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Adeline Lefèvre, maman, cavalière et chef d’entreprise: «Si c’était à refaire, je ne changerais rien!»

Sa passion, Adeline Lefèvre en a fait son métier. Aujourd’hui, elle est, avec sa famille, à la tête d’un élevage d’une centaine de chevaux destinés à la compétition de haut niveau.

Temps de lecture : 6 min

L’élevage Saint Hermelle, c’est d’abord l’œuvre du papa d’Adeline, Raymond Lefèvre, qui, début des années ’80, commence à élever des chevaux en parallèle de son métier de banquier. « Il a d’abord acheté une jument qu’il a mise à l’étalon et, peu à peu, l’élevage s’est développé », raconte Adeline. « Il a très vite participé à des concours Modèle et Allures (les chevaux sont jugés pour leur morphologie et leurs allures) et a même remporté plusieurs championnats belges avec ses juments. Plus tard, il a décidé de les emmener en concours de saut d’obstacles. C’est ainsi que notre élevage s’est également spécialisé dans la production de chevaux de sport et de chevaux performers de haut niveau ».

Du poulain au compétiteur

Aujourd’hui, l’élevage compte une centaine de chevaux de selle belges et français dont une quarantaine au travail. « Tout se passe au sein de l’élevage, de la naissance à la préparation au concours. Certains de nos étalons sont également admis et la monte et nous récoltons leur semence. Nous inséminons nous-mêmes nos juments et faisons naître nos propres poulains. Les trois premières années de leur vie, nos chevaux sont régulièrement manipulés mais ils restent assez libres et passent beaucoup de temps en prairies. À trois ans, ils passent en boxe, on les débourre et les travaille alors dans un but commercial », explique l’éleveuse.

Les chevaux sont prêts à être commercialisés dès l’âge de 4 ans mais, actuellement, ils quittent de plus en plus tard l’élevage. « Nous vendons nos chevaux à des amateurs comme des professionnels mais, aujourd’hui, les gens recherchent de plus en plus des produits finis et des chevaux prêts à sauter. Les ventes se font donc très souvent vers l’âge de 5-6 ans. Maintenant, ils arrivent aussi qu’on nous achète des poulains ou des chevaux pour le loisir, dans le but de créer un élevage propre ou simplement pour la joie de manipuler et de faire évoluer un jeune cheval ».

Au quotidien, c’est une dizaine de personnes qui s’occupent de l’élevage. « Nous travaillons en famille, mes parents, mon mari, Aurélien, et moi-même. Mais, nous employons également un palefrenier et un groom pour l’entretien des installations et les soins aux chevaux, ainsi que d’autres cavaliers pour la préparation des chevaux et la compétition. Nous accueillions aussi régulièrement des stagiaires ». Elle ajoute, « Pour bien monter un cheval, il faut au minimum 45 minutes. On travaille les chevaux tous les jours, il nous est donc nécessaire de pouvoir nous reposer sur d’autres cavaliers. Cependant, mon mari suit le travail de tous les chevaux et coache les cavaliers afin que les chevaux soient formés comme nous le souhaitons ».

De cavalière à chef d’entreprise

Le cheval est une passion qui est venue tranquillement à Adeline : « J’ai commencé à monter à l’âge de 11 ans, et encore, c’était dans une écurie extérieure. J’ai fait mes premières compétitions juniors à 15 ans. Après l’école, je montais à cheval et j’allais en concours ».

À 18 ans, son papa lui propose de continuer ses études ou de travailler un an dans les écuries. « J’ai choisi la seconde option et au terme de cette première année, j’ai continué à travailler en tant qu’éleveuse et cavalière. À l’époque, j’ai aussi la chance de faire partie de l’équipe belge junior et senior avec laquelle j’ai concouru avec nos chevaux en France, Suisse, Hollande mais aussi au Portugal, en Italie, en Espagne… ça a été une très bonne école. Grâce à tout cela, mon sport et mon loisir sont devenus mon métier ».

Le contact avec les chevaux, le sport et la compétition sont des aspects du métier chers à Adeline mais ses enfants le sont encore plus.
Le contact avec les chevaux, le sport et la compétition sont des aspects du métier chers à Adeline mais ses enfants le sont encore plus. - Collection privée

Maman avant tout

Adeline est cavalière mais aussi maman et chef d’entreprise. Ses journées s’organisent autour de ces différentes fonctions. « Hors concours, ma journée débute aux écuries vers 8h30, avant cela je m’occupe de mes enfants. Je monte nos chevaux jusqu’en début d’après-midi et le reste de la journée est consacré aux visites des clients, à la présentation des chevaux ainsi qu’à la gestion du personnel et à l’administratif. Je donne aussi quelques leçons aux propriétaires que nous accueillons dans nos installations. Mais, en fin de journée, dès que je le peux, je redeviens maman ».

Le contact avec les chevaux, le sport et la compétition sont des aspects du métier chers à Adeline mais ses enfants le sont encore plus : « Quand on a goûté à cela, ça reste en nous ! Néanmoins, mes enfants resteront toujours ma priorité Lors de la naissance de mon fils, Léandre, en 2011, j’ai cessé de monter et laissé la main à nos cavaliers. Je me suis alors plus particulièrement centrée sur la gestion de l’élevage. Je n’ai repris les entraînements et la compétition que quelques années après la naissance de ma fille Ysalis. Aujourd’hui, je me sens à nouveau bien à cheval et j’ai des chevaux avec d’excellentes qualités à monter. Je refais tranquillement ma place tout en essayant d’être au maximum présente pour ma famille ».

Un entraînement d’athlète

Un emploi du temps qui peut s’avérer encore plus chargé en période de compétition. « De la mi-mars à fin septembre, c’est la saison des concours mais aussi celle des inséminations et des poulinâges. Les journées sont donc parfois intenses et les week-ends sont longs. Sur ce point, l’élevage de chevaux de compétition est un peu différent de celui de bovins ou autres car, pour exceller et arriver à une compétition finale, les animaux ont besoin d’un entraînement régulier, voire journalier et doivent participer à de nombreux concours. Pour nous, ça signifie parfois prendre la route dès le jeudi jusqu’au dimanche et ça ne laisse pas beaucoup de place pour autre chose. Même si pour ma part, j’ai la grande chance de pouvoir compter sur mon mari et mes parents ».

Difficile d’être une femme dans le milieu équestre ?

Quand on demande à Adeline si elle trouve les milieux agricole et équestre machos, elle répond par le négatif. Pour elle, il s’agit plus de faire ses preuves. « Je viens d’une famille agricole et, dans l’ensemble, toutes les femmes y occupent une place à part entière et ont leur mot à dire. En ce qui concerne mon métier, c’était sans doute un peu différent au début car j’étais très jeune et on ne me prenait pas au sérieux, d’autant plus que j’étais « la fille de… ». La renommée et l’expérience de mon papa étaient un atout mais parfois aussi un frein. Mais, au final, je n’ai pas eu trop de mal à trouver ma place. Par contre, il a fallu un peu de temps pour qu’on me respecte. Et puis, en commerce les gens sont très sérieux mais, quand l’interlocutrice est une femme, on tente plus souvent de l’amadouer lors des négociations.

Pour elle, être une femme à des avantages comme des inconvénients. « C’est un métier physique qui demande de rester en forme et ça peut-être pesant. Par contre, je pense qu’au niveau relationnel, nous avons l’avantage car les hommes sont parfois plus rustres et ça peut compliquer les échanges. »

Et si c’était à refaire ?

Adeline se dit satisfaite du développement de l’élevage familial et espère continuer sur cette lancée. « Je suis heureuse de ce que mes parents ont réalisé et de ce que nous faisons aujourd’hui avec Aurélien. Si c’était à refaire, je ne changerais rien. Qu’on soit homme ou femme, qu’on élève des chevaux, des vaches ou qu’on cultive la terre, nous avons tous un point commun : la passion du métier pour lequel on ne compte pas nos heures. Le plus important pour nous, c’est de faire ce qu’on aime. », conclut la cavalière.

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