L’agriculture biologique, le « bio » pour les intimes, se porte bien chez nous, merci pour elle ! Le dernier rapport de mai 2016 annonce 1.347 fermes en Wallonie, soit 10,47 % de l’effectif total. Le nombre a plus que triplé en seize années ! Cette percée fulgurante devrait réjouir ses ardents promoteurs, comme Carlo Di Antonio, mais celui-ci est loin de s’en satisfaire : il rêve d’une Wallonie « cent pour cent » bio, d’ici une dizaine d’années, a-t-il déclaré sur les ondes radio.
Son message a de quoi surprendre. Mais, au fait, comment orthographie-t-il son 100 %, lui qui sent pour cent notre avenir ? Sans pour cent ? Cent pour sang ? Sang pour cent ? Sang pour sang ?
Quel accent décent donner à son récent et effervescent propos ? Innocent ou munificent ? Incandescent ou évanescent ? L’agriculture conventionnelle est aux cent coups ! Chacun a le droit d’être réticent : ne devient pas agriculteur bio qui veut, par un simple tour de passe-passe. Cela peut coûter sang pour cent !
Pour se convertir en bio, un conventionnel doit revoir tout son mode de gestion, sa façon de voir et de penser ses actions. Une exploitation agricole est comme un train lourd lancé sur une voie : difficile de ralentir ou d’accélérer, de détacher ou d’attacher de nouveaux wagons, de prendre un nouvel aiguillage, le tout en roulant ! Le risque de dérailler est grand… Les primes de reconversion sont là pour aider la manœuvre, mais celle-ci n’en demeure pas moins très délicate.
L’aventure est assez hasardeuse, ne dit-on pas que le mieux est souvent l’ennemi du bien ? Et pourtant, le bio attire de plus en plus d’agriculteurs. Miroir aux alouettes, ou sortie de secours salutaire ? En élevage, il s’accompagne au début d’une diminution du cheptel, ou d’une augmentation substantielle de la superficie, La Palisse en eût dit autant. En spéculation viandeuse, si vous élevez du Blanc-Bleu, il faut carrément changer de race, à cause des césariennes !
Il faut être très optimiste, ou alors se trouver dans une situation terriblement compliquée, pour soutenir une telle gageure. Changer son cheptel, se séparer de familles de vaches que l’on a sélectionnées depuis des dizaines d’années, et avant nous, nos parents ! Ceux-ci se retourneraient dans leur tombe… Il faut être très courageux, carrément téméraire, ou complètement inconscient. Pour le marchand de bestiaux, c’est une aubaine, il gagne sur les deux tableaux, pour acheter vos animaux, et vous revendre des vaches qui vêlent de manière naturelle, le plus souvent de races françaises.
Il ne faut pas se leurrer, les limousines, charolaises, parthenaises, maine-anjou, et autres aubrac, salers ou blondes d’Aquitaine, ont aussi leurs défauts et leurs qualités. Il faut s’adapter à leur caractère farouche, savoir les commercialiser, comment les nourrir, prévenir leurs pathologies. De plus, dans leur élevage d’origine, elles n’étaient certainement pas les plus performantes, ni les meilleures, ni les plus braves. Les éleveurs français (ou belges) qui s’en sont séparés, n’ont certainement pas vendu leurs meilleurs animaux. Le risque est grand de se retrouver avec des bovins de second ordre, aux défauts cachés, et payés à prix d’or…
Les jeunes agriculteurs sont les mieux armés pour se lancer dans une telle aventure. Ils partent d’une page blanche, et peuvent directement monter leur exploitation en mode biologique. Leurs facultés d’apprentissage et d’adaptation sont très bonnes, en principe. Ils ont parfois tendance, hélas, à suivre trop facilement les joueurs de flûte de Hamelin, comme notre brave Carlo Di Antonio…
Cent pour cent bio ! Notre ami Carlo ne se rend pas compte de la révolution qu’il entend mener. Cent pour qui ? Sang pourquoi ? Sang pour sans rien gagner de plus, au final… Bio sang pour sang, c’est cent pour cent probable !
Tout être vivant
a droit au respect
L’envie nous prend d’acquérir un animal, pourquoi pas ! Mais ne devrait-on pas y réfléchir encore et encore avant de passer le cap ? Il me semble qu’il s’agit d’un achat important qui changera sans aucun doute notre vie et ce pour de nombreuses années et que cela nécessite donc un temps de réflexion.
Pourtant, combien d’animaux sont achetés sur un coup de cœur ou par effet de mode. Il y a eu, par exemple, des dizaines de Saint-Bernard vendus suite à la parution du film « Beethoven ». Combien l’ont vite regretté ? Parce que trop imposant dans un appartement, engendrant des coûts importants pour son alimentation ou simplement parce que le caractère de cet animal n’avait rien à voir avec celui du film. Même chose pour le dalmatien ou pour le chat/icône de certaines publicités.
Ensuite, ce fut la mode des serpents en tous genres, scorpions, araignées, caméléons et j’en passe… Il s’avère souvent par la suite que le coût du matériel et d’entretien est parfois bien plus cher que l’acheteur ne l’imaginait. Et pour obtenir quoi en retour ? Des animaux souvent inertes qui n’apportent pas beaucoup de tendresse à leur propriétaire et qui pour la plupart finiront dans les toilettes ou dans la nature. Le résultat de ces achats compulsifs est l’abandon de plus en plus fréquent de ces compagnons temporaires. Les associations de protection animale sont remplies de ces choix irréfléchis.
Pour les chevaux, ne croyez pas que c’est différent ! Beaucoup d’entre eux sont souvent sous-alimentés car le propriétaire, devant faire face à quelques soucis financiers, se dit que cet animal se contentera bien de foin ou de paille. Les vétérinaires, appelés par un quidam ou la société protectrice des animaux, sont souvent en première ligne pour constater le désarroi, l’insalubrité de ces bêtes qui pourtant étaient désirées il n’y a pas si longtemps de cela. Certains d’entre eux ont vu des chevaux dont les sabots n’avaient plus été entretenus depuis des années et qui ne savaient presque plus se déplacer. D’autres, si maigres, étaient incapables de se lever et leur denture déficiente les empêchait de manger le peu de foin jeté à même le sol. D’autres encore vivotaient, squelettiques, sur une prairie semblable à un champ labouré, sans un brin d’herbe, avec des abreuvoirs vides ou glacés l’hiver, sans abri pour se protéger des intempéries. Certains étaient également enfermés dans un espace réduit empêchant tous mouvements et submergés de crottins.
Croyez moi, si beaucoup de nos compagnons sont choyés, bien plus que vous imaginez vivent l’enfer. Alors, je vous implore, réfléchissez avant d’acquérir un compagnon. Réfléchissez au coût financier présent et futur, au temps qu’il faut lui consacrer, à l’environnement dont il a besoin… Chaque animal à droit au respect.