Accueil Volailles

A la Ferme de la Sauvenière, on grandit pas à pas, dans le respect des animaux, du produit et du consommateur

Voilà plus de vingt ans que Valérie Van Wyzenberghe s’est lancée dans la production de foie gras, un métier qu’elle défend avec ferveur et pédagogie. Epaulée par son mari, François Vandenbulcke, elle élève aujourd’hui un peu plus de 8.000 canards annuellement que le couple valorise grâce à leur abattoir à la ferme. Proche de ses racines, elle ne manque aucune étape de production et de transformation, ce qui fait d’elle une excellente ambassadrice du circuit court et d’une production différenciée de qualité ; l’une des raisons de leur récente distinction : Agriculteurs de valeurs.

Temps de lecture : 7 min

Issue d’une famille d’agriculteurs à Hemptinne-lez-Florennes, Valérie Van Wyzenberghe ne se destinait pas à reprendre les spéculations laitière et viandeuse de ses parents. Toutefois, elle se voit bien travailler avec des animaux facilement manipulables et dont l’élevage ne nécessite pas de gros investissements. L’idée d’une production différenciée la taraude… Amatrice de Foie gras, elle n’hésite pas à se lancer dans une formation de gaveur quand elle en a l’occasion. Si la formation est très légiférée en Belgique, c’est une activité dans laquelle il est alors facile de se lancer… Nous sommes en 1997, Valérie a 28 ans.

Pour elle, c’est un pari tant la production de foie gras n’a pas encore le vent en poupe chez nous. Elle s’oriente directement vers le canard qui est beaucoup plus facilement valorisable que l’oie dont le marché reste très limité en Wallonie.

« J’ai commencé dans la ferme de mes parents. Les petites étables n’étaient plus occupées et l’espace me permettait de gaver de petits lots. » Elle commence par acheter des « prêts à gaver ». Des lots de 25 pour les occasions festives. L’occasion pour elle de se faire connaître petit à petit et de tester les différents produits qu’elle propose. .

Produits frais et stérilisés

Trois ans plus tard, elle et son mari, François Vandenbulcke, qui travaille à temps plein à l’extérieur, décident d’élever eux même leurs canards mulards. « Au départ, nous avions pris le parti de faire abattre tous les 15 jours car nous devions nous rendre à l’abattoir de Sclayn, près d’Andenne. Au vu des demandes et des retours positifs, nous avons décidé d’abattre toutes les semaines des lots de 70 à 100 animaux avec une petite augmentation en fin d’année. L’objectif ? Proposer de manière constante des produits frais pour les restaurateurs, artisans bouchers, magasins à la ferme… Un choix qui a du sens, tant l’éleveuse propose deux gammes des produits : les frais et les stérilisés. « L’utilisation de l’autoclave m’a clairement permis de produire et de transformer toutes les semaines, même à des périodes de commerce plus calmes. » La production se répartit à raison de 50% de produits en frais et de 50% en stérilisés. « Si l’on veut vendre des produits stérilisés, il faut pouvoir engranger du stock durant l’année… A partir d’octobre-novembre, nous ne travaillons que des produits frais pour les fêtes. »

François Vandenbulcke et Valérie Van Wynsberghe sont dans la production de foie gras artisanal depuis plus de 20 ans.
François Vandenbulcke et Valérie Van Wynsberghe sont dans la production de foie gras artisanal depuis plus de 20 ans. - Studio Bilande

C’est en 2002 qu’elle se lance professionnellement dans l’aventure à titre d’activité principale. Pour s’améliorer continuellement, elle organise ses vacances dans les grandes régions du canard en France. « Nous avons toujours conjugué vacances et formations. Cela nous a permis de faire des rencontres et d’avancer dans le métier.»

François Vandenbulcke et Valérie Van Wynsberghe sont dans la production de foie gras artisanal depuis plus de 20 ans.
François Vandenbulcke et Valérie Van Wynsberghe sont dans la production de foie gras artisanal depuis plus de 20 ans. - Studio Bilande

Marchés et circuits touristiques

Jusqu’ici, Valérie sillonne les marchés pour se faire connaître. « Nous sommes sortis beaucoup de chez nous pour amener les gens… chez nous ! Car le temps passé sur les marchés ne peut être mis à profit pour la transformation dans notre exploitation… Raison pour laquelle, dès 2004, le couple décide de s’inscrire dans des circuits touristiques. L’occasion pour eux de recevoir à la ferme des groupes de visiteurs de mars à fin septembre. « Je leur explique en quoi consiste notre travail, de la réception du caneton au produit fini avec dégustation et verre de vin à la clef. Nous nous devons de faire de la pédagogie vis-à-vis de notre métier. C’est un travail tellement méconnu… Certaines personnes pensent que les animaux sont gavés dès leur plus jeune âge, qu’ils sont toujours enfermés alors qu’ils passent 90 % de leur vie en plein air. Nous leur expliquons que pour avoir une viande de qualité, le bien-être animal doit être respecté. Nous nous attelons à leur donner les clés de compréhension. C’est alors au visiteur de se faire son opinion sur le gavage en toute connaissance de cause. »

Les canetons arrivent sur l’exploitation à l’age d’un jour. Ils resteront en canetonnière 4 semaines avant de changer de bâtiment.
Les canetons arrivent sur l’exploitation à l’age d’un jour. Ils resteront en canetonnière 4 semaines avant de changer de bâtiment. - Studio Bilande

Pour Valérie, ces visites ont plus d’impact sur le visiteur et sont plus rentables que les marchés. Si elle reçoit les gens avec plaisir, c’est un métier supplémentaire. « Il faut pouvoir être sur tous les fronts, ce pourquoi nous ne sommes pas du tout préparé au départ. Il faut être en ordre avec les normes d’hygiène, la législation commerciale. J’ai aussi dû faire la formation de traiteur-restaurateur afin d’avoir l’accès à la profession et de pouvoir revendre les produits transformés… »

Ces visites contribuent à les faire connaître, le bouche à oreille fonctionne… La demande croissante pour les produits pousse le couple à agrandir l’exploitation et à investir au fur et à mesure pour se faciliter le travail car la transformation demande beaucoup de main d’œuvre. C’est en 2011 que se construit de nouveaux bâtiments d’élevage avec magasin et salle de réception pour accueillir les visiteurs dans de meilleures conditions, à la sortie du village.

Jusqu’en 2013, deux personnes sont employées à temps plein sur l’exploitation. Un troisième arrive l’année suivante. « A partir du moment où l’on sait gaver davantage, il faut pouvoir transformer plus On ne sait pas être constamment au four et au moulin », confie Valérie.

Les canards passent la majorité de leur vie en plein air. Plantation de fruitiers, resemage de prairies… tout est mis en place pour favoriser le bien-être animal et la biodiversité.
Les canards passent la majorité de leur vie en plein air. Plantation de fruitiers, resemage de prairies… tout est mis en place pour favoriser le bien-être animal et la biodiversité.

Un abattoir à la ferme

En 2016 -2017, la fermeture de l’abattoir de Sclayn se précise et le manque d’alternative crédible poussent le couple à créer la leur : un abattoir à la ferme. Il devient opérationnel en 2018, moment où François vient à temps plein sur l’exploitation.

Aucun temps d’attente, pas de transport… A 6h l’abattage commence pour se terminer à 10h. Le gros avantage ? « Nous n’avons plus de contrainte de temps et pouvons moduler notre travail en fonction de la météo… On s’organise de manière à ce que les canards soient abattus dans les meilleures conditions… Du point de vue organisation et facilité de travail, l’abattoir apporte clairement un plus. Ils ont d’ailleurs pu engager un quatrième temps plein pour les épauler.

Depuis l’installation de cette infrastructure, l’exploitation abat entre 200 et 400 canards chaque semaine pour un total d’un peu plus de 8.000 animaux par an, soit une présence de 1.200 à 1.600 canards en permanence sur la ferme. Voilà donc deux ans que toutes les places de gavage sont occupées en permanence.

Avoir un abattoir à la ferme et un atelier de découpe a permis à l’entreprise d’engager. La transformation (ici en cassoulet) demande énormément de main d’œuvre. P-Y L.
Avoir un abattoir à la ferme et un atelier de découpe a permis à l’entreprise d’engager. La transformation (ici en cassoulet) demande énormément de main d’œuvre. P-Y L. - P-Y L.

« On aspire à voguer à notre « vitesse de croisière » et atteindre les 10.000 canards à l’année, soit le nombre correspondant à notre permis d’exploiter… Nous savons que c’est un quota atteignable tant la demande est présente. Mais nous n’irons pas au-delà. L’important pour nous ? Rester une petite entreprise familiale et participer à chaque étape de production et de transformation. »

Une certaine résilience

Cette taille d’exploitation, cette volonté d’être orienté circuit court permet aux exploitants une certaine résilience, comme cette année durant la crise de la Covid-19. « Nous n’avons pas dû fermer. Nos animaux étaient déjà en place puisqu’il faut atteindre au minimum 12 semaines pour pouvoir le gaver. La crise en outre permis aux consommateurs de prendre le temps de revenir vers le producteur. Non seulement nous avons pu toucher un autre public mais de nouveaux magasins de produits du terroir se sont adressés à nous pour diversifier leur offre. Cela nous a permis de garder un certain équilibre en termes de nos flux de production au vu de la fermeture des restaurants, dont ceux que nous livrons régulièrement au cours de l’année », poursuit-elle.

La Ferme de la Sauvenière peut en effet se féliciter de voir quelques restaurants gastronomiques annoncer leurs produits à la carte. « C’est d’autant plus gratifiant qu’on ne les a jamais démarchés. Seul le bouche à oreille nous a fait connaître, se félicite-t-elle.

Cette période les a également poussés à se réinventer. « On essaye de travailler dans plusieurs créneaux pour rentabiliser notre produit. Comme il a fait beau, nous avons adapté notre gamme en proposant des colis barbecue… nous n’avons pas le choix, nous abattons chaque semaine... Et C’est aussi la demande de notre clientèle fidèle pour des nouveautés au niveau de nos produits», conclut-elle.

P-Y L.

A lire aussi en Volailles

L’abattage de porcs chute en Belgique, tandis que les bovins se maintiennent

Animaux En 2023, les abattoirs belges n’ont pas pu maintenir leur production au niveau de l’année précédente. C’est surtout la branche porcine qui a souffert, alors que du côté des viandes bovines la situation se stabilise. On fait le point après des années difficiles dues à la crise Covid-19 et la baisse de la demande étrangère (chinoise, notamment).
Voir plus d'articles