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La vaccination contre certains types de mammites: une solution économique?

Les mammites sont un fléau économique dans nos étables. Qu’elles soient cliniques, subcliniques ou chroniques, les impacts sur le portefeuille sont nombreux. Traitement coûteux, perte de production, réforme précoce… Et lorsque cette maladie prend place dans un élevage, il n’est pas toujours aisé de s’en débarrasser. Depuis quelques années, une solution, pas encore très répandue chez nous, est apparue pour limiter l’apparition de mammites : la vaccination.

Temps de lecture : 6 min

Céline Lampole a été diplômée en agronomie de la Haute École Provinciale de Hainaut – Condorcet en 2016. Lorsqu’elle a dû trouver un thème pour son travail de fin d’études, elle a directement décidé de réaliser une étude sur un sujet peu répandu chez nous mais utilisé dans l’élevage de ses parents : la vaccination pour lutter contre les mammites. À présent, Céline Lampole travaille avec ses parents dans l’exploitation, à Saint-Sauveur. Retour sur l’évolution des mammites au sein de celle-ci.

« En 2007, nous avions beaucoup de problèmes de mammite », débute-t-elle. « Nous trayions à l’aide d’une pipeline, et l’université de Liège a diagnostiqué que la machine n’était pas adaptée aux vaches : lactoduc trop petit, sortie de griffe également, vide trop élevé, retour de lait vers le pis… »

Un problème qui perdure

Un projet de construction d’une nouvelle étable était alors en cours, et plutôt que de rénover la salle de traite présente, la famille Lampole a préféré en construire une nouvelle. Malheureusement, le problème s’est maintenu.

« Plus tard, l’analyse d’échantillons d’eau prélevés chez nous a montré une teneur très élevée en Escherichia coli. Après désinfection de l’eau, la situation s’est améliorée, mais le nombre de cas restait trop haut. »

« Un jour, notre vétérinaire nous a parlé de la vaccination pour lutter contre les mammites. C’était très nouveau, mais nous avons assisté à une réunion sur le sujet dans la foulée. Nous n’étions pas certains de l’efficacité de la méthode, mais nous cherchions une solution sans y parvenir, donc nous nous sommes laissés tenter et nous avons mis en place cette pratique à la fin de l’année 2012. »

Une amélioration rapidement observée

Actuellement, le vaccin permet de lutter contre les mammites dues aux staphylocoques à coagulase négative (SCN), aux staphylocoques dorés et à E. coli. Comme les mammites dans l’exploitation provenaient principalement d’une contamination de ce type de bactérie, une amélioration était attendue.

« Nous avons vite observé les résultats, et la santé générale de nos animaux continue à s’améliorer d’année en année. Le taux de cellule baisse, il y a moins de mammites cliniques, et les mammites sont plus faciles à traiter. Pour chaque cas de mammite qui arrive encore, nous réalisons un antibiogramme, et nous constatons qu’il y a très rarement présence de germes ciblés par le vaccin. »

Céline Lampole conseille ainsi la vaccination à tout éleveur faisant face à un problème récurrent de mammite, pour autant que les bactéries incriminées correspondent à celles contre lesquelles lutte le traitement. « La principale difficulté est qu’il faut être très assidu. Il faut réaliser 3 injections : la première 45 jours avant le vêlage, la deuxième 10 jours avant, et la dernière 52 jours après le vêlage. Dès qu’une vache est pleine, il faut donc bien le noter à l’agenda. Tous les jours, nous regardons dans la liste s’il y a une ou plusieurs vaches à vacciner. C’est une fameuse organisation au début, mais ça devient vite une habitude. »

S’habituer à l’organisation

« Nous vaccinons après la traite, comme ça, elles sont déjà attachées. Il faut de toute façon vacciner pour le BVD, donc il suffit de faire une deuxième injection en même temps. Tant que c’est bien pensé, ce n’est pas un travail contraignant, et en tout cas beaucoup moins que de devoir soigner une mammite ou traire une vache malade. »

Bien entendu, la vaccination n’est pas une solution miraculeuse. « Nous avons encore un cas de mammite de temps en temps bien sûr. Mais en 2017, seulement deux étaient dus aux germes combattus par les vaccins. Et les vaches malades avaient eu des difficultés de vêlage, donc une baisse de leur immunité. »

« Il faut surtout bien prendre en compte tous les facteurs de risque, et travailler de la bonne manière. Être attentif au nettoyage de la trayeuse et de la salle, pratiquer le pré-trempage et le post-trempage. Nous les laissons une demi-heure aux cornadis après la traite pour attendre que le sphincter soit bien refermé, et nous essayons de garder une hygiène de traite et d’étable impeccable. Il faut aussi faire attention aux signes : dès que le taux de cellules augmente, on met la vache en tarissement. Comme le contrôle laitier est réalisé au sein de l’exploitation, nous pouvons gérer les problèmes à temps et donc limiter les dégâts. »

Des impacts sous-estimés

« On ne pense pas toujours à tous les impacts qu’a une mammite. Même lorsque la vache est soignée, il sera plus compliqué de l’avoir à nouveau pleine, elle produira moins de lait et elle risque d’être réformée plus rapidement, ce qui peut être très dommageable avec une bête qui produisait beaucoup. En outre, les risques d’avoir des antibiotiques dans le lait augmentent, et c’est toujours mauvais pour le moral de la personne qui s’occupe de la traite. »

Un autre point positif est l’effet global de la vaccination. La pression infectieuse dans l’environnement est plus faible, et il y a moins de risque de contagion. « En général, les primipares ne sont pas vaccinées car elles sont en prairie pour la première injection, 45 jours avant le vêlage. Pourtant, elles ne sont pas plus malades que les autres, car il y a moins de vaches porteuses dans le troupeau. »

« Beaucoup d’éleveurs sont réticents alors qu’à l’heure actuelle, on peut utiliser de moins en moins d’antibiotiques. Ici, quand de nouvelles normes arrivent à ce niveau-là, nous sommes déjà dans le bon. Surtout qu’il faut le temps que tout se mette en place, que les vaches s’habituent. Ce n’est pas possible de vacciner tout son troupeau du jour au lendemain. »

« Les gens ont peur de se lancer car il faut investir sans être sûr qu’on va récupérer de l’argent par la suite, mais ils ne se rendent pas compte de combien coûtent les antibiotiques directement (prix d’achat) et indirectement (perte de production, du trayon, de la vache). Ou bien certains tentent, mais en n’injectant le produit qu’une seule des trois fois, ce qui perd évidemment en efficacité. »

Calculer la rentabilité du programme

Si Céline Lampole a réalisé son travail de fin d’études sur le sujet, c’était surtout pour coucher les résultats sur le papier et se rendre compte des coûts réels et de la rentabilité de l’opération. Ses conclusions sont assez intéressantes.

En prenant en compte l’ensemble des dépenses dues à la mammite (traitement, perte de production, charge de travail, etc.), le coût total, pour une vache à moins de 130 jours en lactation, était de plus de 300 € en 2015. Le vaccin coûtait alors une trentaine d’euros.

En rapportant ces chiffres sur le nombre total de vaches et de cas de mammites dans l’exploitation, le coût de cette maladie était situé entre 80 et 150 € par vache et par an. Le vaccin a apporté aux éleveurs une baisse de ces coûts d’environ 50 € par vache. Le programme avait permis de baisser le nombre de mammites cliniques de 28 % en 2015, et ce nombre a continué à diminuer depuis lors.

Chaque éleveur doit trouver la solution la plus adaptée à son cas pour garder ses animaux en bonne santé, et à n’en pas douter, Céline Lampole et ses parents ont trouvé la leur.

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