Les avantages et les désavantages
Le pâturage par des ovins présente de nombreux avantages. Ils paissent sans problème des terrains difficiles à entretenir. « Par ailleurs, les moutons donnent une image positive aux paysages urbains. Ils sont un atout fort d’un point de vue touristique, et gagnent à être utilisés
Les rôles s’inversent
Geert de Blust, de l’Instituut voor Natuur- en Bosonderzoek (INBO), nous relate un petit bout d’histoire. « Auparavant, les moutons étaient pourvoyeurs de lait, de viande, de fumier et de laine à grande échelle. À ces fins, plusieurs troupeaux paissaient les terrains moins productifs. Ils étaient donc le vecteur de nutriments et de minéraux de zones naturelles (comme des tourbières) sur les terres agricoles. Ils avaient un impact considérable sur la structure des paysages. »
Et d’ajouter : « Autrefois, la gestion du paysage était un sous-produit de l’élevage ovin. À présent, les rôles sont inversés : elle est l’un des objectifs principaux de cet élevage. Il faut donc voir l’élevage de moutons sous un autre angle. » Des possibilités existent donc bel et bien de voir des moutons pâturer des sites archéologiques vulnérables, des zones de captage d’eau et sous des panneaux solaires. L’expérience « nostalgique » » offre certaines oppurtunités : des initiatives comme des promenades de Noël avec des moutons deviennent de plus en plus populaires !
La surveillance des animaux
Bert Driessen, de l’Université catholique de Louvain, aborda ensuite la problématique de bien-être animal. « Dans les élevages bovins, il est essentiel de surveiller la production et l’état des animaux. C’est important pour la rentabilité et pour les portefeuilles. Chez les moutons par contre, on y prête moins attention. Pourtant, il serait intéressant de quantifier l’ingestion d’herbe par les moutons pour optimaliser le pâturage », estime M. Driessen.
Au cours d’une expérience, son groupe de recherche à comparé trois manières de pâturer des tourbières : le pâturage avec un berger, au fil, ou ras et intensif. Si l’on ne tient pas compte du troisième cas de figure, tous les moutons ont grossi. Les notes d’état corporel ont également augmenté, et ce dans les trois cas de figure.
Mesurer, c’est savoir !
« Mesurer, c’est savoir ! Et nous ne le faisons pas assez », regrette M. Driessen. En effet, la note d’état corporel exige certaines compétences et peser régulièrement des moutons n’est pas évident ! Raison pour laquelle l’orateur recommande aux détenteurs de moutons de mesurer régulièrement (une fois par mois) la circonférence de la cage thoracique de leurs animaux avec un mètre à ruban.
L’expérience a également démontré que les animaux gardaient une dentition saine durant la saison de pâturage, de mi-mai jusqu’à mi-septembre.
À noter que le groupe qui pâturait au fil était plus infecté par des parasites que les deux autres groupes. Peut-être étaient-ils plus en contact avec leurs excréments que les deux autres groupes.
Les risques pour la santé
Eva van Mael, de la DGZ, le pendant flamand de l’Arsia, est quant à elle revenue sur les parasites et maladies qui peuvent ravager le plus fréquemment un troupeau dans nos régions. Six cheptels ont donc été suivis pour l’expérience.
En Flandre, c’est surtout la grande douve du foie, les vers intestinaux et le piétin qui sont la source des plus gros problèmes. À un degré moindre, on retrouve les myiases cutanées, les déficits en minéraux, en oligo-éléments et des intoxications par des plantes.
La grande douve du foie
L’anémie est un des effets les plus visibles de l’infection par la douve du foie. La couleur de l’intérieur de la paupière est généralement une bonne indication. Si elle est rose, le mouton est sain. Par contre, si la couleur vire au blanc, il est fort probable que l’animal est sujet à l’anémie. Cette dernière peut être traitée principalement avec du Triclabendazole, un produit qui s’attaque tant aux larves des vers plats qu’aux vers plats adultes. Combiné à de l’ivermectine, le traitement peut également attaquer les nématodes. Mais au vu de l’écotoxicité de la substance, le traitement est souvent interdit sur le terrain. On peut prévenir l’infestation à la grande douve du foie en limitant le pâturage dans des zones de risque et en assurant la rotation des parcelles pâturées.
Les nématodes et le piétin
Une rotation suffisante permet également de limiter les problèmes liés à l’infestation par des vers intestinaux. Pour s’en défaire, il n’existe pas de produits 100 % efficaces. Mieux vaut donc prévenir que guérir. Il est déjà possible de s’en prémunir en examinant le fumier qui peut contenir de petits œufs. À noter que les vermifuges, comme l’avermectine, sont souvent écotoxiques et donc interdits sur le terrain.
Le piétin quant à lui est causé par les bactéries. Il est la principale cause de boiteries chez les ovins. Il est dû à une inflammation de l’espace interdigité entre les onglons. Étant contagieux, il est important de traiter le problème au niveau du troupeau. Selon la gravité de l’infection, des bains de pieds ou des traitements antibiotiques seront nécessaires. À noter l’importance du préventif, d’autant plus quand de nouveaux animaux rejoignent le troupeau.
Des aides pour la conservation des races
Achiel Tylleman, éleveur à Zedelgem, en vient aux aspects économiques de l’élevage ovin : « Actuellement, on peut élever des moutons à trois fins : la production du lait, de viande et la conservation du patrimoine. » En ce qui concerne le dernier aspect, le gouvernement a décidé de sauvegarder neuf races historiques et, pour ce faire, propose des subventions aux éleveurs qui se tourneraient vers elles. Ces aides s’élèvent à 25 euros par brebis. En général, ces races sont affectées à la gestion du paysage. »
Elles y sont d’autant plus aptes qu’elles sont rustiques. D’une part, elles sont autonomes et peuvent parcourir de grandes distances pour se nourrir. D’autre part, les carcasses sont moins valorisables dans le commerce », estime M. Tylleman. Le pâturage maigre en zones naturelles influe également sur le nombre d’agneaux dans les portées et sur la taille des jeunes.
Des contrats solides
Lorsque l’on veut engager un berger, les coûts ne peuvent qu’augmenter. « Pour pouvoir consommer assez de matière sèche, les moutons doivent paître jusqu’à 11 heures par jour. Ce sont des journées longues. Sans oublier que le berger doit être qualifié. On ne peut plus envoyer quelqu’un sans un minimum d’expérience. La gestion paysagère équivaut donc à un coût maximal pour un rendement minimal. »
En réalité, il faudrait une compensation plus équitable. « Actuellement il y a encore beaucoup trop de conventions d’occupation gratuites, avec des accords verbaux », constate André Calus. Il insiste donc sur la possibilité d’établir un contrat longue durée basé sur une communication explicite, détaillée, où l’on tient compte d’une flexibilité due aux conditions météorologiques.
« La paie de l’éleveur est vite dépensée », explique Philippe van der Grinten, manager du groupe hollandais Provinos. Et de conclure : « On n’élève pas des moutons pour faire de l’argent, on le fait par passion ! C’est un travail très difficile, d’un niveau physique élevé, comme n’importe quel autre métier lié au secteur agricole. »