aides

Entre les déplacements, adaptation de parcelles et troupeaux aux demandes des naturalistes, la gestion des réserves naturelles avec des ovins représente donc un travail conséquent. Celui-ci est essentiellement rémunéré par les aides de la PAC. « Les produits de l’atelier ovin proviennent à 76 % des aides et à 22 % de la vente d’agneaux. Dans le chiffre d’affaires de la ferme, la vente de moutons ne représente même que 6-7 %. La somme issue des aides peut paraître énorme mais, sans cela et avec les contraintes imposées, l’activité n’est pas rentable. De plus une grande partie de ces aides part dans la rémunération des employés, est investie et permet également de palier aux revenus de production perdus du fait des contraintes d’élevage », conclut Bernard.

DJ

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